La question des pensions continue de préoccuper de plus en plus de travailleurs, les partis de gauche doivent se positionner. © BELGA/BELPRESS

Pourquoi le PS, PTB et Ecolo défendent les «pensions à 7.000 euros»?

Sylvain Anciaux

Les magistrats ont entamé un mouvement de protestation inédit en Belgique pour protéger leurs pensions, mais pas que. La gauche, qui a fait des pensions des classes moyennes un cheval de bataille, soutient du bout des lèvres ces «hautes pensions» que l’Arizona aimerait réduire.

Sous l’Arizona, les mouvements sociaux se suivent… et se ressemblent, avec les pensions en dénominateur commun. Syndicats et députés de gauche ont mobilisé les salariés, les fonctionnaires et même les indépendants pour dire tout le mal qu’ils pensaient de la fin des périodes assimilées, de la suppression du bonus, et du calcul sur l’ensemble de la carrière (plutôt que sur les dernières années d’emploi). Les magistrats ont rejoint le mouvement, tout comme les professeurs d’université. Jan Jambon, ministre des Finances (N-VA) n’a pas manqué de réagir, estimant que ces «hautes» pensions peuvent bien faire un petit effort. Pour le nationaliste, les retraites des magistrats grimpent par exemple jusqu’à 7.000 euros, et l’Arizona veut limiter l’indexation de celles-ci. «Ils recevront 36 euros (NDLR: au lieu de 140), et ce serait ça la grande attaque contre leur pension. Je ne suis pas d’accord.»

Même Annelies Verlinden (CD&V), ministre de la Justice, a publiquement fait preuve de soutien à l’égard des travailleurs de son secteur. De son côté, et sur ce dossier, la gauche se fait plus discrète. En cette semaine du premier mai, le PS, PTB et Ecolo ont parlé de la classe travailleuse, des pensionnés, du tram de Liège… Mais pas trop des magistrats de tout le pays qui mènent pourtant une fronde inédite en reportant les audiences non urgentes d’un an. Ni des «universités en colère».

Le PS veut faire respecter le contrat social

C’est qu’il y a un certain paradoxe, pour la gauche, à défendre des pensionnés touchant jusqu’à 7.000 euros brut. «La limitation de l’indexation des pensions les plus hautes, c’est un moindre mal. Ce qui les inquiète, c’est la réforme de la méthode de calcul de leur pension qui sera désormais calculée sur l’ensemble de leur carrière et non plus sur les dernières années, alors que beaucoup l’ont commencée en tant qu’indépendants. Ce n’est pas le contrat social qui a été passé», estime le député PS Khalil Aouasti. En d’autres mots, le Koekelbergeois craint que la réforme ne saborde le financement même de la sécurité sociale. D’où son combat pour l’indexation des salaires plus élevés. «Pourquoi les indexer aussi? Parce qu’on indexe le brut, pas le net. La sécurité sociale est alimentée par les cotisations qui sont elles-mêmes alimentées par le différentiel entre le brut et le net, qui est plus élevé chez les hauts salaires.»

Le PTB veut un écart de 2 pour 1, maximum, pour toutes les pensions

Kim De Witte, député et «monsieur pensions» du PTB, assure que «la majorité des fonctionnaires touchent une pension de 2.200 euros net. Les exceptions sont réservées aux ministres, généralement». Il partage d’ailleurs la vision de son collègue socialiste, estimant que la non-indexation est presque anecdotique comparée au calcul de la pension sur 45 années de carrière et la suppression des tantièmes avantageux. «Ces gens vont perdre un tiers, voire 40% de leur pension, c’est énorme. D’autant plus qu’avec les effets rétroactifs, des droits acquis seront bafoués

Kim De Witte rappelle que «le PTB veut que la pension maximale soit deux fois plus grande que la pension minimale». A savoir, une pension net à 1.850 euros minimum, soit un plafond à 3.700 net. «Beaucoup n’ont pas du tout 7.400 euros brut de pension mensuelle, car ils n’ont pas toujours été magistrats. Les pensions à 7.000 euros, c’est Jambon qui veut mettre ce sujet comme une réalité sur la table. Au PTB, on est contre des pensions aussi hautes, mais en faveur de pensions correctes.»

Ecolo pointe l’arbre qui cache la forêt

«Il y a une survisibilisation de la question des pensions et c’est une stratégie de l’Arizona, estime Sarah Schlitz, députée fédérale Ecolo. Cela fait des années que les juges dénoncent le sous-financement structurel de la justice.» En plus d’un début de détricotage des droits sociaux, la Liégeoise déplore également la suppression des droits acquis qu’elle compare à «un coup de couteau dans le contrat social». Ecolo aspire pourtant à une harmonisation du régime des pensions, assure Sarah Schlitz, mais estime que l’instauration d’un deuxième et d’un troisième pilier n’est pas la solution.

Pascal Delwit invite à oser

Le politologue du Cevipol, Pascal Delwit, comprend l’exercice difficile, pour la gauche, de se positionner sur les hautes pensions, d’autant plus quand l’Arizona a tout fait pour porter le débat sur les montants de celles-ci plutôt que sur leurs conditions d’accès. «Dans un contexte d’économies, il est normal que le PS et les autres n’aiment pas ouvrir le débat sur la fin de l’indexation des hautes pensions. Une fois qu’on a laissé mettre une main dans la porte, on peut y mettre un bras et une jambe, et rentrer dans la dynamique que veut l’Arizona. C’est d’ailleurs pareil pour les hauts salaires.» Et le politologue d’ajouter que ce débat n’est pas impossible à gauche, mais «dans un contexte moins vertical», et sans se concentrer uniquement sur le secteur public.

La gauche l’a déjà fait, avant les dernières élections, sur le traitement des élus. Le PTB martèle d’ailleurs toujours la nécessité de baisser le salaire, et de facto les pensions, des élus. «A partir du moment où ça devient une question prégnante, d’autant plus dans le contexte socio-économique actuel, il y a une réflexion sur le statut à avoir», juge Pascal Delwit. Sarah Schlitz est bien d’accord, et dit soutenir la position de Vooruit à cet égard au parlement, mais les socialistes flamands n’ont encore déposé aucun acte concret en ce sens sur la table.

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