César Botero González

PS-PTB, c’est fini. Alors quoi ?

César Botero González Militant du PS - Licencié en sciences politiques et science des religions

Que se passe-t-il entre le PS et le PTB ? Pourquoi n’ont-ils pas réussi à se mettre d’accord pour gouverner ensemble à Charleroi, Herstal, Liège, La Louvière, Molenbeek et Seraing ?

Négocier est, par définition, discuter pour parvenir à un accord. Chacune des parties est obligée de faire des concessions. Faire des concessions est difficile. Mais négocier ayant comme objectif ne pas se mettre d’accord, tout en faisant semblant de le vouloir, doit être diablement difficile, bien que divertissant. C’est la commedia dell’arte. Pour rappel, ce genre théâtral se caractérise par des personnages stéréotypés et des situations burlesques. Tous les acteurs portent des masques, à l’exception des rôles amoureux. Ceux-ci étaient absents des négociations. Les amoureux ne négocient pas.

Après les discussions, PS et PTB martèlent les mêmes propos : nous voulons bien, mais eux n’en veulent pas; ils n’assument pas leurs responsabilités ; ils essayent de nous piéger ; ils font semblant de négocier ; ils sont en campagne électorale ; ils ne veulent pas rompre avec le capitalisme ; ce sont des communistes ; leur programme et leur financement sont irréalisables ; c’est celui qui dit qui l’est. Et encore d’autres joliesses.

Qui a raison ? Les seules à le savoir, avec certitude, sont les négociateurs des deux partis. Les citoyens lambda les regardent de l’extérieur et jugent leurs gestes et paroles en fonction de leurs déclarations dans les médias. Ils ne passent pas la nuit dans l’alcôve des négociateurs, ne boivent ensemble le café au petit matin. Et ce que l’on voit à la devanture des partis est diffèrent de ce que l’on ne voit pas à leur arrière-boutique.

Nous vivons dans un monde où règne le néolibéralisme. Ses créatures, la droite et l’extrême droite gagnent du terrain, parfois bras dessus, bras dessous. États-Unis, Hongrie, Pologne, Italie, Autriche, Colombie, Pérou, Argentine, Chile pour ne pas les citer tous. Pour bien confirmer la tendance, 55% d’électeurs brésiliens viennent d’élire président de leur pays le candidat d’extrême droite.

Pendant ce temps, au sud de la Belgique, pas encore contaminée par l’extrême droite et qui vote plus à gauche qu’à droite, les gauches se chamaillent et se discréditent. Pour le PS, les Ecolos sont à gauche, mais moins qu’eux et le PTB est communiste. Le diable ! Pour les Ecolos le PS « ça peut aller », mais le PTB est dangereux puisqu’il est marxiste-léniniste. Pour le PTB les Ecolos ne sont pas de gauche et le PS l’est un peu plus, mais pas assez.

Pour ajouter de la confusion, ils se définissent eux-mêmes de manière à compliquer la coexistence pacifique. Le PTB : nous sommes la gauche révolutionnaire. Le PS nous sommes la gauche responsable. Les Ecolos : nous ne sommes ni de gauche ni de droite, mais parfois nous sommes de gauche, parfois nous ne le sommes pas. C’est conjoncturel.

En attendant que la situation à gauche se décante, on peut constater :

  • Les faits sont les faits. Il y a plus des points communs entre PS et MR, à Liège, qu’entre PS et PTB. Ils sont d’accord en matière de pension, d’enseignement, de logement, de transitions environnementale et numérique, de mobilité. Et les deux défendent Stephan Moreau. Que voulez-vous de plus ? (La Libre Belgique 3 et 4 novembre 2018).
  • Grâce à ces convergences, l’accord de majorité fut une partie de plaisir à l’instar de cette photo dans La Friterie de la Salade où Christine et Willy ne peuvent pas contenir l’explosion de ce bonheur dont une minorité de la Cité Ardente, celle qu’on connait, ne manquera pas d’en profiter. À Molenbeek l’accord entre Catherine et Françoise n’a pas trainé non plus. Qui a dit que le libéralisme n’était pas social ?
  • Le PS ne fait pas peur, ne dérange personne, il n’est pas marxiste-léniniste, il fait bon ménage avec le MR.
  • La gauche en Wallonie-Bruxelles est divisée. Le PS avec le MR ? Le PTB avec la FGTB ?

Devant cette situation, plutôt préoccupante, les gens de gauche se demandent que faire ?

Le PTB n’a pas toujours raison, les autres partis non plus, mais il a raison de ne pas vouloir entrer dans une majorité pour assurer la continuité d’une politique que les électeurs ont sanctionnée le 14-O et qui pourrait l’être encore en mai 2019.

Elio Di Rupo a manifesté à plusieurs reprises la volonté de revenir aux majorités régionale et fédérale avec les Ecolos et Défi en ignorant l’appel de la FGTB pour une alliance PS-PTB-ECOLO. Si l’alliance PS-MR à Liège, à Molenbeek et dans d’autres communes sont le signe annonciateur d’une majorité fédérale et régionale du même acabit, nous comprenons les réticences du PTB, les préoccupations de la FGTB et l’inquiétude de nombreux militants PS. Dès lors, les critiques du PS contre le MR, probable partenaire de la future majorité, sont incompréhensibles et le deviendront encore plus d’ici à mai 2019.

Si nous pouvons soupçonner le PTB de ne pas vouloir faire des accords avec le PS, celui-ci n’est pas exempt des mêmes soupçons, mais les conséquences de cette mésentente pourraient diviser encore plus la gauche. La FGTB est déçue. Elle doit être écoutée.

À sept mois des élections législatives, il est temps de commencer à faire toute la clarté à gauche si l’on veut éviter que le MR, la NVA et autres droites renouvèlent leur domination. Les citoyens ont besoin de savoir. Mon avis, en tant que simple citoyen et militant de gauche, peut se résumer à ces réflexions :

  • Quand la droite et l’extrême droite avancent, la gauche ne peut reculer en se droitisant par peur de perdre des électeurs. Proverbe africain : « Si tu avances, tu meurs. Si tu recules, tu meurs. Alors, pourquoi reculer ? »
  • Il ne faut pas se tromper d’ennemi. L’ennemi n’est pas le PTB, mais les injustices qu’il dénonce. Plus le PS s’affaiblit, plus le PTB se renforce. Plus le PS s’arrime au MR, plus les lecteurs se rapprochent des affreux marxistes.
  • Renouer avec de vieux partenaires pour former des majorités, dont nous connaissons les résultats, c’est tromper les citoyens et en particulier les plus défavorisés. Participer au pouvoir avec la droite pour limiter sa capacité de nuisance n’est plus un argument crédible.
  • Attaquer le PTB pour échapper aux foudres de Bart, ce n’est pas de la stratégie ni de la tactique, c’est de la panique. La peur est mauvaise conseillère.
  • Il ne faut pas miser sur les attaques du MR, le CDH, Défi et les Ecolos contre le PTB pour attirer des électeurs. Il y a mieux à faire.
  • Si nous voulons le pouvoir comme objectif à court terme, l’arithmétique, la calculette et les vieilles rengaines électorales sont les seuls moyens à utiliser, mais le succès n’est plus garanti en 2019.
  • Si nous voulons le pouvoir comme moyen pour mener une politique dans l’intérêt général, il faut revenir aux fondamentaux du socialisme et proposer un projet à long terme.
  • Si les droites du monde s’unissent pourquoi pas les gauches, tout au moins celles de Wallonie-Bruxelles ?
  • Bie qu’on ne puisse copier telles quelles les expériences d’un autre pays, le Portugal est un exemple à étudier. Le parti socialiste gouverne avec l’appui parlementaire du Bloco de Ezquerda (fusion des marxistes léninistes, trotskistes et maoïstes ; de quoi faire tomber dans les pommes ceux que vous savez) et le Parti Communiste, mais Bloco et PC soutiennent le gouvernement socialiste minoritaire sans y participer, et ce malgré leurs différences.
  • Le gouvernement portugais a réussi à diminuer les déficits sans pratiquer une politique d’austérité, une reprise de la croissance et des salaires et à faire revenir les investisseurs. Le Portugal est le meilleur argument contre la mauvaise foi de ceux qui agitent l’épouvantail du communisme. C’est un fait que la plupart des partis veulent ignorer. Les partis traditionnels préfèrent parler du Venezuela.

Refrain africain : « Celui qui cherche à trop comprendre s’expose à mourir d’indignation. »

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