Le chef de la police Steve Provost, le directeur-coordinateur de la police fédérale Robin Minten, le gouverneur de la province du Limbourg Jos Lantmeeters, la bourgmestre de Saint-Trond Ingrid Kempeneers et le procureur du roi du Limbourg Guido Vermeiren.
Le chef de la police Steve Provost, le directeur-coordinateur de la police fédérale Robin Minten, le gouverneur de la province du Limbourg Jos Lantmeeters, la bourgmestre de Saint-Trond Ingrid Kempeneers et le procureur du roi du Limbourg Guido Vermeiren.

Rave party en Flandre : pourquoi la police n’a-t-elle pas évacué les lieux ?

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Le week-end dernier, une rave party organisée sur le domaine militaire de Brustem (Saint-Trond) a attiré 10 000 fêtards. Craignant de voir se répéter le scénario de la Boum au Bois de la Cambre, la police a décidé de ne pas évacuer le terrain.

La rave party a débuté le vendredi soir aux alentours de 23h00 au grand dam des riverains sérieusement incommodés par les nuisances sonores et le trafic engendré par les milliers de fêtards venus parfois de loin. Malgré son caractère illégal, la fête n’a pas été pas interrompue, la priorité étant de garder et de sécuriser la zone et d’aider les habitants.

D’après plusieurs organisations environnementales, les animaux présents sur le domaine militaire, partiellement situé en zone protégée, ont fait les frais de la fête.  « Hier, nous avons trouvé un chevreuil mort qui s’est littéralement écrasé contre la clôture. Je n’ai aucun problème avec la rave party, mais je m’inquiète de l’endroit et de la période de l’année », déclare ainsi Matthieu Helleputte d’Animal Rescue Service à la VRT. Il s’agirait d’un chevreuil qui venait de mettre bas, ce qui signifie que son petit ne survivra pas non plus.

Beaucoup se demandent pourquoi les forces de sécurité n’ont pas évacué le site. Selon la bourgmestre Ingrid Kempeneers (CD&V), il n’était pas possible d’évacuer en toute sécurité la vaste zone où se trouvait un si grand nombre de personnes, souvent sous l’emprise de stupéfiants. « Il existe des précédents où la police a agi. Ici, l’atmosphère entre les personnes présentes s’est transformée très rapidement, mettant en danger les forces de l’ordre et les résidents locaux et entraînant des actes de vandalisme », a expliqué la bourgmestre.

« Pas une fête de scouts »

« Nous devons veiller à ne pas déclencher une guerre sur le terrain. Il s’agit d’un événement illégal organisé par des professionnels qui savent comment se comporter avec la police si des policiers pénètrent dans les locaux. Des brochures ont été distribuées aux fêtards leur expliquant comment ils devaient réagir si la police s’approchait d’eux. Tout cela a été mis en place en deux heures. Tout porte donc à croire qu’il ne s’agit pas d’une fête de scouts », a expliqué Jos Lantmeeters (N-VA), le gouverneur de la province de Limbourg, ce week-end.

Zuhal Demir, ministre flamande de la Justice, pourtant membre de la N-VA tout comme le gouverneur du Limbourg, a reproché à la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (cd&V) de ne pas avoir utilisé la manière forte. « Où est Mme Verlinden ? (…) Il ne s’agit pas d’une fête innocente. Il s’agit d’une fête de promotion de la drogue et de la désobéissance civile, et on ne fait rien», a déclaré Zuhal Demir. « Pendant la pandémie de coronavirus, ils ont chassé les gens qui s’étaient rassemblés avec des canons à eau, des gaz lacrymogènes et des policiers à cheval, et ici, ils disent qu’il n’y a rien à faire ? C’est presque de la complicité », s’est-elle indignée.

Eviter le scénario de la Boum

C’est justement pour éviter de répéter le scénario du Bois de la Cambre que les autorités ont décidé de ne pas vider les lieux. « Nous sommes confrontés à l’une des tâches de maintien d’ordre les plus difficiles de l’histoire récente de notre province. Pour ceux qui pensent, ‘allez-y, arrêtez la fête et éclatez tout ça’, je voudrais quand même faire remarquer qu’on nous a déjà donné une liste d’incidents passés dans notre pays. Je pense au poisson d’avril de 2021, La Boum au Bois de la Cambre. Là, 2.000 manifestants ont été confrontés à 600 policiers et on connaît le champ de bataille qui s’en est suivi. On ne peut pas se permettre cela ici avec 10.000 personnes sur le terrain », a déclaré le gouverneur du Limbourg Jos Lantmeeters.

Pour rappel, le 1er avril 2021, en pleine pandémie de Covid, des milliers des jeunes s’étaient rassemblés au Bois de la Cambre à Bruxelles, pour « la Boum » , un poisson d’avril lancé sur les réseaux sociaux. L’évènement avait donné lieu à des scènes de guérilla urbaine. Quinze participants avaient été blessés, ainsi que treize agents de police. Les images d’une femme percutée par un cheval de la police avaient fait le tour des réseaux sociaux.

La ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden, a défendu, sur la chaîne VTM, l’action des forces de l’ordre durant la rave party illégale à Brustem. « Nous nous trouvions face à un événement inconnu. Les forces de l’ordre ont choisi d’éviter la confrontation avec un groupe important de ravers drogués dans une zone inaccessible. Il aurait été dangereux de jouer au chat et à la souris », a justifié la ministre. Selon cette dernière, la police a relevé les plaques d’immatriculation, retiré des permis de conduire et distribué des amendes.

La ministre de l’Intérieur a également réfuté les critiques selon lesquelles les autorités n’auraient pas vu venir cet événement de grande ampleur. « Nous avons de très bons services de renseignement et de sécurité dans notre pays, mais il n’y a pas de loi qui permette à la police d’infiltrer des groupes secrets sur les médias sociaux. Bien sûr, nous allons analyser ce qu’il s’est passé pour voir comment nous pouvons empêcher cela à l’avenir », a-t-elle indiqué.

La police a tout de même arrêté neuf personnes -toutes de nationalité néerlandaise-, dont sept sont de présumés organisateurs, a indiqué le parquet du Limbourg. Deux d’entre elles ont été interpellées à Bilzen à bord d’une camionnette où les policiers ont retrouvé du matériel de sonorisation ainsi que du gaz hilarant. Cinq autres ont été interceptées sur l’autoroute E313 à bord d’un véhicule tirant une remorque contenant un groupe électrogène. L’enquête devra déterminer si ces sept personnes sont impliquées dans l’organisation de cette rave-party illégale.

Ce mardi, le gouverneur du Limbourg s’est félicité de son approche. « Nous avons dû nous organiser à la vitesse de l’éclair. Dimanche, nous sommes passés à la phase provinciale. Nous constatons aujourd’hui que la gestion multidisciplinaire du problème a fonctionné. Notre stratégie était de minimiser le vandalisme et les désagréments pour les voisins. Des patrouilles intensives ont été menées dans les quartiers environnants qui ont immédiatement verbalisé les parqueurs sauvages », a souligné Jos Lantmeeters ce mardi.

Quinze appels ont été reçus via la centrale d’urgence 112. Trois d’entre eux ont été gérés par une équipe SMUR et onze autres ont été pris en charge par une ambulance de la zone de secours Limbourg Sud-Ouest. Un patient a été directement soigné sur place. Neuf personnes ont, elles, été transférées vers l’hôpital Sint-Trudo. Pour les cinq appels restants, les personnes n’ont pas été retrouvées sur les lieux de la rave party.

« Le fonctionnement de l’hôpital Sint-Trudo et des hôpitaux environnants ne doit pas être compromis. C’est pourquoi nous avons également mobilisé la protection civile sur le terrain », a fait savoir le gouverneur. De son côté, la Défense a déployé seize membres de la police militaire pour effectuer des contrôles aux abords immédiats du site. En outre, 120 militaires ont été appelés pour balayer le site à l’issue de la fête.

Publicité de la presse

Interrogée par le quotidien De Morgen, Marie*, une participante à la fête estime que c’est « grâce » à la presse si l’événement a pris une telle ampleur. « Je vais aux free parties depuis 14 ans, je ne pense pas qu’elles aient augmenté en nombre, elles sont juste devenues plus prudentes et plus petites. Plus petites, oui. La seule raison pour laquelle dix mille personnes se sont soudain présentées, c’est parce que vous avez fait de la publicité tout le temps et que vous avez insisté sur le fait que cela durerait au moins deux jours de plus », dit-elle.

Selon elle, les rave ou « free » parties sont une réaction à la hausse du coût de la vie nocturne « légale » de plus en plus régulée. « Une free party, c’est une fête accessible, où tout le monde peut être soi-même, et qui ne coûte pas cher. Et sans règles, car aujourd’hui, dans la société, il y a beaucoup de règles et nous devrions pouvoir juste être nous-mêmes », raconte une autre participante sur les ondes de la VRT.

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