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Pouvoir d’achat: le souci public numéro 1 (sondage exclusif)

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

La baisse du pouvoir d’achat arrive en tête des sujets qui vous inquiètent, selon le sondage réalisé par Le Vif et Knack. Le climat et le spectre de la guerre les tracassent aussi, alors que le Covid n’occupe plus guère les esprits.

Le thème s’est retrouvé depuis quelques mois en tête des priorités politiques et de l’at­tention médiatique. Le pouvoir d’achat, indubitablement, fait aussi partie des préoccupations majeures de la population belge. C’est l’un des enseignements du sondage réalisé par Kantar pour Le Vif et Knack auprès d’un échantillon représen­tatif de la population belge.

Les sondés ont dû établir un classement de ce qui les préoccupe le plus parmi ces six thématiques : pouvoir d’achat, réchauffement climatique, migration, emploi, peur d’une guerre nucléaire et Covid. Les résultats sont assez nets, puisque 4 Belges sur 10 (39 %) placent le pouvoir d’achat au som­met et près d’un quart (23,6 %) en deuxième position. Une petite minorité (3,6 %) considère pour sa part que le pouvoir d’achat est le sujet qui leur cause moins de souci.

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C’est en Wallonie que le pouvoir d’achat tracasse le plus : près de la moitié des sondés (48,1 %) en font leur première préoccupation, alors que 1,4 % seulement le place en queue de peloton. La tendance est un peu moins marquée à Bruxelles (39,1 % en première position et 4,1 % en sixième position) et, surtout, en Flandre (34,1 % en première et 4,7 % en sixième position).

En outre, dans l’esprit des Belges, les perspectives d’avenir ne sont guère réjouissantes. Ils sont 62,1 % à considérer que leur pouvoir d’achat diminuera au cours des cinq prochaines années. Seuls 13,6 % l’imaginent augmenter. Alors que la BNB prédit, dans ses projec­tions macroéconomiques 2022-2024 présentées le 13 juin, que la perte de pouvoir d’achat actuelle sera entièrement compensée en 2023 grâce à l’indexation des salaires.Mais ce pessimisme ambiant n’a pas le même impact selon les générations. Dans les tranches d’âge de 55‑64 ans et 65 ans et plus, 3 Belges sur 4 prévoient une dimi­nution. Ils ne sont que 3 sur 10 chez les 18‑24 ans.

D’une crise à l’autre

Le pouvoir d’achat préoccupe le Belge, donc, alors que l’inquiétude liée à la pandémie de Covid-19, si elle n’a pas disparu des radars, semble s’être fortement étiolée. Il n’y a en effet plus grand monde pour la placer en première position (6,9 %), alors que plus de 6 Belges sur 10 (65,1 %) la classent au qua­trième, cinquième ou sixième rang.

Il ne faut pas chercher bien loin pour interpréter la tendance, qui se fonde sur des paramètres par­faitement objectifs. « Au-delà des aspects psychologiques, il y a évi­demment des contraintes exté­rieures très fortes qui pèsent sur les gens », observe Olivier Klein, professeur de psychologie sociale à l’ULB, un des scientifiques à l’ini­tiative du baromètre de la moti­vation, un outil de prise régulière du pouls de la population depuis le déclenchement de la pandémie.

Confrontés à une pandémie ravageuse, claquemurés, tenus de respecter les mesures sanitaires, les Belges étaient globalement concentrés sur ce problème-là plutôt qu’un autre au plus fort de la pandémie. Ce qui ne signi­fie aucunement que la problé­matique du pouvoir d’achat avait disparu comme par enchantement, naturellement.

La perte du pouvoir d’achat ou la menace de se retrouver dans une situation financière difficile sont perçus comme des risques plus tangibles que d’autres

Le contexte a évolué de façon assez spectaculaire en quelques mois. Malgré un récent soubre­saut des indicateurs, une bonne part des inquiétudes autour de la pandémie s’est évaporée en même temps que les contaminations. Dans le même temps, la guerre en Ukraine a été déclenchée, accentuant fortement une flam­bée de l’inflation déjà en cours.

Très concrètement, les Belges en mesurent les conséquences au quo­tidien, sur leur facture énergétique, lors de leurs achats alimentaires, à la station-service, notamment. « Les préoccupations sont très fluctuantes, comme on a pu l’ob­server au fil des vagues de la pan­démie. Nous observons également qu’en matière d’incertitude et de préoccupations, celles liées au Covid sont actuellement les plus basses observées depuis mars 2020 », confirme Olivier Luminet, professeur en psychologie de la santé à l’UCLouvain, également impliqué dans le baromètre de la motivation.

Dans le cadre de la psy­chologie, on évoquera plutôt la per­ception des risques pour soi-même et pour ses proches. « Tel risque est-il imminent ou non ? Tel risque est-il sérieux ou non ? » Dans cette optique, il ressort de notre sondage que la perte du pouvoir d’achat ou la menace de se retrouver dans une situation financière difficile sont perçus comme des risques plus tangibles que d’autres.

« Un autre sujet ne faisait même pas partie de notre horizon voici quelques mois et occupe désormais une place prépondérante : la pers­pective de la guerre », relève Olivier Klein. De fait, le sondage du Vif identifie clairement un sentiment de préoccupation face au risque de guerre nucléaire, puisque 16,7 % le placent en tête de liste et 16,6 % en deuxième place, ce qui représente tout de même un tiers de l’échan­tillon. Il apparaît en outre que les femmes (20,8 %) sont plus nom­breuses que les hommes (12,7 %) à en faire leur première inquiétude.

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Olivier Klein et Olivier Luminet confirment tous deux l’avènement d’une anxiété liée à cette menace, qui n’avait sans doute plus tour­menté autant les Belges depuis les années 1980 et la crise des euromis­siles. L’ observation est corroborée par le baromètre de la motivation, dont les deux derniers coups de sonde, réalisés à la mi-mars et fin mai, font aussi apparaître une préoccupation très nette relative au conflit en Ukraine, de même qu’au dérèglement climatique. Les inondations ou le récent épisode de sécheresse sont une fois de plus des élé­ments objectifs qui nourrissent cette préoccupation-là.

Migration et emploi se retrouvent par contre relativement bas dans le classement, avec des dif­férences sensibles en fonction de la communauté. Les néer­landophones (11,2 %) sont plus nombreux que les fran­cophones (4,6 %) à identifier les migrations comme premier tracas. A l’inverse, les francophones (10,1 %) placent l’emploi en tête de liste, davantage que les néerlandophones (7 %).

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