C'était en 2005: Bart De Wever se faisait un nom en amenant un camion rempli de faux billets représentant les transferts à Strépy-Thieu. © Belga

Pourquoi les transferts Nord-Sud restent un enjeu politique majeur

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Une étude de la Banque nationale chiffre les transferts financiers de la Flandre vers la Wallonie à 6,2 milliards. En légère diminution. Bruxelles contribue aussi. L’enjeu reste crucial en vue de 2024.

Oui, la Wallonie reste sous perfusion. De la Flandre, mais aussi de la Région bruxelloise. C’est ce qu’il ressort de la dernière étude de la Banque nationale, qui objective les fameux « transferts Nord-Sud » sur base des données chiffrées les plus récentes, qui datent de 2019.

Concrètement, la Flandre « verserait » quelque 6,2 milliards à la Wallonie chaque année. Cette solidarité interfédérale s’effectue de façon complexe via la fiscalité et la sécurité sociale, mais aussi les dotations directes de l’Etat aux entités fédérées. La Région bruxelloise, elle aussi, contribue à aider sa consoeur wallonne à hauteur de 900 millions d’euros annuels.

Deux nuances importantes

L’étude de la Banque nationale démontre aussi une tendance à la baisse de ce phénomène en raison du vieillissement de la population au nord du pays. C’est une évolution que les experts annoncent depuis plusieurs années. « La contribution flamande en matière de pensions et de soins de santé est devenue négative en 2003 et continue de se creuser depuis », précise la Banque.

Par ailleurs, ces flux se situent dans la moyenne européenne. Tony Van de Calseyde, président de B Plus, relève que la Wallonie reçoit une contribution mois importante que d’autres Régions en Europe, notamment le nord des Pays-Bas ou la Saxe-Anhalt en Allemagne.

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Une autre nuance importante concerne les flux entre provinces, ce que des experts relèvent de longue date également. Le Brabant wallon, par exemple, est un contributeur net. Deux provinces flamandes, le Limbourg en tête, recoivent des transferts.

Un enjeu politique important

Cela étant, l’enjeu reste politiquement important et reste un des noeuds majeurs des relations communautaires en Belgique, particulièrement en vue de 2024 et d’une probable septième réforme de l’Etat – voire d’un blocage institutionnel par la N-VA et le Vlaams Belang après les élections. La N-VA a d’ailleurs grandi sur ce mythe, depuis le fameux incident des billets amenés par Bart De Wever en camion à Strépy-Thieu, en 2005.

Doorbraak, la très active maison d’édition issue du Mouvement flamand, avait publié en mars dernier un livre consacré à ce sujet dont le titre était évocateur: Vlaanderen betaalt (la Flandre paie). Dans une contribution remarquée, Didier Paquot, ancien chief economist de l’Union wallonne des entreprises (UWE) et désormais titulaire du même poste à l’Institut Destrée, recensait déjà une série d’études crédibles au sujet des montants estimés des transferts Nord-Sud, qui les fixent dans une fourchette située entre 5,2 et 7,9 milliards.

Pour autant, est-ce un scandale? L’auteur francophone soulignait que de tels transferts sont logiques dans un Etat fédérale – et parfois même plus importants. Pour les réduire, ajoute-t-il, cela prendra encore longtemps et cela nécessité une action vigoureuse pour développer le taux d’emploi en Wallonie, soutenue fiscalement par le fédéral. A moins d’une action plus radicale: « La réduction des transferts interrégionaux ne peut avoir lieu que via de nouveaux pas dans le fédéralisme/confédéralisme, à travers lesquels on affaiblirait ou supprimerait des mécanismes de solidarité ».

Une autre étude publiée en août 2020 par le centre d’études Jacques Georgin, think tank de DéFi, montrait que la Flandre est contributrice nette et que Bruxelles bénéficierait d’une fiscalité liée au lieu de travail. Ce travail posait le jalon de revendications pour les francophones, en cas de réforme de l’Etat profonde. En soulignant, là encore, combien la Wallonie est en danger.

L’étude concluait: en terme de recommandations: « En cas de nouvelles avancées institutionnelles souhaitées par la Région flamande, les compétences suivantes à rentrer dans le cadre d’une discussion en matière de scission de la sécurité sociale devraient prioritairement être liées aux pensions et aux soins de santé dont l’essentiel des dépenses (respectivement 65% et 60%) sont imputables à la Région flamande.

L’enjeu est là pour 2024, il risque également d’être rendu plus tangible encore en raison des difficultés budgétaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie, dont les indicateurs risquent de repartir à la baisse en raison des coûts énormes de la crise du Covid et de l’impact colossal des indondations qui ont ravage la Région cet été.

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