Le CD&V hésite toujours à participer à une coalition sans la N-VA. Ce n’est pas étonnant car, pour les chrétiens-démocrates flamands, pareil scénario ressemblera à l’enfer sur terre.
Minoritaire au Nord, ultra majoritaire au Sud, orienté au centre-gauche, alors que la Flandre pédale à droite, prônant un quasi statu quo institutionnel, un gouvernement sans la N-VA est-il jouable ? Pour le CD&V, c’est très douteux. Beaucoup de francophones ne comprennent pas la frilosité du CD&V, scotché à la N-VA. C’est pourtant simple à comprendre. Si les dirigeants du CD&V lâchent le parti de Bart De Wever, ils endosseront pour longtemps les habits du traître à la cause flamande. La N-VA et le Vlaams Belang se déchaîneront contre ces « mauvais flamands » jetant aux orties leur idéal nationaliste pour un ou deux strapontins ministériels.
Une gifle pour la Flandre
Le CD&V sera montré du doigt comme le parti qui a permis l’installation d’un gouvernement fédéral minoritaire en Flandre.Un gouvernement « Vivaldi », rassemblant les quatre grandes familles politiques – socialiste, libérale, écologiste et chrétienne-démocrate – n’aura en effet pas de majorité dans le groupe flamand au parlement fédéral (avec un déficit de quatre sièges). Ce scénario minoritaire s’apparente à une gifle pour la Flandre. A terme, c’est intenable pour le CD&V, qui risque de payer l’addition lors du prochain scrutin.
Dans le même temps, le CD&V sera raillé pour avoir mis sur les rails une coalition ultra-francophone, très majoritaire en Wallonie et à Bruxelles. Quasiment tous les parlementaires francophones soutiendront un gouvernement « Vivaldi », en fait tous les parlementaires sauf les élus du PTB (les deux représentants de Défi voteront le plus souvent avec lamajorité).
Le CD&V « vendu » aux belgicains du MR
Le CD&V sera également perçu comme le parti « vendu » aux belgicains du MR. Le CD&V incarnera le parti qui a bloqué – à tout le moins encommissionné – toute réforme de l’Etat ambitieuse. Un reproche dur à porter pour ce CD&V dont une partie de la base adhère aux thèses confédéralistes.
La trahison du CD&V aura permis l’éclosion d’un gouvernement reléguant au rang de quatrième ou cinquième priorité l’obtention de nouvelles avancées confédérales en faveur de la Flandre. Un scénario d’autant plus imbuvable pour la N-VA qu’il colle aux aspirations du nouvel ennemi numéro un du nationalisme flamand, Georges-Louis Bouchez, le très belgicain – et tout à fait décomplexé – patron du MR.
Le CD&V, nouvelle « peste pour la Flandre »
L’addition sera salée pour le CD&V. Il sera diabolisé par le mouvement flamand, comme le fut au siècle dernier l’ancêtre de l’Open-VLD, le « partij voor Vrijheid en Vooruitgang » (PVV – parti de la Liberté et du Progrès ), rebaptisé « Pest voor Vlaanderen » (la peste pour la Flandre) par les nationalistes qui lui reprochaient la tiédeur de son engagement flamand.
Le CD&V portera l ‘étiquette infamante de « nouvelle peste pour la Flandre ». Cette étiquette sera dure à porter. Le CD&V la partagera avec l’Open-VLD, l’autre parti traître à la cause flamingante. Deux partis qui seront accusés des pires turpitudes.
Bart De Wever aura beau jeu de fustiger leur positionnement incohérent : bras dessus, bras dessous avec la NV-A au gouvernement flamand, reléguant cette même N-VA dans le coin, à l’échelon fédéral.
La chute finale du CD&V ?
Les réticences du CD&V face à une hypothétique coalition « Vivaldi » sont compréhensibles. Scrutin après scrutin , le parti perd des voix, plus de 180.000 en moins (presque un quart de son électorat) lors des élections de mai 2019. A ce rythme là, l’ancien parti flamand dominant, en déclin accéléré, va y laisser sa peau. Il n’a plus le droit à l’erreur. Pas certain que la participation à un gouvernement Vivaldi soit susceptible de lui rendre des couleurs. Au contraire, il pourrait précipiter sa chute finale. La plupart des dirigeants du CD&V sont conscients des risques qu’ils prendront s’ils s’embarquent dans l’aventure. Celle-ci pourrait se conclure par un cruel hara-kiri, tant les nationalistes flamands leur feront vivre l’enfer sur terre.
Peut-être le CD&V réussira-t-il à sauver la face en obtenant le poste de Premier ministre pour Koen Geens. Mais à moyen terme, les chrétiens-démocrates flamands pourraient perdre leurs dernières plumes. C’est tout sauf une bonne nouvelle pour l’avenir de la Belgique, toujours plus ingouvernable.