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Qui est Freddy Roosemont, le directeur général de l’Office des étrangers ?

Muriel Lefevre

Personne peu connue du grand public, Freddy Roosemont a pourtant fait parler de lui il y a peu en prenant la défense de Theo Francken et en émettant des doutes sur la véracité des témoignages de Soudanais expulsés de la Belgique vers le Soudan. De Morgen lui a consacré un long portrait. Extraits.

Son mentor, Johan Vande Lanotte, disait que pour garder sa santé mentale on ne pouvait pas s’occuper plus de quatre ans de politique d’asile. Or Freddy Roosemont est directeur général de l’Office des étrangers depuis 2003 et baigne dans le secteur depuis les années 1990. Aujourd’hui, il se retrouve pour la énième fois sous pression avec l’affaire de Soudanais expulsés. Mais pas de quoi bousculer plus que nécessaire celui qui en a vu d’autres. Portrait.

On dit de lui qu’il est loyal envers la hiérarchie, peu importe qui s’y trouve. Aujourd’hui, c’est Theo Francken. Du coup, c’est devenu son meilleur ami. Et Francken le lui rend bien en parsemant ses dizaines de speechs du Theo toert (qu’on peut traduire par Theo en tournée) de Freddy par ci et de Freddy par là. D’ailleurs le « Freddy » fait partie, pour Francken, du groupe de personne trié sur le volet, qui comme lui, souhaite mettre de l’ordre dans le capharnaüm de l’asile en Belgique, quitte à quelquefois s’approcher d’un peu trop près des limites de la loi. Ce n’est pas un hasard si les deux hommes sont caricaturés en Francken Batman et son fidèle compagnon Roosemont Robin. Et cette connivence fait dresser quelques cheveux sur la tête de l’opposition. « Bien sûr que le secrétaire d’État et le patron de l’office des étrangers doivent pouvoir collaborer, mais ils doivent aussi se contrôler mutuellement » dit la parlementaire sp.a Monica De Coninck. « Aujourd’hui, on assiste pourtant à l’effet inverse. Ils se renforcent mutuellement. Ce qui fait que les procédures sont plus rapides et se déroulent plus souplement. Ce qui est bien. Mais d’un autre côté l’affaire des Soudanais a clairement mis en lumière que dans ce domaine on avait parfois besoin d’un peu de contradiction. »

Qui est Freddy Roosemont, le directeur général de l'Office des étrangers ?
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Roosemont se défend de telle accusation: « Je n’ai fait que mon travail. Il n’ y a pas de combine avec Francken. » Ce qui ne l’empêche pas d’avoir de sérieux doutes sur la véracité des témoignages des Soudanais. « Qu’ils aient été interrogés à leur arrivée au Soudan n’est pas inhabituel. Mais ce n’est pas la même chose que de la torture », estime fin 2017 le patron de l’Office des étrangers. « Comment se pourrait-il que, par hasard, six personnes qui ont été renvoyées au Soudan sur une période de trois mois aient été en contact avec une ONG au Caire? », se demande encore Roosemont. L’Institut Tahrir et Koert Debeuf, son directeur européen (et ancien collaborateur de Guy Verhofstadt), ne sont pas impartiaux, ajoute-t-il. « A quel point leur récit est-il neutre? » se demande-t-il encore dans un communiqué repris par Belga. Cette déclaration de fin décembre n’avait pas pour but de les dédouaner lui et le secrétaire d’État précise encore Roosemont dans les colonnes du De Morgen.

Une surprenante entente

Que ces deux-là s’entendent est en soi déjà quelque chose de surprenant. Le premier est très ouvertement allergique aux socialistes alors que le second l’est. Ou du moins l’était. Roosemont a en effet commencé sa carrière en 1992 dans le cabinet du ministère de l’Intérieur qui était à l’époque Louis Tobback (sp.a). Il s’y spécialise dans tout ce qui est migration. Pour rappel ce n’est que 16 ans plus tard que sera créé le poste de secrétaire d’État à l’immigration. Ses débuts sont chapeautés par Johan Vande Lanotte, alors chef de cabinet de Tobback, et il deviendra avec le temps un élément apprécié. « C’est moi qui l’ai formé. » préciseVande Lanotte. « Il était toujours sérieux et dévoué. Pas un grand idéologue, mais ce n’est pas ce qu’on lui demandait. Nous abordions alors déjà l’asile et l’immigration de façon professionnelle. Lorsque nous recevions une demande du palais qui nous demandait de régulariser un tel ou un tel, ce qui arrivait assez régulièrement à l’époque, il devait trouver une façon de refuser aussi limpide que claire. Or il avait parfois du mal à être aussi sec envers le roi. (Rire) »

Roosemont va rester 6 ans dans le cabinet « rouge ». Jusqu’en 1998, plus précisément. L’ année ou Vande Lanotte, devenu ministre entre-temps, doit démissionner suite à l’évasion de Marc Dutroux. Tobback le remplace, mais lui aussi devra laisser sa place suite à la mort de la demandeuse d’asile nigérienne Semira Adamu. Adamu a été étouffée lors d’un rapatriement par deux gendarmes qui avaient écrasé un coussin sur son visage pour la faire taire. A ce moment-là, Roosemont travaille depuis quelques mois déjà à l’office des étrangers situé à la gare du Nord à Bruxelles. Suite au drame, l’office écope d’une réputation de tueur administratif, d’enfer bureaucratique qui doit remettre un maximum d’avis négatif et qui réduit les gens à de la paperasserie. Une image glaciale encore renforcée par certaines déclarations, comme celle du grand patron d’alors Stéphan Schewebach qui dira que « 90% des demandeurs d’asile trichent ». Une sortie qui va faire un tollé. On lui reproche un manque d’empathie par ce qu’il considère de facto les réfugiés comme des menteurs. On fait le même reproche aujourd’hui à son successeur. On le trouve même hautain.

Assez ironique quand on y pense puisque lorsqu’il devient le DG en 2003, il promet de s’y prendre autrement. Que l’office des étrangers se doit d’être plus accessible et transparent. Plus humain aussi. Un voeu pieux et une chose plus facile à dire qu’à faire, visiblement. Car depuis on aperçoit régulièrement Roosemont expliquer à la télévision pourquoi on renvoie brutalement une famille qui vivait en bonne entente ici depuis des années.

Pas de quoi déstabiliser Roosemont qui comme toujours fait face et se cramponne aux lois qu’il doit servir. Le fait qu’il passe pour aussi inhumain que son prédécesseur le touche pourtant beaucoup. « Je suis à la tête d’une administration et je dois respecter les lois. Si toutes les instances chargées de l’asile disent non, je dois expulser cette personne. C’est comme ça . Ce que je pense personnellement de certains cas n’a aucune importance. Que je trouve ces personnes sympathiques ou non, ne change rien. Je dois respecter la loi. Point. » Et cette raideur absolue par rapport à la loi est bien ce que les associations de terrain lui reprochent. « Il n’y a jamais moyen de discuter, on est directement face à un mur. » D’ailleurs, Roosemont ne les rencontre plus. Cela fait 8 ans qu’il envoie des collaborateurs. Ce qui ralentit encore le processus.

En réalité, personne ne sait ce que Roosemont pense vraiment de l’affaire des Soudanais. « Il ne lâchera rien en interne et encore moins en public. Pour le même prix, il peut trouver que Francken est un veau » dit un collaborateur. « C’est un cadre l’administration qui reste coûte que coûte professionnel. Il restera loyal envers la hiérarchie. »

D’aucuns pourraient se demander si après 15 ans aux commandes d’une institution aussi difficile il ne serait pas bon de passer la main ? L’intéressé trouve que non. « Si en tant que manager d’un service aussi important et compliqué on ne dispose pas des connaissances suffisantes sur le sujet et du contexte historique, on se retrouve rapidement largué. Et on aura aussi plus tendance à prendre des décisions émotionnelles et pas des décisions basées sur des procédures et des lois. Ce qui serait encore pire. »

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