Dave Sinardet

Sinardet : « supprimer les subsides aux voitures de société servirait la mobilité et l’emploi »

Depuis des semaines, les criItiques pleuvent sur les mesures budgétaires du gouvernement. Une pluie acide de réactions assez prévisibles qui dépassent rarement les intérêts (supposés) de l’arrière-ban.

Ceci ne vaut pas seulement pour les syndicats qui ont été durement critiqués. Selon l’interlocuteur, la note sera payée par les indépendants, les Flamands, les grandes entreprises, les travailleurs, les PME, les chômeurs, les médecins… Et surtout par les classes moyennes, bien entendu : une notion manifestement fort élastique et, donc, très populaire, parce que quasi tout le monde s’y reconnaît.

Naturellement, il y a des mesures désagréables pour tous. Mais peut-on faire autrement s’il faut mettre en £uvre les plus importantes économies budgétaires de ces dernières décennies ? Que le mécontentement provienne de tous côtés (encore que les syndicats soient plus négatifs que les employeurs) indique qu’un certain équilibre a été atteint. Cela n’est pas étonnant, car, à la table des négociations gouvernementales, tous ces intérêts étaient représentés par six partis allant de la gauche à la droite.

Le problème de ce budget n’est pas tellement qu’il est déséquilibré, comme on le soutient aussi bien à droite qu’à gauche, mais plutôt qu’il est trop équilibré. Il se trouve engoncé dans le carcan des équilibres entre logiques et intérêts traditionnels et ne comporte pas de réformes qui sortent de ce cadre.

Un exemple : les voitures de société. Pendant les négociations en novembre, on a discuté pendant des semaines si on économiserait 100 ou 500 millions d’euros dans ce domaine. Mais aucun parti n’a eu l’idée de revoir le système en profondeur. Ce qui s’impose pourtant.

Alors que l’on s’adonne si volontiers aux comparaisons avec le reste de l’Europe, personne ne semble se soucier du fait que la Belgique est le pays où les voitures de société sont le plus subsidiées par le contribuable (à raison de 4 milliards d’euros par an). Ainsi, disposer et faire usage d’une voiture de société est fortement stimulé par l’Etat. Un système dont l’absurdité est fustigée depuis longtemps déjà par les experts en mobilité. Ainsi, d’après une étude de l’université d’Anvers, une diminution, fût-elle faible, du nombre de voitures de société atténuerait déjà les embouteillages. Le contribuable paie donc pour les embouteillages dans lesquels il se trouve paralysé et pour les particules fines qu’il inhale. Mieux vaudrait abolir ce système.

Il est vrai que, pour les entreprises et leurs collaborateurs, les voitures de société assurent un substitut bon marché à des augmentations de salaire, les charges fiscales pesant sur l’emploi étant trop élevées dans notre pays. Or il serait parfaitement possible de supprimer les voitures de société en consacrant la totalité des milliards économisés à la réduction du coût du travail. D’une pierre deux coups ! Ce serait là une audacieuse réforme servant l’intérêt général. La santé publique, la mobilité et l’emploi y gagneraient beaucoup.

Il va de soi que pareille opération nécessite de solides études préparatoires. Or le temps a manqué pendant les négociations. C’est qu’il a d’abord fallu 485 jours pour s’accorder sur la réforme de l’Etat, qui, elle aussi, est restée suspendue aux intérêts traditionnels et aux raisonnements caducs. Bref, les partis politiques ne semblent pas capables de s’écarter des schémas préétablis. Mais il faut ajouter que souvent ils n’y sont pas encouragés par ceux qui les mettent sous pression.

Dave Sinardet, Politologue à la VUB et à l’université d’Anvers

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