Pour ce rôle, Elsa Zylberstein a tout arrêté durant un an, sauf marcher dans les pas de Simone la femme d'Etat. ©  2020 – MARVELOUS PRODUCTIONS - FRANCE 2 CINÉMA - FRANCE 3 CINÉMA

Elsa Zylberstein incarne Simone Veil au cinéma : « Il fallait faire un grand film sur cette femme exceptionnelle »

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Elsa Zylberstein incarne Simone Veil dans le biopic que lui consacre Olivier Dahan, un film rappelant combien, de la dépénalisation de l’avortement à la construction de l’Europe, les engagements de la femme d’Etat française restent d’actualité.

Le 1er juillet 2018, un peu plus d’un an après sa mort, Simone Veil faisait son entrée au Panthéon, conclusion d’un parcours d’exception qui avait vu la femme d’Etat française s’engager, avec succès, sur divers fronts. Le plus fameux restant celui de la dépénalisation de l’avortement, avec l’adoption, le 29 novembre 1974, par l’Assemblée nationale du texte relatif à l’interruption volontaire de grossesse, désigné depuis comme «loi Veil». Son destin, qui devait la conduire d’Auschwitz, où elle avait été déportée avec sa famille en 1944, à la présidence du Parlement européen, justifiait assurément un film biographique. C’est aujourd’hui un spécialiste qui s’en acquitte, Olivier Dahan, qui après La Môme, consacré à Edith Piaf, et ayant valu l’Oscar de la meilleure actrice à Marion Cotillard, puis Grace de Monaco, signe, avec Simone, le voyage du siècle (1), un troisième biopic au féminin.

La Môme, le biopic consacré par Dahan à Edith Piaf, avait valu l'Oscar de la meilleure actrice à Marion Cotillard.
La Môme, le biopic consacré par Dahan à Edith Piaf, avait valu l’Oscar de la meilleure actrice à Marion Cotillard. © belga image

La femme aux cheveux lâchés

La cheville ouvrière de l’entreprise est toutefois sa comédienne principale, Elsa Zylberstein, à l’origine du projet. «J’ai eu la chance de connaître Simone Veil, nous raconte-t-elle. Je lui avais remis un prix, à la Bourse, lors d’un grand dîner réunissant toute l’intelligentsia parisienne, française et autre. J’ai eu le courage, et un petit peu l’inconscience ce jour-là, de faire un discours devant toute sa famille, et on m’a placée à sa table. Nous nous sommes ensuite revues plusieurs fois. Au fil du temps, elle est venue dîner chez moi, j’avais lu Une vie (NDLR: l’autobiographie de Simone Veil, Stock, 2007), et je me suis dit qu’il fallait faire un grand film sur cette femme exceptionnelle ayant eu un destin hors norme. C’est la petite histoire dans la grande histoire.»

Huit ans passeront avant que le projet ne se concrétise – «un long chemin», comme le dit l’actrice, qui la conduira chez Olivier Dahan: «C’était la seule personne qui pouvait faire le film avec émotion. Je ne voulais pas que ce soit un Wikipédia classique. J’avais été époustouflée par ce qu’Olivier avait fait sur La Môme, et très vite, on s’est dit qu’on allait faire un film sur la femme aux cheveux lâchés, pas sur la femme au chignon.» Manière d’approcher le cœur du personnage pour en restituer l’émotion, la sensibilité, l’humanité et la compassion derrière l’apparente froideur.

Quand tu décides de devenir Simone Veil, tu ne peux pas te le dire. Tu prends l’autre versant de la montagne, tu prends l’humanité.

A cet effet, Simone, le voyage du siècle adopte une forme kaléidoscopique, bousculant la chronologie pour embrasser aussi bien la Simone Veil «intime» que la femme aux engagements multiples, avec pour dénominateur commun cette lutte contre l’injustice qu’elle avait chevillée au corps. Un parcours forçant le respect, pour une stature hors du commun, avec aussi ce que cela peut supposer d’intimidant. «Bien sûr, mais quand tu prends un rôle comme celui-là, et que tu décides de devenir Simone Veil, tu ne peux pas te le dire. Tu prends l’autre versant de la montagne, tu prends l’humanité. Tu prends la femme, avec toutes ses failles, ses rugosités, ses creux, ses bosses, ses passions, ses drames, et tu travailles de l’intérieur. Je me suis donné les moyens de le faire: j’ai travaillé pendant un an, où j’ai tout arrêté pour ne faire que ça. J’ai tout regardé sur l’INA (Institut national de l’audiovisuel), j’ai appris à parler comme elle […], j’ai écouté les différentes manières qu’elle avait de parler à 30, 35 ou 87 ans, cela a été tout un parcours pour l’intégrer dans mon corps: j’ai pris neuf kilos, j’ai marché avec ses chaussures pendant six mois, c’était un travail d’infusion

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Si Elsa Zylberstein trouve là ce qui s’apparente au rôle de sa vie (qu’elle partage avec Rebecca Marder, suivant les époques), sa composition va au-delà du mimétisme, pour toucher à l’être, mais aussi rendre tangibles ses engagements. «Ce qui est étonnant, c’est de voir comment tous ses combats sont d’actualité, souligne -t-elle. Sur l’avortement, tu te dis que c’est acquis, on est en 1974, et que c’est un film d’époque, mais finalement, il parle d’aujourd’hui. Sur l’Europe aussi, sur l’immigration, la tolérance, la différence, on se rend compte que chaque discours est d’une actualité époustouflante.» Le film, dès lors, n’en apparaît que plus nécessaire. Comme, d’ailleurs, lorsqu’il aborde la Shoah, Olivier Dahan insistant sur un indispensable travail de mémoire et de transmission. «C’est pour cela que ce film est important, pour que l’histoire ne se répète pas, approuve l’actrice. Le cinéma a une mission de dire, de dénoncer, de montrer. C’est notre histoire, et si les ados de 14 ou 15 ans qui n’ont pas encore accès à cette histoire-là la découvrent de la sorte, je trouve cela génial. Ma mission sera accomplie. Je me rends compte que c’est ce que j’ai toujours voulu: faire des films pour marquer les gens et pouvoir changer les consciences.» Gageons que Simone Veil aurait apprécié.

Autoportraits d’un cinéaste au féminin

Edith Piaf dans La Môme en 2007, Grace de Monaco dans le film du même nom huit ans plus tard, et Simone Veil aujourd’hui dans Simone, le voyage du siècle: la filmographie d’Olivier Dahan se décline, depuis une quinzaine d’années, en une succession de portraits de femmes d’exception. «Ce n’est pas par féminisme, même si je trouve le féminisme indispensable», assure-t-il. Et d’expliquer: «Je prends des archétypes. La Môme parle d’une artiste: je prends Piaf comme l’archétype d’une artiste qui va jusqu’au bout de son art, qui mélange sa vie et son art jusqu’à en mourir, et je parle aussi de ma façon d’aborder les choses dans le cinéma à l’époque. Grace de Monaco, c’est le portrait d’une comédienne qui, en gros, se trompe de rôle et qui, par le fait de son éducation, va croire au mythe de la princesse et tomber dedans. C’est peut-être, pour le coup, le film le plus féministe que j’ai pu faire, au sens vrai, de manière critique. D’ailleurs, cela a déplu à pas mal de gens. Et Simone est un film sur la mémoire. Ces trois films sont des portraits de femmes fortes mais ce sont aussi des autoportraits: je parle de moi, j’essaie de mélanger quelque chose d’intime avec les films…»

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