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Sport et politique, la rencontre est-elle possible ?

Stagiaire Le Vif

Le sport et la politique font rarement bon ménage, les passages d’un milieu à l’autre ont d’ailleurs souvent donné lieu à des échecs cuisants. Cependant, ces dernières années on constate de plus en plus de mouvements depuis le monde du sport vers celui des décideurs politiques. Nous en avons encore un exemple avec John-John Dohmen.

C’est maintenant officiel, le hockeyeur John-John Dohmen poussera la liste CDH en Brabant wallon. Selon le principal intéressé son engagement a pour but d’aider André Antoine à continuer sa politique sportive.

Le mois dernier déjà, la famille libérale belge s’est agrandie avec les arrivées de Benoit Thans du côté francophone (MR) et de Michel Verschueren à l’Open VLD. Leur point commun est évident : ce sont deux personnalités qui viennent du monde du sport. Et plus particulièrement de celui du football.

Si celui que l’on surnommait « Mister Michel » au Sporting d’Anderlecht avoue avoir fait le pas pour rendre service à son amie Maggie De Block, Benoit Thans déclare lui avoir le feu sacré. « Je me suis engagé tout simplement parce que j’estime la politique incontournable » nous confie l’ancien joueur du Standard de Liège. « Je me suis rendu compte en travaillant à la fédération belge que la politique était partie prenante dans le milieu du sport en général. C’est dans les régions et les communautés que réside le pouvoir de changer quelque chose et dans ce cadre mon but c’est d’essayer d’aider. »

L’engagement du nouveau venu sur la liste MR de Liège se fait donc au niveau régional. C’est dans le monde du sport, qu’il connait bien, qu’il veut aider. « Je pense pouvoir apporter quelque chose principalement dans un domaine que je connais mais il faut avoir aussi les idées plus larges. Pour l’instant je m’en tiens au sport mais pas qu’à celui-ci. Mon exemple c’est la Suède, là-bas la pratique sportive est incontournable et participe au bien-être des gens. Il faut que l’on ait en Communauté française des locomotives pour faire avancer les choses. Il faut aussi faire en sorte que des infrastructures se mettent en place dans le football mais pas uniquement. Le basket, le tennis, le hockey et le rugby doivent aussi recevoir plus d’aides. »

De simples attrapes-voix ?


Ces arrivées dans le monde de la politique sont ardues et donnent lieu à de nombreux échecs retentissants ou autres départs précipités. Le cas le plus représentatif est bien entendu celui de Marc Wilmots. L’actuel sélectionneur fédéral est élu sénateur sur les listes MR en 2003. Une expérience de courte durée puisqu’en 2005 il se retire, passablement dégouté de ce monde. « Le monde de la politique ce n’est plus pour moi » nous dit-il, refusant de s’exprimer plus en profondeur sur le sujet.

L’expérience de l’ancien attaquant d’Anderlecht et du Standard de Liège Mbo Mpenza aura encore été moins longue que celle de son ancien équipier en équipe nationale. Celui-ci n’a occupé aucun poste officiel malgré sa présence sur la liste « L’Équipe » à Grez-Doiceau. « Dans mon cas c’était un projet purement sportif, je voulais juste faire bouger certaines choses. J’ai choisi une liste pluraliste pour le faire car je ne voulais pas me donner une couleur politique. Si j’avais voulu occuper un poste je me serais donné à 200% mais ce n’était pas le but. »
Dans la même commune de Grez-Doiceau on recense également lors des élections de 2012 le tennisman Christophe Rochus dans la liste « Avec Vous » qui arrivera seconde et finira dans l’opposition.
À une cinquantaine de kilomètres de là, Walter Baseggio a également pensé à se présenter sur les listes à Tubize avant de se rétracter. « Moi je suis un garçon qui aime aider les gens » nous dit-il. « Je voulais apporter ma contribution dans le domaine du sport mais de manière plus générale offrir quelque chose à ceux qui en ont besoin. J’ai toujours le souhait de m’engager plus tard car si j’ai une notoriété c’est aussi grâce aux gens, si j’ai joué à Anderlecht c’est aussi grâce aux supporters. Le problème c’est que les discussions entre les partis ne correspondent pas à ce que je veux apporter, leur volonté est différente. »

Jean-Michel De Waele, professeur en science politique à l’Université libre de Bruxelles, a beaucoup écrit sur ce sujet. On lui doit notamment un livre intitulé « Sport, politiques et sociétés en Europe centrale et orientale ». Pour lui, la situation est claire : « En général, quand on introduit un sportif sur ses listes c’est une opération de communication. Ils sont souvent des attrapes-voix et rares sont les succès dans ces situations. Le problème est qu’il y a peu de formation à la chose politique en sport. Bien souvent les sportifs de haut niveau abandonnent leurs études assez tôt donc cela rend la transition entre les deux mondes extrêmement difficile. Je ne dis pas qu’aucun sportif ne peut réussir en politique mais j’ai des doutes et c’est une chose rare. »

Plus de succès à l’échelon communal

On le voit, les deux milieux cohabitent donc très mal et il est dur de s’y faire une place. Bien souvent, on a aussi l’image de l’ancien sportif qui ne serait pas capable de s’occuper d’autres matières que celles liées à son ancienne profession. Pourtant, Béa Diallo occupe le poste de député à la Région bruxelloise et à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il est aussi échevin de la jeunesse, de l’emploi, de la famille, des relations intergénérationnelles et de l’égalité des chances à Ixelles. Avant de se lancer dans une carrière politique, Béa Diallo était aussi un ancien champion intercontinental en boxe. Il s’évertue, depuis son élection en 2004, à casser cette image réductrice des anciens sportifs. « Honnêtement, je sais bien que si on est venu me chercher à la base c’était pour servir d’attrape-voix sur la liste PS. Mais lors de l’élection, j’ai vu que j’étais fort sollicité par les gens donc j’ai décidé de m’engager sérieusement. Au début, c’est vrai, on me voyait un peu comme un arriviste sans compétences mais bon j’ai quand même été à l’université avant ma carrière de sportif et j’ai aussi été chef d’entreprise donc je sais m’occuper d’autres sujets que le sport. » Son engagement est donc sur le long terme, ce qui le distingue de certains autres passés avant lui. « La différence entre Marc Wilmots et moi c’est que lui on l’avait envoyé au fédéral alors qu’il voulait travailler pour le sport. Or, au fédéral on ne traite pas vraiment de cette matière. Moi, je me suis retrouvé directement au bon endroit à la région et à la communauté. Au départ je pensais ne faire qu’une seule législature mais finalement j’ai pu concrétiser pas mal de projets et mettre beaucoup de choses en place donc je suis resté. »

Pour Jean-Michel De Waele, le succès de Diallo s’explique aisément : « Il a eu la sagesse de rester au niveau local et il se concentre sur des choses qui entrent dans ses compétences. Cela explique sa réussite.  »

Toujours à l’échelon communal, on retrouve une autre figure connue du monde du sport à la Ville de Bruxelles en la personne d’Alain Courtois. Ancien secrétaire général de l’Union belge de football, il est maintenant Premier Échevin de Bruxelles en charge de l’état civil, de la démographie, de la famille et des sports. « J’ai fait mon entrée en politique comme Marc Wilmots, en 2003. On estimait que le sport n’était pas assez pris en compte en politique. Lui, il a quitté mais je suis resté car j’ai encore un brin d’espoir. Je pense qu’on utilise certaines personnalités dans le monde politique pour faire des voix mais ça ne doit pas se résumer à cela, il faut savoir les rendre utiles après. Ce n’est pas parce qu’ils sont sportifs qu’ils ont une case en moins. On sait aussi parler. On sait que Monet ce n’est pas l’avant-centre du FC Twente. Quand je rentrer au parlement on me parle toujours de foot, on me dit « Anderlecht a bien joué ou l’équipe nationale a fait des bonnes choses ». Est-ce que parce qu’on vient du monde du sport que l’on est réduit à cela ? Nous avons aussi des idées, des volontés politiques. Il faut voir les choses autrement qu’avec la lorgnette sportive et mettre ces personnes dans des situations utiles pour la communauté. »

Du judo à président de parti

Mais celui qui semble avoir trouvé le plus de reconnaissance dans le monde politique est bien entendu Jean-Marie Dedecker. L’ancien judoka et entraîneur d’Ulla Werbrouck lors de sa médaille olympique en 1996 s’est parfaitement reconverti dans ce monde. Après des débuts à l’Open VLD, il crée son propre parti, la Liste Dedecker, et milite ardemment pour le confédéralisme. « Il y a une énorme différence entre le sport et la politique« nous déclare ce dernier. «  Ce sont deux mondes totalement différents car le sport a de la morale et de l’éthique tandis que si tu veux appliquer cela dans la politique, tu es mal. Il y a aussi le fait que lorsque vous êtes dans le monde sportif vous fédérez de nombreux espoirs. Dans le monde politique, vous êtes vu de cette façon par ceux qui partagent vos idéologies mais pour les autres vous êtes un ennemi. » Le polititien flamand prétend que les anciens sportifs ont leur place dans ce monde. « Un athlète n’est pas automatiquement plus bête qu’une autre personne. Je pense que tout le monde peut faire son trou dans le monde politique. Mais venir dans la politique quand on n’est pas connu, c’est très difficile. Alors d’abord, il faut vous faire connaître. Mais il y a aussi des côtés négatifs. Les gens disent souvent « il ne peut que jouer au football » ou « il ne peut que faire du judo » alors il faut prouver qu’on est motivé à faire ce métier mais le problème, c’est que là aussi on repart à zéro. »

Jean-Michel De Waele tient lui à tempérer le succès de l’ancien judoka : «  Dire que Jean-Marie Dedecker réussit c’est très discutable. Il n’a eu qu’une seule élection favorable et son influence n’est pas très grande. De plus, il n’a pas réussis à faire passer de nombreuses lois dont il était un fervent défenseur. »

Après analyse, nous pouvons donc dire que le passage du sport vers la politique est tout sauf chose aisée mais que l’échelon le plus propice pour que celui-ci se fasse est l’échelon communal. En effet, on remarque que c’est à ce niveau que les anciens sportifs peuvent le mieux utiliser leur connaissance du terrain pour faire évoluer la situation du sport de manière positive. Un succès à un échelon supérieur n’est que l’apanage d’une minorité et paraît très incertain. Aucune certitude donc quant à la réussite ou non que trouverait John-John Dohmen dans la liste régionale du Brabant wallon. De quoi refroidir les nombreuses suiveurs footballistiques qui espèrent une reconversion du plus politisé des Diables Rouges : Vincent Kompany.

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