Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux: alors ce Rubicon, c’est pour 2024? (chronique)

Pierre Havaux Journaliste au Vif

A la tête de sa troupe, le tribun De Wever y va de son meilleur latin pour exhorter ses soldats à aller de l’avant.

Le cadeau est à saisir sur la boutique en ligne de la N-VA. Pas de panique, le stock disponible ne fond pas comme neige au soleil. Pour six euros, cette belle boîte métallique emplie de biscuits est à vous. Avec, voyez-vous ça, immortalisé sur le couvercle, Bart De Wever en chair et en os, campé de pied en cap en chef de guerre romain juché sur un authentique cheval blanc, le glaive pointé bien haut vers le ciel, flanqué de quelques légionnaires à pied porteurs – légère entorse à la rigueur historique – des couleurs de la Flandre flottant au vent.

« Nil Volentibus Arduum », « à coeur vaillant rien d’impossible », annonce la bannière publicitaire invitant à acquérir ce collector sorti pour une grande occasion, les vingt ans d’existence de la N-VA. Rien de tel que d’entretenir un suspense pour pousser à l’acte d’achat: « L’empereur Bart De Wever et sa légion nationaliste flamande franchiront-ils le Rubicon confédéral en 2024? », interpelle la bande-annonce. Rejouer le coup de l’alea jacta est, ce n’est pas encore gagné, le rendez-vous avec l’histoire avec un grand H reste à écrire mais il est déjà pris pour les prochaines élections fédérales. On sait ce qu’il advint du coup de poker de Jules César, lorsqu’il décida, par cette expression cultissime et par une nuit de janvier 49 avant J-C, de franchir le petit fleuve côtier pour se muer en général putschiste en marche sur Rome: quatre ans de guerre civile au sein de l’empire romain.

On frémit à pareille évocation pour l’avenir de la Belgique mais on se rassure bien vite en se rappelant que l’actuel bourgmestre d’Anvers et toujours président de la N-VA a bonifié avec le temps: il n’est plus le garçon qui chérissait le grand César pour son côté showman, il est devenu cet homme d’âge mûr qui s’est pris d’affection et d’admiration pour le premier empereur romain, Auguste, mieux connu pour avoir été de nature réfléchie et doué pour penser avant d’agir.

Ce qui n’empêche nullement Bart De Wever de rester à l’occasion un grand enfant, surtout pour une (bonne) cause, comme les deux décennies d’un parti qu’il a su porter au sommet du pouvoir. Il a donc délaissé un temps son savoir livresque sur la glorieuse histoire de la Rome antique pour goûter lui-même à l’exaltation des veilles de bataille. Il lui a suffi, pour ce faire, d’aller puiser dans la garde-robe des Flamands de la XIe légion, unité jadis levée par César pour être engagée dans la guerre des Gaules et contre les Helvètes, et ressuscitée en 2006 par une poignée de reconstitueurs avides de faire découvrir au pays des ex-Ménapiens, avec un grand souci d’authenticité, ce que pouvait être la vie civile et militaire au temps des Romains. « Ah, si j’avais davantage de temps libre, je me joindrais volontiers à eux », confiait le président de la N-VA au terme d’une journée de séance photo et de tournage d’un clip diffusé sur Instagram. A la tête de sa troupe, glaive d’une main et bouclier de l’autre, le tribun De Wever y va de son meilleur latin pour exhorter ses soldats à aller de l’avant. Impressions à chaud? « Un hobby fantastique, quoiqu’il soit très difficile de jouer de la trompette romaine. Attention aussi à marcher en tunique dans les orties. » Du Rubicon au char de triomphe, le parcours du combattant s’annonce urticant.

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