Rosanne Mathot

R qui roule n’amasse pas mousse

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

Où il est question d’une salade belge, sauce américaine, avec persil et Schibboleth.

Par quelle sortilège était-on passé du Groenland convoité par Trump à une resucée de l’opération persil, en Belgique ? (1) Etait-ce la couleur verte qui avait enclenché l’épouvantable mécanisme ayant conduit Bruxelles et la Wallonie à fusionner en une enclave yankee osant à peine ouvrir la bouche ?

A force d’écrrirre des horreurrrs, elles finissent par arrriver, dit – doctement – le dernier venu du café, l’inventeur flamand dit El Magnifico, se référant au récent tweet des jeunes nationalistes NVA enjoignant Trump à acquérir la Wallonie.

Autour du révolutionnaire, les journalistes déprimés osaient craintivement une question de ci, de là. De fait, depuis son annexion, pour un dollar symbolique, le nouvel Etat américain était devenu l’endroit le plus pourri de la planète. Son auto-proclamé leader, fanboy de persil, de Shibolleth (2) et du général dominicain Trujilo Molina (un gars entré au top 5 des dictateurs les plus fêlés de l’Histoire), traquait tous ceux qui s’embourbaient dans la prononciation du mot « perejil » (persil, en espagnol), un mot au r roulé redoutable et à la jota infernale pour toute luette francophone.

Ainsi, la veille, face au ricanement des machettes prononciatoires, une fillette folle de terreur avait supplié qu’on l’épargnât, accrochée aux jupes de sa mère, en braillant péréchil ! tant qu’elle pût, sans parvenir à rouler autre chose que ses beaux yeux. Le fait qu’elle fût haute comme trois pommes, juchée sur une montagne d’accusations ordurières haute comme l’Everest, donnait une idée de l’échelle de l’épouvante.

Le nouveau 51e Etat américain claudiquait dans le bastringue de sa cour des miracles : malgré une situation de quasi plein emploi, il grimaçait dans une grande éjaculation de gaz d’échappement. Les mines de charbon étaient réveillées, la peine de mort ressuscitée, la plaisanterie et l’information punies des travaux forcés, les allocations familiales trucidées, l’IVG avortée et la sécurité sociale démantibulée.

– Beste vrienden, poursuivit El Magnifico, en se reculant contre la banquette, les mains repliées derrière la tête, l’heurre est grrraaf. Si vous voulez éviter les rrréjouissances au couteau, aux ciseaux ou au flingue, rrroulez-moi ces r, Godverdomme !

Que la Belgique n’eût rien à voir avec les Caraïbes ? Que l’espagnol ne figurât pas dans la panoplie des langues nationales locales ? Pour le milliardaire américain – qui grattait justement, devant sa glace, un brin de persil scotché à une longue incisive – tout cela n’était que détail. Ni plus, ni moins.

Mais c’est pas tout ça, l’heure tourne : où est encore passé le serveur ? S’agirait pas de louper le film qui va démarrer, sur la Une, à 20h15.

(1) En 1937, le (méconnu) massacre du Persil a coûté la vie à plus de 20 000 Haïtiens et Dominicains d’ascendance haïtienne.

(2) Ce nettoyage ethnique à l’encontre des locuteurs francophones met en lumière le concept biblique de Schibboleth : l’utilisation de la langue, à des fins meurtrières, comme ce fut le cas avec l’expression  » Schild en vriend « , pendant les Matines de Bruges en 1302.

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