Jan Cornillie

« Toutes les élections dans les pays voisins augmentent les risques d’élections anticipées chez nous »

Jan Cornillie Directeur du bureau d'étude du sp.a

« L’année prochaine, la vague anti-establishment en Europe risque fort de rompre une digue. Et le gouvernement belge n’est pas du tout préparé à un tel scénario », écrit Jan Cornillie (sp.a) qui engage un pronostic pour 2017. « Que se passera-t-il en cas de nouvelle crise de l’euro ? Ou de nouvelle crise de réfugiés ? »

Nous comptons les jours d’ici Noël et Nouvel An. Les parlements se dépêchent de voter les budgets et malheureusement nous avons à nouveau été alertés par un acte terroriste. En cette année de terrorisme, la politique semblait parfois perdue, parfois intrépide, mais rarement ferme. Le slogan politique de l’année écoulée est sans nul doute le « Let’s take back control » de la campagne du Brexit. Les électeurs de tout le spectre de l’axe gauche-droite semblent partager cette aspiration.

Mais comment faire, pour leur rendre le contrôle ? Dans une démocratie, cela passe par les élections et en 2016 l’électeur a clairement dit qu’il utiliserait ce droit. Aussi devons-nous nous préparer à une année 2017 politiquement intense. La vague anti-establishment en Europe risque fort de rompre une digue et le gouvernement belge n’est pas du tout préparé à un tel scénario. Qui plus est, il risque même de ne pas survivre aux élections dans les pays voisins.

2017, une année où ça passe ou ça casse

En 2017, les Néerlandais, les Français et les Allemands iront voter. Dans les trois pays, les populistes de droite sont en train de gagner. S’ils réussissent à gouverner dans un de ces pays, l’Europe sera sens dessus dessous. Et s’ils échouent, il reste l’Italie qui pourrait changer la donne. Sur les quatre grands partis italiens, il y en a trois qui sont explicitement anti-européens. Le seul encore en faveur de l’Europe vient de perdre un référendum et un premier ministre.

60 ans après le Traité de Rome, 2017 sera une année charnière pour la zone euro et l’Union. Ça passe ou ça casse.

Si on regarde un peu plus en détail ce qu’une rupture de digue populiste de droite dans le coeur de l’Europe peut provoquer, les perspectives ne sont guère réjouissantes. Il est certain que ces pays organiseront un référendum sur l’adhésion à l’UE. Tant le PVV néerlandais de Wilders, le FN français de Le Pen que l’AfD allemand le promettent. Mais même sans référendum, les dommages risquent d’être irréparables pour l’Europe. Tous les gouvernements populistes de droite fouleront aux pieds le rafistolage qui a tenu l’Europe ensemble ces dernières années.

Petit florilège: annuler l’accord entre l’Union européenne et la Turquie pour canaliser le flux de réfugiés, car « nous repousserons ces bateaux nous-mêmes », soit une application stricte du traité de Dublin qui oblige des pays comme l’Italie et la Grèce – souvent les premiers pays d’arrivée – à résoudre leurs problèmes. Economiquement chacun-pour-soi, ce qui augmente les risques d’une faillite grecque. D’importantes baisses d’impôts (sans harmonisation de l’UE) pour les entreprises, qui ébranleront les budgets des états providences occidentaux. L’incertitude dans la zone euro ne fera qu’augmenter, alors que c’est justement là que se trouve la réponse pour donner plus de contrôle aux gens : un marché financier stable, une croissance économique et de l’emploi. Nous devons effectivement mettre fin au rafistolage de l’UE en assurant plus solidement les états providences. Repartir à zéro, vers « chaque état membre pour soi » ne ramènera pas le contrôle.

La ligne de rupture traverse le gouvernement belge

À première vue, tout ceci semble peut-être éloigné ou de moindre importance pour la Belgique. Or, rien n’est moins vrai. Vous vous souvenez du mois de novembre 2011? La Belgique venait de battre le record de plus longue formation de gouvernement. Les taux d’intérêt sur les fonds d’État grimpaient en flèche, l’euro était sur le point de sauter et les états membres d’Europe du Sud étaient virtuellement en faillite. La Belgique suivrait-elle les pays du nord ou du sud ? Heureusement, elle a formé un gouvernement une semaine plus tard et les taux se sont rapidement rapprochés des pays voisins. Comment jugera le marché en 2017 ? Et surtout, que fera notre gouvernement ?

Toutes les élections dans nos pays voisins augmentent les risques d’élections anticipées chez nous

Il y aura au moins un parti, la N-VA, qui sera du côté des défenseurs de l’exit et des critiques de l’Europe. Si Wilders, Le Pen ou AfD réussissent à transformer leur programme en politique, l’envie de participer deviendra irrésistible. Pour toutes les questions, la ligne de rupture traverse le gouvernement. Toutes les élections dans nos pays voisins augmentent les risques d’élections anticipées chez nous. Que se passera-t-il en cas de nouvelle crise l’euro ou de nouvelles crises des réfugiés ? Quelle que soit l’excentricité de la communication, pour l’instant la N-VA reste intégrée dans la culture du consensus belge. Il n’est pas certain que celle-ci se maintienne longtemps si les digues rompent autour de nous.

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