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Que devient l’or extrait des GSM collectés dans les écoles ?

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Cette semaine a lieu une grande opération de collecte de vieux smartphones et GSM dans les écoles wallonnes. L’occasion de s’intéresser au processus de recyclage des différentes matières précieuses extraites de ces appareils usagés.

A l’initiative de Carlo Di Antonio, le ministre wallon de l’Environnement et de la Transition écologique, une grande collecte de vieux smartphones et GSM est organisée cette semaine dans les écoles wallonnes. Parce qu’ils sont cassés, qu’ils n’ont plus assez de mémoire, sont démodés ou revêtent une valeur sentimentale, plus de 3 millions de téléphones dorment dans nos tiroirs. Ces appareils inutilisés sont pourtant des trésors insoupçonnés de matières premières qui, en raison de leurs propriétés intrinsèques, sont recyclables quasiment à l’infini. L’ASBL Recupel prend en charge l’aspect logistique de la collecte dans les quelque 140 écoles wallonnes qui participent à l’opération. Elle encourage donc les Belges à faire le tri dans leurs appareils électriques et électroniques usagés.

Pas moins de 90% des matériaux utilisés dans les téléphones peuvent ainsi être récupérés. Il s’agit de plastique, de métaux (cuivre, aluminium, nickel) qui représentent 40 à 60% des composants des téléphones, mais aussi, de métaux précieux comme l’or, de l’argent ou du palladium. En recyclant une tonne de GSM et de smartphones usagés, il est possible de récupérer pas moins de 300 grammes d’or. Au total, une tonne de GSM représente 15.000 euros de valeur en métaux précieux.

Mais, au final, comment se passe le recyclage, qui récupère ces matières premières et que deviennent-elles ? Un responsable de chez Recupel nous explique qu’une première phase de tri est d’abord réalisée parmi les GSM déposés dans les boites disposées cette semaine dans les écoles. Les appareils encore fonctionnels, une minorité, sont donnés à des « ressourceries » dans toute la Wallonie, via Resources, le portail wallon de la récupération et de la revalorisation. Les GSM inutilisables sont transférés, eux, aux recycleurs agréés par Recupel. Ces derniers – ils sont une dizaine en Belgique – s’attèleront à la phase obligatoire de dépollution des matériaux de ces appareils, principalement le mercure, le nickel et le plomb. Les matières premières précieuses extraites, comme l’or, l’argent, le platine, le palladium ou encore le cuivre seront ensuite récupérés par des entreprises spécialisées en Belgique dans la technologie des matériaux, dont l’un des leaders mondiaux est Umicore.

300 grammes d’or

L’or est-il dans ce cas-ci racheté par Umicore au recycleur agréé par Recupel? Contactée par nos soins, Marjolaine Scheers, Media & External Affairs Manager de l’entreprise explique: « Nous n’avons pas de contrat direct avec Recupel, donc c’est impossible à confirmer. Si nous recevons les GSM ou pas dépend de qui est le processeur de Recupel. Ce dernier devra également séparer la batterie. La batterie peut donc également être traitée chez Umicore. »

Elle ajoute concernant les modalités financières: « Si les GSM nous parviennent après « dépollution », c’est à dire après la séparation de la batterie, nous n’arriverons pas à un prix fixe. La valorisation se fera ensuite sur la base d’analyses déterminées par un processus d’échantillonnage et de laboratoire chez Umicore.« 

Umicore, dont l’usine se situe à Hoboken, près d’Anvers est la seule entreprise en Belgique à recycler des GSM usagés pour en extraire des matières précieuses. Il s’agit de la plus grande de ce type au monde. Ces métaux sont produits sous forme de métaux purs. Ils sont ensuite vendus sur les marchés internationaux ainsi qu’à certains départements du groupe qui les transformeront en nouveaux produits. L’or extrait est, par exemple, réutilisé dans des catalyseurs fabriqués par Umicore même. Il peut aussi être revendu en tant qu »investissements, détaille Marjolaine Scheers. Chez Umicore, cette transaction se fait via le département « Precious Metals Management » qui propose l’achat d’or, de platine, de palladium, d’argent en différents formats (gramme, lingot,…). Ces métaux sont disponibles dans différentes banques d’investissements ou via des traders.

Une aubaine pour les acheteurs de ces matières premières, car ce processus dénommé « urban mining » (voir encadré ci-dessous) atténue l’impact de la fluctuation des prix des matières premières, à l’heure où l’or, une valeur refuge, séduit de nouveau les investisseurs et que le palladium est plus cher que l’or.

Umicore est l’Ancienne Union minière du haut Katanga. Fondée en 1906 pour exploiter les mines de cuivre du Congo, elle a un passé sulfureux. La société s’est refait une réputation au fil des décennies et est aujourd’hui reprise dans le top 10 des 100 entreprises les plus durables au monde établi par Corporate Knights, une division de recherche axée sur les classements de performance en termes de développement durable.

Le boom de l’ « urban mining »

Ce procédé de recyclage des matières premières contenues dans des appareils électroniques usagés est en plein boom. Il est connu sous la dénomination anglo-saxonne d' »urban mining », ou « extraction urbaine ». Si les gisements naturels s’épuisent, les villes des pays industrialisés, elles, sont devenues de véritables « mines urbaines ». Alors que les métaux se font de plus en plus rares et sont de plus en plus difficiles à extraire, l’idée est de recycler ces matières contenues dans les produits déjà sur le marché. La concentration de métaux et minéraux précieux est en effet 50 fois plus élevée dans les déchets électroniques que dans les minerais extraits dans les mines. Ce procédé d’économie circulaire se révèle moins onéreux, moins énergivore, moins polluant et dans certains cas plus respectueux des populations locales que la récolte des métaux via l’extraction minière classique dans des régions parfois attisées par des conflits. Une aubaine aussi pour l’environnement. Sur l’année 2015, l’or récupéré dans les appareils collectés aurait empêché à lui seul l’émission de 21 250 tonnes de CO², la production de 6.375 tonnes de déchets toxiques et la consommation de 12,7 millions de litres d’eau, avance Recupel.

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