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Voici pourquoi Paul Magnette joue gros, à Verviers et au fédéral

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le président du PS tape du poing sur la table contre Muriel Targnion, bourgmestre de Verviers. Un incident qui dépasse le stade local. Mission du président socialiste: asseoir son autorité, dans une période délicate, où son parti pourrait être exclu du fédéral.

Paul Magnette sait donc taper du poing sur la table. A Verviers, le président du PS est intervenu pour mettre sous tutelle l’Union socialiste communale (USC), en début de semaine. L’exclusion pure et simple du PS de la bourgmestre Muriel Targnion et de ses soutiens est désormais à l’ordre du jour. Une façon pour le boulevard de l’Empereur de montrer qui décide. Le reflet d’une fracture locale aux relents nationaux. Et, aussi, une réminiscence de l’affaire Nethys, au cours de laquelle les tensions entre le parti et son élue locale avait déjà monté d’un cran.

Cette fois, l’incident local est lié à la rupture entre Muriel Targnon et l’autre homme fort de la ville, Hasan Aydin, président du CPAS. Les relations entre les deux personnalités se sont dégradées sur fond de tensions personnelles avec les partenaires de la majorité, de dépenses excessives ou encore de permanences politiques pour lequel l’élu d’origine turque aurait mobilisé du personnel communal – appelez cela du clientélisme à l’ancienne. Une motion de méfiance individuelle a acté la rupture. Paul Magnette a envoyé des émissaires pour tenter de déminer. En vain : Muriel Targnion a pris les devants en préparant une nouvelle majorité avec les élus socialistes qui la soutiennent, les libéraux et le CDH, nouveau venu dans l’attelage appelé à gérer la cité.

En toile de fond de cette guerre locale à dimension plus large, il y a des positions liées à la question sociale, avec la volonté du président du CPAS de soutenir les plus démunis à tout prix. Il y a aussi des tensions communautaires inhérentes à l’évolution de Verviers. Si Paul Magnette va au bout de l’exclusion de Muriel Targnion, il posera un choix qui n’est pas anodin sur le fond, orienté à gauche toute. Même si cette volonté d’exclure Muriel Targnon se justifie, aussi, par l’attitude irréductible de la bourgmestre dans l’affaire Nethys, à la fin de l’année dernière : son parti avait alors exigé sa démission de la présidence de l’intercommunale Enodia, après avoir notamment avalé son café de travers en l’entendant affirmer que « le management de Nethys n’a commis aucune faute ».

Paul Magnette joue gros

Pour Paul Magnette, cette intervention dépasse aussi le cadre verviétois.

Tout d’abord, sa position à la présidence est fragilisée en raison de ce que d’aucuns présentent comme un « manque d’autorité » : il ne « tiendrait pas » le PS dont l’organisation est particulière en raison du poids important des fédérations et de l’action commune avec le syndicat (FGTB) et la Mutalité (Solidaris). La façon dont il avait tenté de faire passer un dialogue avec la N-VA, pour gérer la crise du coronavirus, avant de faire volte-face en raison des réticences du parti, fut révélatrice. Si tout le monde reconnaît ses qualités de théoricien et d’universitaire, certains commencent à se demander s’il a autant de talent en tant que stratège politique et dénoncent un caractère un peu dilettante.

Deuxièmement, Paul Magnette est redevable pour sa présidence aux deux personnalités fortes de l’action commune, Jean-Pascal Labille (patron de Solidaris et homme fort du PS liégeois) et Thierry Bodson (devenu patron de la FTB suite à un putsch légal contre Robert Vertenueil, accusé d’avoir parlé avec le président du MR sans concertation interne préalable). La ligne du PS, sur fond de crante existentielle du PTB, vient aussi de là. Paul Magnette, depuis le début de la décrue du coronavirus, réclame un monde d’après différent de celui d’avant, propositions à la clé.

Tout cela prend tout son sens aussi au vu du risque pour le PS d’être une nouvelle fois d’être exclu du niveau de pouvoir le plus important pour lui, le fédéral, là où se gère la sécurité sociale. C’est loin d’être fait, bien sûr. Mais son parti frère flamand, le SP.A, a envoyé plusieurs signaux ces derniers jours pour dire qu’il n’était « pas marié avec le PS ». Pour des raisons propres à la Flandre et en sachant que les garanties réclamées par Conner Rousseau sont celles que réclameraient aussi le PS (refinancement des soins de santé, fiscalité plus juste…). Rien n’est fait, vraiment vu la méthode pour le moins chaotique du trio de missionnaires MR – CD&V – Open VLD. Mais ses troupes ne lui pardonneraient peut-être pas que le rejet dans l’opposition de 2014 se reproduise alors que le PS a de très belles cartes en mains.

L’air de rien, ces temps-ci, Paul Magnette joue très gros sur le plan politique.

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