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Sécurité : « un agent de police n’a pas le droit de fouiller votre smartphone »

Stagiaire Le Vif

Parce qu’il a refusé de délivrer le mot de passe de son smartphone à des douaniers québécois, un Canadien risque 20 000 $ d’amende et jusqu’à 1 an d’emprisonnement. Pareille situation est-elle possible en Belgique ? Nous avons posé la question à Jean-Marc Van Gyseghem, chercheur à l’Université de Namur spécialisé en droit et nouvelles technologies.

En Belgique, un agent (douanier, policier) peut-il inspecter légalement nos smartphones, ordinateurs, tablettes… ?

Jean-Marc Van Gyseghem : Il n’existe pas, chez nous, de loi spécifique liée aux TIC qui permettrait à un agent de fouiller votre appareil sans raison apparente. Ce n’est effectivement pas parce qu’on est en niveau d’alerte plus élevé que l’on peut se permettre d’inspecter le smartphone de tout citoyen.

En fait, il faut respecter le « principe de proportionnalité », c’est-à-dire se poser la question suivante : « Le fait d’inspecter les appareils de telle personne est-il proportionnel aux soupçons qui pèsent sur elle ? » Car, dans tous les cas, en Belgique, la présomption d’innocence prévaut. Si l’on commençait à fouiller à tout va, on renverserait ce principe en présomption de culpabilité.

La justice belge a toutefois à sa disposition d’autres préventions pouvant amener à examiner un ordinateur privé, un smartphone, etc. Par exemple, si un militant revient de Syrie, ses accessoires technologiques peuvent être saisis sous le couvert de prévention du terrorisme. À ce moment, la démarche est la même que lors d’une perquisition de domicile : tout, absolument tout, peut être vérifié. Pas uniquement les documents de l’ordinateur, mais aussi les forums visités, les Clouds utilisés, parce que les utilisateurs de ces derniers pourraient être complices.

Vu le climat actuel, court-on le risque de voir être appliquées des lois liberticides en matière de nouvelles technologies ?

Le danger de voir des lois de circonstances être votées dans la précipitation existe bel et bien. Comme le prouve la nouvelle loi sur les données des passagers, passée à la hâte après les attentats à Charlie Hebdo. Pourquoi se centrer seulement sur les avions ? Il suffit aux djihadistes d’emprunter d’autres moyens de transport…

En janvier, aussi, les gouvernements ont demandé à Google de filtrer les contenus djihadistes. Mais sur quelle base se reposer pour définir un contenu comme tel ? Ne risque-t-on pas de rapidement tomber dans la censure ? Il ne faut pas verser dans le populisme et dans l’effet d’annonce. J’ai un peu l’impression que l’État belge demande aux entreprises privées de faire son boulot et, qu’en plus, il se trompe de combat. Est-ce vraiment au niveau des TIC que le bât blesse ? Ne faut-il pas en priorité revoir notre système éducatif ?

Une société entièrement contrôlée par la technologie serait-elle plus sécurisée ?

Attention à ne pas croire qu’avec, par exemple, des caméras à chaque coin de rue, nous serions mieux protégés ! Imaginez qu’une ville installe 100 000 caméras fonctionnant en direct : comment voulez-vous vous en servir efficacement ? Il faudrait presque autant de personnels !

En outre, à force de collecter des données, on se retrouve « noyé » dans les informations et on ne sait plus qu’en faire. Pour preuve, les frères Kouachi étaient fichés par les États-Unis, mais cela n’a malheureusement servi à rien.

Il ne faut donc pas tout miser sur la technologie, car s’il n’a personne derrière, elle est inutile. On doit remettre l’individu au centre et non le rendre de plus en plus « faible » face aux nouvelles technologies, comme c’est le cas actuellement. Le citoyen doit savoir avec quelles règles il joue, ce qui devient compliqué si celles-ci changent sans arrêt.

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