Claude Demelenne

PS – Ecolo : pourquoi ce ne sera pas un mariage d’amour

Claude Demelenne essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

Au soir du 26 mai, le PS et Ecolo pourraient être les deux principaux partis, en Wallonie et à Bruxelles. Un mariage est possible. Mais ce ne sera pas un mariage d’amour.

Les mariages d’amour sont rares en politique. La future union – un scénario plausible – entre le PS et Ecolo, n’échappera pas à la règle. Pourtant, les logiciels des deux partis semblent a priori compatibles. Les « rouges » se sont convertis à l’éco-socialisme. Les « verts » ont tourné la page des écotaxes antisociales. Mais cela ne suffit pas pour gommer l’évidence : PS et Ecolo évoluent sur des planètes différentes. Ils ne partagent pas du tout la même culture.

Capitalisme vert

Contrairement aux écologistes, les socialistes restent attachés à la lutte des classes. Bien que ralliés à l’économie de marché, ils n’évacuent pas le conflit entre classes comme moteur du changement social. Les écologistes, eux, n’ont pas de culture ouvrière, peu de culture syndicale, une culture approximative du service public. Historiquement, Ecolo n’est pas issu de grandes luttes sociales, comme le PS.

Les rapports entre le PS et Ecolo ont toujours été complexes. Antiproductivistes, les verts se sont longtemps positionnés « ni à gauche, ni à droite » sur l’échiquier politique. Certains persistent dans l’idéologie du « ni-ni » . Pour l’essentiel, ils se contentent de vouloir repeindre en vert le capitalisme. D’autres ont compris que la lutte pour le climat est indissociable du combat contre les inégalités. Ils veulent changer un système qui a enfanté une économie barbare – une horreur économique – sacrifiant les générations futures, déifiant le profit et oubliant l’Homme.

Monomaniaques du climat

Ecolo a toujours eu une aile environnementaliste pure et dure, reléguant le social au second plan. Ces écolos-là ont une ambition : profiter de la crise existentielle de la social-démocratie un peu partout en Europe, pour prendre le relais de la gauche dite traditionnelle, coupable de privilégier les revendications quantitatives et le « toujours plus » au profit de sa clientèle électorale. Ces écolos-là veulent imposer une nouvelle religion : la religion du climat.

Il ne s’agit pas de nier la réalité du réchauffement climatique, ni la nécessité d’y répondre par des mesures fortes. Mais c’est peu dire que l’arrogance de certains écologistes, excommuniant tous ceux qui n’avalent pas docilement leur bonne parole, exaspère les socialistes. Dans leurs déclarations aux médias, ceux-ci ménagent un partenaire potentiel, mais à l’écart des micros, le discours est dur. Les monomaniaques du climat sont accusés de surfer sur les peurs, de caresser dans le sens du poil les jeunes qui défilent pour le climat et, in fine, de se comporter comme si Ecolo pouvait, avec sa loi climat, sauver la Terre entière.

Donneurs de leçons

C’est un reproche récurrent que la gauche socialiste adresse aux écologistes. Ils adorent jouer aux chevaliers blancs et donner en permanence des leçons de morale à la classe politique. Les socialistes n’ont pas oublié la posture, insupportable à leurs yeux, adoptée par Zakia Khattabi en juin 2017, lorsque le PS a été éjecté du gouvernement wallon. « Le PS dans l’opposition, c’est une mesure de salubrité publique », avait déclaré la coprésidente d’Ecolo.

Lassés de voir certains leaders écolos laver plus blanc que blanc, les socialistes expliquent que le bilan des écolos, lorsqu’ils ont participé au pouvoir, est du genre maigrichon. Et de pointer du doigt l’absence, dans leur bulletin, d’une seule réforme emblématique à la fois écologique et sociale. Un mauvais bulletin, donc, qui expliquerait pourquoi, contrairement au PS, Ecolo s’est toujours écroulé, à l’échelon régional et fédéral, au sortir d’une période de participation gouvernementale.

Pas assez laïcs

Un autre reproche adressé par les socialistes aux écologistes, particulièrement à Bruxelles : ils témoignent d’une laïcité à éclipses et font notamment preuve de mollesse face à l’offensive des militants de l’islam rigoriste, très actifs au sein d’Ecolo, à Bruxelles.

Fait révélateur, Ecolo-Bruxelles vient d’accueillir sur sa liste régionale, comme « candidate d’ouverture », l’ex-PS de Molenbeek, Farida Tahar, qui a quitté le PS, trop laïc pour cette

militante voilée. « Je ne peux prétendre à une responsabilité telle que je suis », a expliqué Farida Tahar. Sous-entendu, tant que je conserve mon voile, au PS, je ne deviendrai jamais députée. Ecolo est selon elle, un parti « davantage inclusif ».

Un autre candidat d’ouverture sur la liste bruxelloise d’Ecolo, Henri Goldman, dénonce quant à lui ceux qu’il appelle « les intégristes d’une laïcité dévoyée », à savoir notamment les socialistes qui s’opposent au port du voile à l’école et dans la fonction publique. Il y a une dizaine d’années, Henri Goldman fut l’un des grands défenseurs des « accommodements raisonnables » au profit des militants de l’islam rigoriste. Ces accommodements, très populaires au sein d’Ecolo-Bruxelles, furent bloqués, à l’époque, principalement par le PS. Au sein des verts, certains n’ont toujours pas pardonné l’intransigeance des défenseurs socialistes de la laïcité.

Pas un long fleuve tranquille

Si au lendemain des élections du 26 mai, le PS et Ecolo sont associés au gouvernement, ce sera tout sauf un long fleuve tranquille. D’autant plus qu’Ecolo, s’il réussit le bond électoral que lui prédisent les sondages, risque de placer haut la barre de ses exigences. Au risque de cabrer un PS pas prêt à transiger sur certains principes. Dans tous les cas, l’alliance PS-Ecolo sera un sport de combat.

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