Carte blanche

Stop à la répression des sans-papiers

La Journée internationale des Migrants de ce 18 décembre, nous la dédions aux sans-papiers : ceux et celles dont on ne parle que peu, ou mal, dont la société dit ne pas vouloir, ceux et celles qui se trouvent au bout de la chaine de la citoyenneté et de la légitimité.

La cause des sans-papiers est passée sous silence… Elle est pourtant cruciale. Non seulement parce que leur situation s’aggrave de jour en jour, qu’ils sont la cible d’une politique migratoire belge marquée par une répression grandissante. Mais aussi parce que leur situation révèle jusqu’à quel degré les droits les plus fondamentaux communs à tous – et à travers eux, notre société – peuvent être attaqués.

Être sans-papiers en Belgique, c’est être là sans s’en voir reconnaitre le droit. C’est, à ce titre, courir le risque permanent de se faire arrêter, enfermer, expulser. De quoi condamner à vivre dans l’ombre et dans la peur 100 à 150.000 femmes, hommes et enfants, qui vivent en Belgique souvent depuis des années, y ont développé des attaches fortes – affectives, familiales, professionnelles – et estiment ne pas pouvoir rentrer dans leur pays, dévasté par les injustices et la violence.

Chaque jour, des personnes sans-papiers sont arrêtées – dans la rue, à leur domicile, à la commune ou encore à l’Office des étrangers – et sont envoyées en centre fermé, pour n’avoir commis d’autre délit que celui de ne pas disposer de titre de séjour. En 2015, 6.229 personnes ont été détenues dans ce cadre et 80% d’entre elles ont été renvoyées vers le pays d’où elles provenaient.

Ces mêmes personnes sont, de par leur situation ultra-précaire, exploitées quotidiennement sur le marché du travail. Le 18 décembre, qui commémore l’adoption de la Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, peut à ce titre d’autant plus leur être dédié. Les sans-papiers, sans sécurité ni droits, sont – plus encore que tous les migrants – instrumentalisés comme de véritables outils de dérégulation du droit du travail, permettant de faire pression sur le salaire de tous les travailleurs. La signature de cette convention par l’État belge et sa mise en oeuvre s’imposent d’urgence, pour que soit mis fin à cet esclavage qui ne dit pas son nom.

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Au-delà du risque quotidien d’arrestation et de leur exploitation au travail, les sans-papiers ont dernièrement fait l’objet d’une attention toute particulière de la part des autorités belges.

Le 16 mars 2016, Hamed, porte-parole du collectif des Afghans, était expulsé vers l’Afghanistan. Le 24 novembre dernier, c’était le tour de Sow, représentant du collectif Ebola, d’être renvoyé de force vers la Guinée-Conakry. En arrêtant ces deux leaders du mouvement des sans-papiers, les autorités donnaient un signal fort aux militants de la cause et privaient de nombreuses personnes de la voix qui leur était donnée sur la place publique.

Nous restons également marqués par l’évacuation du collectif La Voix des Sans Papiers, le 19 septembre à Molenbeek, qui s’est déroulée moyennant des dispositifs guerriers – hélicoptères et armes lourdes – pour déloger quelques personnes complètement désarmées. Régulièrement, des dizaines de personnes et familles sans-papiers sont évacuées du lieu inhabité qu’elles occupaient collectivement, pour avoir un toit mais aussi en vue de rendre leur cause visible. Trop souvent, ces collectifs sont évacués sur base de motifs bancals et ce, vers nulle part, sans qu’aucune alternative d’hébergement leur soit proposée, en hiver comme en été.

Dans sa note politique du 27 octobre dernier, le Secrétaire d’État à l’asile et à la migration annonçait sa volonté d’augmenter le nombre de places en centre fermé, d’étendre la durée de détention à 18 mois, et d’enfermer à nouveau des familles avec enfants. Il prévoit en outre une modification de loi permettant la violation du domicile – principe garanti par la constitution -, en vue de faciliter l’arrestation des personnes en séjour irrégulier.

Ces mesures répressives en cascade s’institutionnalisent l’une après l’autre et s’accompagnent de discours criminalisant, associant de manière répétitive et inlassable les qualificatifs d’étrangers, d’illégal et de criminel. Une association renforcée par des opérations telles que « Gaudi », véritables chasses aux personnes sans-papiers commettant de petits délits, permettant de focaliser l’attention sur une petite minorité, absolument non représentative de l’écrasante majorité.

De quoi donner raison aux personnes qui ont peur des étrangers, justifier les politiques mises en oeuvre à leur égard et ainsi produire une population exclue de toute citoyenneté, sans dignité ni droits.

La répression sévit et l’étau ne cesse de se resserrer autour des sans-papiers, dans une indifférence quasi générale, construite autour de fantasmes sécuritaires anti-migrants et oubliant la part de responsabilité de nos gouvernements, non fantasmée elle, dans les causes qui chassent ces personnes de leur pays. La logique ici dénoncée s’exerce certes de manière exacerbée vis-à-vis des personnes sans droit de séjour, mais les citoyens européens n’en sont pas épargnés.

Ce 1er décembre, comparaissaient devant le tribunal six passagers d’un avion qui, le 17 août dernier, s’étaient levés pour contester le traitement réservé à un homme que la police tentait de contraindre au retour vers le Cameroun. Le Secrétaire d’État a précisé qu’il lancerait les mêmes poursuites contre toute personne qui se manifesterait en ce sens et ce, au nom du « coût » élevé d’une expulsion échouée et de la « frustration » que cela peut générer chez les agents en charge de cette expulsion. Sans égard pour ce que peut ressentir la personne expulsée, ni pour la nécessité démocratique d’un contrôle citoyen.

La même répression est de mise pour les chercheurs d’emploi, les bénéficiaires de l’aide sociale, les ayants droit à l’aide juridique, soupçonnés a priori d’imposture et soumis à des contrôles toujours plus pressants.

Laisser ces mesures prendre le pas, c’est cautionner le déploiement sournois et progressif d’un tel modèle de gestion de la société dans son ensemble. Un modèle dangereux qui – il le montre déjà – a le pouvoir de faire déraper la démocratie et les libertés qui lui sont inhérentes. Difficile, sous cet angle, de taire le goût de déjà vu que le climat actuel dégage. Au final, les premiers visés ne sont pas les seuls à avoir souffert, c’est l’ensemble de la société qui en a été profondément meurtrie.

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Alors, à bon entendeur : « C’est pas les immigrés, c’est pas les sans-papiers, c’est la loi qu’il faut changer »,

Signataires :

CEPAG, CIRÉ, CNE, Coordination des sans-papiers, CSC, FGTB, Journal des Sans-Papiers, La Communauté du Béguinage, La Marche des Migrants de la région du Centre, Le Monde des Possibles Asbl, Migrations et Luttes Sociales, MOC, MRAX, Sireas/SASB, SOS Migrants.

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