Paul Déroulède : le fondateur de la Ligue des patriotes rêvait d'un régime dur. © DR

23 février 1899 : Après la mort du fort faible Félix Faure

LienFélix Faure est donc mort./Lien Un grand homme d’Etat ? Pas vraiment ! Faure n’était pas un fin politique. Ni un brillant stratège. Et encore moins un homme de dossiers. Sa présidence fut plutôt maigre : si ce n’est, peut-être, en rapprochant son pays de la Russie, il n’influença pas fortement la politique de son époque. En revanche, l’homme savait soigner les apparences. Profondément mondain, réputé pour son amour du faste, le « président-soleil » avait le chic pour la mise en scène. L’une de ses activités préférées ? L’organisation de parades militaires. Et si ce goût avait un coût, il n’était pas sans bénéfices : Faure fut populaire.

Le jour de ses obsèques, Paris brille. Le temps est froid et sec, les rues sont noires de monde. Le peuple est venu rendre un dernier hommage à son président, mais également se rappeler que l’amour est plus fort que la mort. Le Tout-Paris sait que Faure est décédé dans la foulée d’un rendez-vous galant. Dans les rues, l’information est partagée, commentée. Les blagues circulent. Ces funérailles ne sont pas seulement un hommage ; elles sont aussi un spectacle.

Mais tandis que la messe est prononcée à Notre-Dame, un homme attend son heure, place de la Bastille. Paul Déroulède n’est pas n’importe qui. Ancien militaire, il s’est battu contre les Prusses en 1870. Puis, il prit la plume. Depuis des années, il réclame le retour de l’Alsace et de la Lorraine. Il se bat aussi contre le principe d’une république parlementaire, lui préférant un régime plus dur. Après avoir fondé la Ligue des patriotes, il est élu à l’Assemblée nationale. En 1889, il encourage l’officier Georges Boulanger à tenter un coup d’Etat. En vain. Déroulède rentre finalement dans le rang. Temporairement…

En ce 23 février 1899, alors que le général Roget passe devant lui à cheval, Déroulède sort de la foule. Attrapant la monture par la bride, il interpelle le haut gradé et ses hommes, les conjurant de marcher sur l’Elysée. Tension. Suspense… Roget est un dur. Mais il est aussi lucide : il sait qu’un coup d’Etat a peu de chances de réussir. Fermement, il ramène ses troupes à la caserne, tandis que Déroulède se fait tranquillement arrêter.

La France au bord de la guerre civile ? Pas tout à fait. Mais en cette fin de siècle, le pays est sur les charbons ardents. Parce que les blessures de la défaite de 1870 sont encore vives. Parce que la France est terre de révolutions. Parce qu’un régime parlementaire est moins efficace qu’une république dictatoriale. Parce que l’affaire Dreyfus divise jusqu’à l’intérieur des familles. Et parce que la mort d’un homme faible crée un espace pour les hommes forts. Voilà pourquoi le décès de Faure fut comme une étincelle, mais dont le feu ne se propagea pas. Sous la conduite des Loubet et autres Poincaré, la Troisième République s’installera durablement. Elle ne s’éteindra qu’en 1940, sous les coups de boutoir de l’agresseur allemand. Et avec la complicité du maréchal Pétain.

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