Le président américain John Fitzgerald Kennedy traverse Berlin en 1963, aux côtés du maire de la ville, Willy Brandt, et du chancelier Konrad Adenauer. © BELGAIMAGE

26 juin 1963 : « Ich bin ein Berliner »

Pour qu’un discours marque les esprits, il ne doit ni être long, ni même bon. Il faut qu’il contienne une phrase choc, qui puisse parler à chacun – même si tout le monde ne la comprend pas.

En as de la com, John Kennedy brille sur la place Rudolph Wilde. Depuis le balcon de l’hôtel de ville de Schönberg, il s’improvise tribun. La foule est au rendez-vous et, quand les quatre célèbres mots sont lâchés, elle exulte. Berlin est alors le symbole de la guerre froide, ses habitants comptent aussi parmi ses principales victimes.

C’est la fin de la Seconde Guerre mondiale qui fait éclater la question allemande. Les vainqueurs entendent alors se partager la bête ; ils divisent le pays en zones d’occupation. Berlin est un cas particulier : située à l’est du territoire, la ville a été prise par les troupes de l’Armée rouge. Mais, puisqu’elle est capitale, l’ensemble des Alliés veulent y posséder leur part. Quatre secteurs d’occupation sont définis, que se répartissent les Américains, les Britanniques, les Français et les Soviétiques. Très vite, toutefois, les Alliés d’hier deviennent ennemis. Les Occidentaux décident alors d’unifier leurs zones et de permettre la résurrection d’un Etat allemand. Les Soviétiques font de même : en 1949, quelques mois après la création de la République fédérale d’Allemagne, surgit la République démocratique allemande.

Si Berlin-Ouest n’est pas la capitale de la RFA, elle en devient la vitrine. Son université, son deutsche mark, sa célèbre Kurfürstendamm, sa fameuse unité d’habitation imaginée par Le Corbusier sont les signes du triomphe du capitalisme à l’occidentale. Les Soviétiques y voient autant de menaces. Pour eux, West Berlin est définitivement une anomalie. Dès 1948, ils tentent d’isoler la ville en organisant un blocus. En vain. Alors que de plus en plus d’Est-Allemands fuient leur pays pour rejoindre l’Ouest, ils y vont plus fort. Le 13 août 1961, à l’aube, Berlin-Ouest se réveille emmurée. En quelques heures, la température s’affole dans les chancelleries.  » Si nous n’agissons pas, j’estime que nous allons vers une impasse qui nous forcera à choisir entre une grande défaite diplomatique et la guerre « , réagit Paul-Henri Spaak, à Bruxelles.

Et pourtant, les Alliés hésitent. Konrad Adenauer, le chancelier allemand, se montre même prêt à abandonner Berlin-Ouest. Secrètement, il propose aux Américains d’échanger la ville contre des morceaux de territoire de la RDA. Objectif : agrandir la RFA tout en supprimant un foyer de tension. La piste n’est pas retenue. Au contraire, Kennedy tient à montrer sa solidarité avec les Berlinois. En juin 1963, il se rend dans la ville. Durant son séjour, à deux reprises, il visite le fameux mur.

Des siècles après le célèbre civis romanus sum dont se targuaient les citoyens romains, Kennedy se dit Berlinois. Ou plutôt  » beignet allemand «  : grammaticalement parlant, en effet, il aurait dû prononcer  » Ich bin Berliner « . Mais peu importe : psychologiquement, la solidarité occidentale se voit renforcée. Contre les communistes, la guerre froide peut continuer.

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