En 1981, Albert Frère (à dr.), en compagnie des syndicalistes Georges Staquet et François Cammarata. © belgaimage

Rétro 2018: Albert Frère, l’homme aux mains d’argent

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Malgré une fin de carrière en demi-teinte, le Carolo aura marqué l’histoire de l’économie belge. Même s’il a activement participé à son détricotage…

On peut être milliardaire et discret. Diriger un empire en jouant de participations judicieusement choisies et habiter Loverval. Etre un homme de pouvoir connu du Tout-Paris tout en fuyant les médias. Tel était Albert Frère, ce fils de bourgeois marchands de clous devenu l’un des Belges les plus riches. Le décès de ce Carolo, intervenu le 3 décembre à 92 ans, aura laissé le monde politique de marbre.

Ses qualités méritent pourtant d’être soulignées, même si, cent fois, elles ont été dites. S’il n’a jamais apprécié les bancs d’école, l’homme avait un incontestable flair. Son début de fortune a le goût du fer et l’odeur des hauts-fourneaux. A 28 ans, il rachète les laminoirs du Ruau, puis Hainaut-Sambre. C’est bien dans la sidérurgie carolo qu’il fera d’abord fructifier son sens des affaires. Il est alors, déjà, davantage financier finaud qu’industriel stratège. Un peu moins de trente ans plus tard, il négociera d’ailleurs sa sortie du secteur sidérurgique contre un chèque de 1,125 milliard de francs (quelque 28 millions d’euros) que l’Etat belge signera sans rechigner.

A 57 ans, le voilà désormais lancé dans une carrière purement financière, faite de jolis coups, donc, presque forcément, de trahisons. Dès les années 1980, Albert Frère a compris, avant bien d’autres, que les économies nationales ne signifiaient plus rien et qu’il fallait, pour exister, se placer sur la carte internationale. Ce qu’il fit avec talent. En revendant ses participations dans des fleurons belges comme PetroFina, BBL, Tractebel et autre Royale Belge à de puissants groupes étrangers dans lesquels il prenait pied. Les opérations étaient à la fois judicieuses et juteuses pour lui et pour son holding, le Groupe Bruxelles Lambert. Pour le pays, en revanche, elles se sont soldées par la perte des centres de décision, donc du pouvoir. Dès lors, la Belgique n’a plus guère pesé et a parfois payé cher le prix de choix posés au-delà des frontières, sans état d’âme. Nombreux sont ceux qui n’auront jamais pardonné à Albert Frère de ne pas s’être montré chauvin. L’eût-il été, rien ne dit que l’histoire se serait finalement écrite autrement. A la tête de GBL jusqu’à ses 89 ans, l’homme a méticuleusement organisé sa succession en misant notamment sur son fils Gérald et son petit-fils Cédric. Si Albert s’est éclipsé, les Frère sont bel et bien dans la place.

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