Joëlle Milquet. © Belga

Victimes de terrorisme : le rapport Milquet préconise une réparation complète par les Etats

Le Vif

Les victimes d’actes de terrorisme dans l’Union européenne doivent avoir droit à une indemnisation multidisciplinaire par les Etats, qui aujourd’hui n’interviennent souvent que par le biais d’une compensation financière limitée et tardive, ressort-il d’un rapport de la conseillère spéciale du président de la Commission européenne, Joëlle Milquet.

Sollicitée en 2017 par Jean-Claude Juncker, l’ancienne ministre belge de l’Intérieur a présenté son rapport ce lundi, journée européenne de commémoration des victimes du terrorisme en souvenir des attentats du 11 mars 2004 à la gare d’Atocha à Madrid, les plus meurtriers commis jusqu’ici sur le sol de l’UE.

« Aujourd’hui, l’Etat ne doit intervenir qu’à titre subsidiaire par rapport à l’auteur (de l’acte terroriste), souvent insolvable. Il doit proposer une indemnisation dite équitable, ce qui reste très flou et limité à une assistance financière », constate Mme Milquet.

La conseillère spéciale propose de substituer à ce principe une logique de droit: l’Etat devrait ainsi offrir une indemnisation complète, sur base d’une expertise des dommages subis qui envisage aussi les aspect médicaux, psychologiques, socio-professionnels, etc. Et sans se contenter d’un montant forfaitaire potentiellement insuffisant.

La réparation se ferait aussi en nature, via des services en soins de santé pluridisciplinaires, un soutien administratif et la désignation d’une personne de référence.

Le rapport Milquet envisage par ailleurs le cas des victimes touchées par un attentat commis dans un pays autre que l’Etat de résidence. Pour éviter à ces victimes les difficultés de procédure, de traduction, ou le risque de voir des expertises non reconnues, ce serait le pays de résidence qui indemniserait, à charge pour lui de se retourner ensuite sur le pays où a été commis l’acte terroriste. La victime pourrait toutefois choisir de mener la procédure dans ce dernier Etat si le système de réparation y est plus favorable.

L’harmonisation des règles de paiement d’urgence, des critères d’indemnisation, de la définition d’acte terroriste, ainsi qu’une coopération accrue des services de police, de justice, de santé, figurent également parmi les priorités du rapport.

Pour les Etats débordés par l’ampleur d’une ou de plusieurs attaques, un fonds de solidarité européen serait prévu. « C’est une stratégie à cinq ans pour la Commission européenne. Au niveau belge, une même logique devrait prévaloir, avec une agence interfédérale, un délégué national aux droits de victimes ou un centre de coordination relevant du Comité de concertation pour associer les différents niveaux de pouvoir », plaide Mme Milquet (cdH).

A ses yeux, le financement de cette politique pourrait être recherché hors budget de l’Etat, par un prélèvement obligatoire sur certains contrats d’assurance, ou sur le monopole des jeux (Loterie nationale), voire sur les amendes administratives de stationnement ou routières.

Mme Milquet prend l’exemple de la France, où le fonds de garantie qui indemnise les victimes du terrorisme (FGTI) est alimenté par une taxe sur les contrats d’assurance de 5,90 euros.

Le paquet de 41 recommandations du rapport Milquet envisage en outre les victimes de trafic d’êtres humains ou de violences de genre. Il n’est pas à prendre ou à laisser. Certaines mesures sont plus sensibles que d’autres, comme celles empiétant sur la souveraineté des Etats membres ou les plus coûteuses. La Belge espère toutefois que Jean-Claude Juncker avancera rapidement sur quelques-unes des recommandations.

De son côté, la Commission a salué le document, tout en rappelant ce qu’elle avait déjà initié en la matière. « Ce rapport montre clairement que nous devons continuer notre travail en faveur des droits des victimes », a reconnu M. Juncker. Prudente, la Commission a toutefois souligné que les points de vue exprimés dans le document ne reflétaient « pas nécessairement la position de la Commission ou de son président ».

Le Centre européen d’expertise pour les victimes de terrorisme devrait ouvrir avant la fin de l’année.

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