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Terrorisme : une armée, deux fronts

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

L’engagement belge en Irak contre les djihadistes se poursuivra très probablement au-delà de l’été prochain. Jamais l’armée et le gouvernement n’ont si peu communiqué sur une opération militaire à l’étranger. Et pour cause…

Des F-16 belges dans le ciel irakien, des militaires dans les rues des principales villes de Belgique : l’armée est désormais présente sur deux « fronts » face à la menace djihadiste. A la demande des Etats-Unis, le gouvernement belge a décidé de prolonger jusqu’à l’été prochain Desert Falcon, la mission des six chasseurs-bombardiers engagés dans la lutte contre l’Etat islamique (EI). Se poursuivra-t-elle au-delà de cette date ? C’est très probable. Après plusieurs mois de bombardements, les avions de la coalition commencent à manquer d’infrastructures stratégiques ennemies à neutraliser. Par ailleurs, les frappes pour défendre la ville de Kobané, en Syrie, n’ont pas permis de repousser pour de bon les combattants de l’EI. Depuis le début de la campagne aérienne, l’Etat islamique s’est même renforcé et s’est étendu territorialement, déplorait ces jours-ci le sénateur américain John McCain. Dès lors, la question de l’envoi de troupes au sol pour contrer la présence djihadiste en Irak et en Syrie se pose avec de plus en plus d’acuité. Les Etats-Unis comptent 2 100 militaires en Irak et prévoient d’en dépêcher d’autres en Turquie, au Qatar et en Arabie saoudite pour entraîner l’opposition syrienne. Cette semaine, l’état-major canadien a reconnu que ses forces spéciales ont été engagées dans des combats au sol au nord de l’Irak. Si une intervention de plus grande ampleur prend forme, un appui aérien aux troupes terrestres se révélera indispensable, comme ce fut le cas ces dernières années en Afghanistan.

En 2011, les quelques mois de guerre en Libye avaient coûté à la Belgique plus de 40 millions d’euros. A ce stade, peu de précisions sont fournies sur le coût de la mission belge en cours, évaluée initialement à 14,5 millions d’euros brut par mois (près de 6 millions net). Tout dépend évidemment du nombre de sorties et de frappes (les F-16 belges réalisent près de 400 heures de vol mensuelles), les cibles étant déterminées depuis une base aérienne située au Qatar. A cet égard, l’armée et le gouvernement observent plus que jamais le « silence radio » sur les opérations menées, au-delà du constat, fait par l’état-major, que les F-16 rentrent régulièrement à leur base jordanienne sans avoir bombardé, le risque de faire des victimes civiles étant trop élevé. Même les parlementaires peinent à obtenir une évaluation précise de la mission.

Est-ce dû au fait que la situation en Irak ne s’est pas vraiment améliorée depuis l’entrée en action des forces de la coalition, comme le murmurent les opposants à l’intervention belge ? La raison officielle est tout autre et non dénuée de fondement : ne pas inciter des terroristes à entreprendre des actions contre la Belgique. Les menaces qui pèsent sur le pays, mises en évidence à l’occasion des récentes opérations anti-terroristes à Verviers et à Bruxelles, incitent les autorités belges à ne plus communiquer ou presque sur la mission en Irak. « A l’époque de nos opérations en Libye, il n’y avait pas de menace d’attentat en Belgique, rappelle un officier de la composante Air. Aujourd’hui, notre pays est dans le collimateur des djihadistes. Dès lors, moins on parle de notre participation à la coalition contre Daech, moins on risque un retour de flammes ! »

Le dossier « Sommes-nous en guerre ? » dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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