Roland Duchâtelet © HATIM KAGHAT

Roland Duchâtelet: « Les gens gagnent trop peu dans ce pays »

Michel Vandersmissen
Michel Vandersmissen Journaliste pour Knack

Certaines tendances de l’islam devraient figurer sur la liste de sectes dangereuses. Et non, son aventure dans le monde du foot n’était pas une franche réussite. L’entrepreneur Roland Duchâtelet n’a pas peur des déclarations fracassantes. « Enseignant, un métier pénible? Une honte. »

Il y a quelques jours, l’entrepreneur Roland Duchâtelet figurait encore dans les journaux britanniques, du tabloïd The Sun à l’institut The Times. Le torchon brûlait à nouveau dans son club de foot londonien, le Charlton Athletic. Le club fait des économies et les petits joueurs ne reçoivent plus d’eau en bouteille.

Monsieur Duchâtelet, quel homme impitoyable êtes-vous devenu.

Roland Duchâtelet: (imperturbable) Je ne bois que l’eau du robinet. Eh bien, eux aussi, ils auront de l’eau du robinet. Ils n’auront pas soif, et ils n’en joueront pas plus mal. Le club fait trop de pertes, et donc il faut faire attention aux finances. En outre, c’est une mesure écologique.

Qu’est-ce qu’un entrepreneur pragmatique et rationnel cherche dans le monde du foot?

C’est ce que je me suis demandé aussi. (rires) C’était une erreur. Le business du foot ne me va pas. C’est trop irrationnel. Si vous voulez vraiment perdre de l’argent, achetez un club de foot. Je suis entré un peu en stoemelings, comme sponsor pour STVV.

Depuis déjà cinq trimestres, l’économie belge progresse plus lentement que la moyenne dans la zone euro. Est-ce inquiétant ?

Les gens gagnent trop peu dans ce pays. Le pouvoir d’achat des ménages belges n’a plus augmenté depuis quinze ans, alors que la productivité s’est accrue. On n’en parle pas du tout assez.

Les salaires doivent-ils augmenter, ou les charges sur le travail baisser?

Les salaires doivent augmenter, et surtout les revenus des pensionnés. Il est scandaleux que les pensions dans ce pays soient si peu élevées.

Quelles en sont les raisons?

En 1960, 30% de la prospérité allait à l’état. Il redistribuait une partie de cette prospérité, et payait l’enseignement, la police, la sécurité sociale, etc. Aujourd’hui, 52% de notre produit intérieur brut va à l’état. C’est notamment parce qu’on a ajouté un niveau de politique coûteux : les régions. La Flandre compte déjà 30 000 fonctionnaires. Les provinces devenues superflues n’ont pas été supprimées, alors que les villes et les communes élargissent en permanence leurs effectifs, tout comme les CPAS.

Leur liste de tâches s’est allongée et s’est complexifiée.

La question, si c’est tout cela est sensé et utile. Les autorités devraient peut-être réfléchir à s’organiser autrement. La suppression des provinces me semble une première mesure qui va de soi.

Comment voulez-vous financer les pensions plus élevées?

Ce n’est pas si difficile. Baissez les prélèvements publics. Je donne un exemple. En 1960, notre pays comptait 150 000 enseignants. À présent il y en a plus de 400 000 alors que les photocopieuses, les ordinateurs et internet auraient dû entraîner une hausse de productivité. La même évolution s’est produite dans le secteur de soins. Ces quinze dernières années, l’état a complètement absorbé les bénéfices des hausses de productivité dans le secteur privé.

Vous dites que les 400 000 enseignants auraient dû travailler moins dur que leurs collègues dans les années soixante?

Je dis qu’il y en a beaucoup qui font un travail magnifique, mais qu’il y en a trop et qu’ils font souvent des choses absolument pas pertinentes et inutiles.

La profession d’enseignant figure sur la liste des métiers pénibles.

C’est une honte. J’ai donné cours quand j’étais étudiant. Ça n’avait rien de pénible. La liste et par extension la distinction entre métiers pénibles et légers est d’une stupidité énorme. En outre, la pénibilité d’une profession évolue avec le temps et la technologie. Autrefois, le métier d’ouvrier du bâtiment était dur, mais si on a la bonne approche et on utilise les dernières techniques, c’est tout à fait faisable.

Poseur de pavés est un métier épuisant. Si vous aviez fait ça pendant trente ans, vous adopteriez un autre ton.

Ce sont tous des Portugais. (rires) Évidemment qu’il y a des métiers pénibles et moins pénibles, mais c’est subjectif de faire la distinction. Finalement, on sème surtout la division dans la population.

Pour pouvoir continuer à payer les pensions, les gens doivent travailler plus longtemps, comme aux Pays-Bas.

Il ne faut pas obliger les gens à travailler plus longtemps. Il faut mettre fin à tout le concept d’un âge de la retraite. Laissez chacun décider. Bien sûr qu’il faut pouvoir travailler sans taxes, car alors on a déjà versé plus qu’assez d’argent à l’état.

Vous trouvez que les gens gagnent trop peu. Qu’est-ce qui vous empêche d’augmenter les salaires de vos 7000 employés ?

Soyez tranquilles, nos employés ne se plaignent pas. (rires) Le problème, c’est que pour les employeurs, une augmentation salariale est devenue impayable. Autrefois, les coûts salariaux de quelqu’un qui gagnait 100 euros nets étaient de 150 euros. Si aujourd’hui, nous voulons augmenter quelqu’un de 100 euros, cela nous coûte 300 euros. Au fond, cela signifie 200 euros d’augmentation pour l’état. Pardon, mais ce n’est pas sérieux.

Devons-nous nous inspirer de l’exemple néerlandais, où l’économie progresse plus que deux fois plus vite?

Certainement. Le revenu familial néerlandais est considérablement plus élevé que le belge. Je me suis saisi de la différence. Mais nous avons également du retard par rapport à l’Allemagne. Même la France s’en sort bien sous le président Emmanuel Macron.

Mais notre gouvernement n’est-il pas favorable aux entreprises? Le gouvernement Michel a tout de même promis de s’en prendre aux prélèvements publics ?

Dire qu’il ne fait rien serait malhonnête. Ainsi, les prélèvements publics ont déjà baissé de 54 à 52%. On a déjà pris quelques bonnes mesures telles que l’instauration de flexi-jobs, la possibilité pour les retraités et les étudiants de gagner un salaire d’appoint. Les choses bougent donc, mais trop peu et trop lentement.

Pourquoi est-il si difficile d’instaurer des réformes structurelles dans notre pays?

À cause de la manière dont notre démocratie est organisée.

Mais son organisation n’est pas fondamentalement différente des Pays-Bas ou de l’Allemagne?

Si. Il y a au moins un niveau politique de trop: les régions ou les provinces. Du coup, il y a trop de chevauchements qui coûtent cher. Il faut certainement supprimer les provinces, mais malheureusement la N-VA est le seul parti à plaider en ce sens. Les autres partis ne veulent pas y toucher, car les provinces sont une source d’emplois et un théâtre de bons offices. C’est là le noyau du problème : la plupart des politiciens de ce pays ne sont pas assez novateurs, ils disent ce que les gens aiment à entendre. La pensée disruptive n’est pas récompensée en politique, au contraire.

En 1994, vous écriviez le livre « s.a. Belgique rapport aux actionnaires ».

Dans ce livre, j’ai lancé encore plus de nouvelles idées, telles que le tax shift. Entre-temps, ce dernier est totalement accepté, chacun s’accorde à dire qu’il faut taxer davantage la valeur ajoutée et moins le travail.

Mais on parlait du revenu de base…

Il n’existe pas encore, c’est vrai. Mais de plus en plus d’économistes éminents soutiennent le principe, dont Geert Noels, Peter De Keyzer et Karel Van Eetvelt. Le revenu de base compte des fans influents à Silicon Valley, tels que Mark Zuckerberg de Facebook et Elon Musk de Tesla.

Récemment, vous avez fait une analyse étonnante : « Pour les migrants, il n’y a plus d’emplois qui peuvent porter les impôts. Par conséquent, ils ne peuvent plus avoir de valeur ajoutée. » C’est dur de dire ça.

C’est la conséquence de la façon dont les politiciens et la population pensent l’économie : le nombre d’emplois utiles qui génèrent des revenus fiscaux n’augmentera plus. Je parle notamment des emplois dans l’industrie de fabrication. Pas des emplois dans les soins et l’enseignement, car au fond, ces derniers sont subventionnés par des emplois productifs. Selon cette logique, un ministre qui crée des emplois dans les soins ou l’enseignement se révèle contre-productif, car alors les autres doivent payer encore plus d’impôts.

Les spécialistes du travail disent pourtant que nous devons chercher des migrants, parce qu’il y a trop peu de candidats pour certains jobs dans notre pays. C’est tout de même un argument fort ?

C’est un autre débat. Les pays de migrations à succès tels que les États-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande et l’Australie mènent une politique de migration très sélective. Ils ne laissent entrer que ceux qui ont une valeur ajoutée. L’Europe évoluera dans ce sens. La migration est saine et nécessaire, mais seulement si elle est bien gérée.

La semaine dernière, un rapport allemand nous apprenait qu’un pourcentage étonnamment élevé de demandeurs d’asile de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan avait trouvé du travail et contribuait bel et bien à la société allemande. Ces nouveaux venus ne sont vraiment pas tous des ingénieurs diplômés.

Des gens qui mettent leur vie en jeu pour fuir leur pays et se rendre en Europe sont assez entreprenants. C’est positif, mais je pense qu’Angela Merkel a un intérêt à sortir un discours de migration aussi positif.

D’après vous, l’islam doit figurer sur la liste de sectes interdites.

Du moins certaines tendances. Il y a des années que la Belgique a une liste de sectes interdites et dangereuses. La scientologie est l’un des noms les plus connus de la liste. Vous vous souvenez de nombreux attentats-suicides ou d’attentats par des adeptes de scientologie ? Pas moi. Alors, je peux tout de même me demander pourquoi l’islam radical n’y figure pas ? Il y a bel et bien un problème. Il y a des années, nous avons commis l’erreur de laisser entrer l’islam dans la conviction naïve que c’est une religion innocente, une variante du catholicisme, large d’idées et aux intentions pacifiques. Malheureusement, nous avons négligé que certaines tendances de l’islam ne sont pas seulement une religion, mais une idéologie à l’agenda politique dangereux.

Réalisez-vous ce que ces propos peuvent avoir de polarisant?

Dans les mosquées et certaines écoles, les enseignants islamiques et les imams proclament des idées qui ne sont pas compatibles avec nos lois et nos valeurs. Le cas échéant, l’état doit fermer cette mosquée et expulser ces imams. Nous sommes beaucoup trop laxistes sur ce plan.

Les musulmans se sentiront insultés par vos propos.

À tort. Je n’ai rien contre les gens croyants, y compris les musulmans, mais ils doivent accepter que nos lois priment sur leurs prescriptions religieuses. Nous avons une société harmonieuse où tout est assez bien réglé. Elle est assez sûre et prospère. Donc si les musulmans viennent ici, ils doivent se rendre compte qu’ils viennent en invités, et il est d’usage qu’un invité s’adapte à la culture du pays hôte.

Les musulmans de deuxième et troisième générations ne seront pas d’accord. Ils sont nés ici. Pourquoi alors les qualifier d’invités ?

Ils sont nés ici, mais ils doivent savoir que leurs parents sont venus comme invités.

Certains se demanderont si Roland Duchâtelet est devenu adhérent du Vlaams Belang.

Pas du tout. Notez en grands caractères: je reste favorable à la migration. De migration intelligente, bien entendu.

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