Se surpasser en pratiquant un sport à la fois individuel et collectif. © DR

Tokyo 2021: l’envol des Rafta Rockets qui ambitionnent de populariser le rafting

Dans la foulée de sa récente participation aux Championnats du monde de raft, notre équipe nationale ambitionne de populariser la discipline en Belgique… et rêve des Jeux olympiques.

Le slalom fait partie de ces épreuves passionnantes à regarder. Semé de portes rouges et vertes à dépasser ou contourner à contre-courant, le parcours révèle ce que le rafting fait de mieux en matière de technique, d’endurance, d’explosivité et d’équilibre. Tout de bleu vêtus, les Brésiliens débouchent les obstacles avec une agilité déconcertante tandis que, dans leur dos, les Croates offrent une leçon de coordination, presque un spectacle de danse synchronisée. En plein entraînement, cinq Belges butent sur la première porte du slalom. La faute à cette Durance, qui coule à vive allure en provenance du Sommet des Anges, voisin. Début juillet, c’est à L’Argentière-la-Bessée, dans les Hautes-Alpes françaises, que se tenaient les Championnats du monde de raft et handiraft 2021. Trois cents athlètes, issus de près de trente nations, concouraient sur trois épreuves différentes. Le slalom, le downriver, une descente de trois kilomètres, et le RX, un duel qui met deux rafts au coude-à-coude. « La Belgique n’est pas une nation de rafting« , concède le Namurois Xavier Aoust. « Notre présence ici est donc déjà une victoire en soi. » Un peu comme celle des Rasta Rockett, l’équipe jamaïcaine de bobsleigh aux Jeux olympiques d’hiver 1988, dont la team belge a détourné le nom. Voici les Rafta Rockets.

C’est ça, la beauté du raft: c’est un peu du freestyle.

Des athlètes sous tente

Les cinq as préparent la compétition depuis le printemps dernier. Si Rudy Aoust, Luc Van Ouytsel et Manuel Bufalino affichent presque trois décennies d’expérience sur l’eau, les jeunes frères Thibaud et Quentin Vilet ont découvert le raft il y a quelques mois à peine. Il a donc fallu mettre en place une dynamique en partant de zéro. « On s’est surtout entraînés à Angleur, au bassin du Mava, sur l’Ourthe, mais on est aussi passés par le Chalaux dans le Morvan et le bassin artificiel olympique de Paris », détaille Thibaud. « C’est ça, la beauté du raft: c’est un peu du freestyle. » C’est aussi une intense préparation de plusieurs semaines qui a notamment amené l’aîné des Vilet à découvrir la course à pied et Manuel à perdre huit kilos et une taille de pantalon. « C’est à la fois un sport individuel, basé sur la capacité de se maintenir en mouvement, et collectif parce qu’on est tous dans le même bateau« , décrit Quentin Vilet. « Quand on voit son voisin se battre, on a envie de se surpasser. »

A L’Argentière-la-Bessée, le Village des nations, rassemblant les équipes en lice, n’a rien à voir avec les infrastructures luxueuses d’un village olympique. Il prend plutôt la forme d’un camping privatisé où les athlètes dorment sous tente. A la veille du début des épreuves, les Rafta Rockets font connaissance avec les compétiteurs venus de divers horizons: un vétéran français de 54 ans par ici, un ancien footballeur professionnel brésilien par là. Jamais Luc et Manuel n’auraient imaginé pareille situation il y a vingt-sept ans, quand ils ont effectué leur première sortie sur l’Isère avec un vieux raft d’occasion. Depuis, le Marchois et le Montois ont pris l’habitude d’organiser des stages de rafting en Bourgogne et dans les Alpes. « Il est arrivé que l’on charge la remorque de matos le vendredi après le boulot, qu’on arrive vers minuit pour monter la vingtaine de tentes, qu’on fasse quatre descentes, puis qu’on remballe tout », s’amuse Manuel.

En 2005, quand le duo a voulu tester ses capacités à l’international, il s’est vu refuser la participation aux Championnats du monde de rafting organisés en Equateur, sur la rivière Quijos, par la Fédération belge. « Elle nous obligeait, avant de donner son accord, à prendre part à ses compétitions, en réalité des événements privés et payants », déplore encore Luc. « Du coup, on a créé la FBRP (Fédération belge de rafting et de packrafting) en 2017 pour garder cette discipline libre et accessible à tous. » Dans la foulée, ils se sont affiliés à la World Rafting Federation (WRF), l’une des deux instances dirigeantes internationales.

Le rêve des JO

Tout ne respire pas le professionnalisme, au Village des nations. Délimité par des barrières Nadar, il renseigne la présence d’un kiné via une simple feuille A4 et héberge des athlètes majoritairement amateurs – Manuel participera d’ailleurs à un conseil de classe à distance. Une configuration très charmante, mais la volonté de passer un cap se manifeste par l’utilisation de véhicules pour remonter les rafts après leur descente ou la diffusion des courses par une chaîne télé partenaire. Le président de la WRF, Danilo Barmaz, tient à ce que l’on parle de l’événement. « Aujourd’hui, nous avons 41 membres », soutient-il. « Notre philosophie est claire: on ne demande pratiquement pas de frais de participation aux délégations pour qu’elles puissent investir cet argent en interne. On veut donner sa chance à chacun. » Tout en bâtissant une structure suffisamment sérieuse pour prétendre rejoindre la grande famille du Comité olympique, dont l’un des membres a assisté à l’événement. Objectif Paris 2024? « Ça sera trop tôt », tempère Danilo Barmaz. « Mais on travaille pour faire partie des manifestations collatérales et proposer des initiations, se faire voir. » Un objectif partagé par les Rafta Rockets et Manuel, qui rêve de JO, « mais probablement plus en tant que coach ou membre de la Fédé », sourit-il.

En attendant, les rafteurs belges achèvent leur semaine aux 20e et 21e places (sur 25) aux épreuves de downriver et de slalom. En RX, le parcours s’arrête en 16e de finale, face à la Colombie. « C’est bien d’avoir été présents cette année, ça nous permet de voir ce que l’on doit améliorer, parce que ça va devenir sérieux », conclut Manu. « Des mecs qui se promènent la clope au bec dans le camping, c’est bientôt fini. Le futur du rafting, c’est des gamins de 22 ans taillés comme des bûcherons et qui s’entraînent toute l’année. »

Prendre l’eau en Belgique

Avec la Covid, beaucoup de Belges ont découvert les activités outdoor à moins de cent kilomètres de chez eux. Le rafting reste cependant difficile à pratiquer au Plat Pays, où les rivières sont trop peu torrentueuses. « Notre objectif est de créer une ou plusieurs équipes qui s’entraîneraient de manière sporadique sur des bassins à l’étranger », lance Luc Van Ouytsel. « On pourrait même organiser des championnats de Belgique en France, un peu comme au ski. » Pour les autres, il reste le packraft, cette sorte de kayak gonflable tout à fait praticable sur les rivières belges. « Son attrait ne fait que croître, mais si tout le monde fait n’importe quoi, les autorités risquent de mettre des freins », reprend Luc. « Il faut donc structurer, créer une assurance, avoir des dérogations pour descendre sur certains tronçons de rivières, etc. » Initiations, formations, systèmes de progression… les Rafta Rockets débordent de projets pour promouvoir les sports d’eau douce.

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