
Troisième Guerre mondiale, bombes nucléaires, service militaire: les Belges ont peur, mais les Flamands moins que les francophones (sondage exclusif)
62,1% des Belges craignent qu’une Troisième Guerre mondiale éclate, 63% redoutent une guerre nucléaire, et 47,2% sont favorables au service militaire obligatoire, selon le sondage Le Vif-Kantar Les Belges et la guerre. Ces proportions sont plus élevées chez les francophones que chez les Flamands…
La guerre n’est pas à nos portes, pas encore, mais elle est déjà dans les têtes des Belges. Les tensions internationales, depuis l’agression de l’Ukraine par la Russie, et l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche ont atteint un niveau jamais égalé depuis des décennies. Comme le monde entier, les habitants de notre pays, siège de l’OTAN et cœur de la diplomatie mondiale, l’ont remarqué. Et comme tous ceux que cela ne grise pas, ils s’en inquiètent. Surtout quand ils sont francophones. Le sondage commandé par Le Vif à l’institut Kantar le démontre imparablement.
Deux sur trois craignent la Troisième
Deux tiers des 1060 Belges interrogés par Kantar craignent qu’une Troisième Guerre mondiale éclate. 22,5% disent en avoir «très peur» et 40,7% plutôt peur, tandis qu’à peine 9,6% ne la craignent pas du tout, et 23,7% n’en ont plutôt pas peur. Mais si une Guerre mondiale n’a pas de frontières, notre frontière linguistique, elle filtre les craintes de conflit généralisé. Car ce dernier contingent, minoritaire, de Belges optimistes, que les chancelleries européennes taxeraient probablement plutôt de naïveté, est plus fourni en Flandre, où 41,5% des sondés n’ont pas peur du tout ou plutôt pas peur de la grande Troisième, qu’en Belgique francophone, où les moins craintifs ne sont que 24,7%. Et s’il y a selon notre sondage une énorme majorité de francophones inquiets (71% disent avoir très peur ou plutôt peur), cette majorité, en Flandre, est beaucoup plus étroite, à 54,4%. Aucun autre facteur que linguistique, pas l’âge des sondés, pas non plus leur niveau d’éducation, ni leur métier, et pas même leur choix politique, ne montre de différence aussi significative.
Une grosse moitié la voit à sa porte
Les données de l’enquête montrent que les inquiétudes portent surtout sur les marges orientales de l’Europe. N’empêche, sur les deux Belges sur trois qui la voient arriver, cette troisième grande guerre, une immense majorité la voit même atteindre la capitale de l’Europe. 58,5% des Belges disent en effet avoir peur ou très peur que la guerre atteigne la Belgique, contre 38,6% qui n’en ont pas trop peur ou plutôt pas peur. Et ici encore le degré de confiance varie selon qu’il se mesure en français ou en néerlandais, puisque les Flamands ne sont que 51,3% à craindre que la Belgique soit directement touchée par un conflit, tandis que l’institut Kantar en dénombre 67,3% côté francophone.
Deux tiers redoutent un conflit nucléaire
Ils pensent donc que la guerre peut éclater, les Belges. Et ils ont peur de ce que cette guerre pressentie fera précisément éclater, évidemment. Les puissances nucléaires qui actuellement se toisent, s’allient, se distancient, se rapprochent ou s’affrontent effraient nos compatriotes, et plus particulièrement au Sud du pays, puisque 72% des francophones ont plutôt ou très peur que des armes nucléaires soient utilisées. Les Flamands sont moins nombreux à s’inquiéter des vices guerriers de l’atome, à 55,3%, ce qui donne un total belge de 63% de craintifs.
Le ministre de la Défense nationale, le nationaliste flamand Theo Francken, réclame à grands bruits l’augmentation rapide du budget de l’armée. Son intention politique cadre donc davantage avec l’actuel état d’esprit francophone. Même si ses concitoyens -dit-il plutôt compatriotes?- sont tout de même majoritairement préoccupés eux aussi.
Sa volonté d’augmenter les dépenses militaires, endossée par tout le gouvernement De Wever, est, heureusement pour lui, alignée sur les deux opinions majoritaires, au Sud comme au Nord. Les différences entre francophones et néerlandophones deviennent en effet très faibles dès lors qu’il est demandé aux Belges si la Belgique doit augmenter ses dépenses militaires (51,9% de pour au total, 53,7% au Nord, 49,8% au Sud). Et la frontière linguistique devient invisible à l’oeil nu quant à la proportion de compatriotes, quels qu’ils soient, qui estiment qu’il faut renégocier, comme l’exécutif De Wever l’a fait, l’accord de gouvernement afin d’y intégrer l’augmentation des dépenses militaires: 47% des Belges sont d’accord, dont 46,1% des Flamands et 48,1% des francophones.
Pour le service militaire
Il faut donc réarmer, confirment les Belges dans la martiale foulée de leur tout frais ministre de la Défense et du nouveau gouvernement fédéral. Ils s’avancent même un pont plus loin que l’Arizona lorsqu’il s’agit de la conscription, que même Theo Francken, qui souhaite augmenter les budgets et les effectifs de la Défense, mais pas réintroduire le service militaire. Belges (à 47,2%), Flamands (à 44,2%) et francophones (à 50,7%), sont en effet largement plus nombreux à réclamer la réintroduction du service militaire obligatoire, supprimé en Belgique en 1994, qu’à s’y opposer. Notons que cette volonté est la plus faible (36,8% d’avis favorables) dans la catégorie d’âge directement concernée, celle des 18-34 ans, possibles conscrits. Les plus âgés, qui seraient probablement exonérés par la réintroduction, sont, eux, beaucoup plus enthousiastes (44,7% des 35-54 ans, 60% des 55-64 ans, et 53,4% des plus de 65 ans).
Cette crainte de la guerre se transforme ainsi, politiquement, en de très males aspirations. Le Belge est d’un peuple brave, on le sait depuis Jules César, et s’il a peur de la Guerre, il ne craint pas d’acheter davantage de canons, ni d’obliger sa jeunesse à s’enrôler comme au temps béni de la corvée de patates.
Deux sur trois ne veulent pas combattre
Mais il lui reste une once de pacifisme.
Car le Belge n’est pas sensible à tous les arguments des marchands de canons, ni à toutes les idées défensives et offensives de Theo Francken. Flamands, Wallons et Bruxellois estiment en effet que le lobby de l’armement a trop d’influence. Et ils trouvent tous que l’achat des F35 américains, décidé par la Belgique sous Charles Michel, et que certains partis de l’Arizona, N-VA en tête, veulent réitérer, était une mauvaise idée.
Et puis, quand ça le concerne directement, il parait beaucoup moins brave, le Belge. Parce que, d’accord, il craint majoritairement que la Troisième Guerre mondiale va bientôt lui tomber dessus. Et ok, il pense que la Belgique sera atteinte si elle éclate, et que comme il croit qu’elle va éclater, il considère qu’elle sera atteinte. Mais tout de même il espère ne pas être touché personnellement.
Il est surtout courageux pour les autres, car 62% des sondés refusent de « prendre les armes » si cette guerre, que la même proportion pense donc voir éclater, éclate réellement. Les jeunes, ces potentiels conscrits, y sont toutefois moins défavorables que leurs aînés: ceux qui ont l’âge de servir de chair à canon y sont moins hostiles (47,7% des 18-34 ans ne sont pas d’accord pour prendre les armes si une guerre éclate), que ceux qui ne seraient plus mobilisés (70% des 55-64 ans, et 74,8% des plus de 65 ans).
Le temps semble donc faire quelque chose à l’affaire: plus on est vieux, moins on se croit bon pour le service.
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