Kris Peeters © BELGA

Pourquoi le CD&V joue-t-il le tout pour le tout ?

Stavros Kelepouris
Stavros Kelepouris Journaliste pour Knack.be

Il n’y aura pas de déclaration de politique générale du premier ministre Michel aujourd’hui. Cette nuit, les négociations sur le budget et les réformes fiscales nécessaires n’ont pas abouti, après que le vice-premier ministre, Kris Peeters, ait exprimé son souhait d’associer la taxe sur les plus-values sur action à une réforme de l’impôt sur les sociétés. Pourquoi les chrétiens-démocrates ont-ils soudain décidé de jouer le tout pour le tout ?

C’est la crise Rue de la Loi, même s’il ne pourrait s’agir que d’une crisette. L’exigence de Kris Peeters n’est guère surprenante, car ces dernières semaines Peeters a indiqué que pour son parti, un effort des grandes fortunes est une condition sine qua non pour son parti.

Or, comme cette menace n’a manifestement pas été prise au sérieux, Peeters s’est vu obligé de jouer ce que les observateurs qualifient de partie de poker menteur. Hier soir, il a claqué la porte du Lambermont pour soumettre les propositions à son parti. Il a fait attendre le kern pendant quatre heures, avant de leur faire savoir qu’il ne reviendrait pas, mais qu’il soumettrait une nouvelle proposition à neuf heures ce matin. Peeters joue le tout pour le tout, car les partenaires de coalition ne veulent plus se laisser prendre en otage par la date limite proche de la déclaration de politique générale.

Quelle est l’ampleur de la crise? Le risque que le gouvernement tombe est assez faible. Pour l’instant, aucun parti du gouvernement n’a quoi que ce soit à gagner à de nouvelles élections. En outre, les grandes lignes de l’accord budgétaire sont déjà fixées. La taxe sur les plus-values pose surtout problème à l’Open VLD qui ne veut pas de nouveaux impôts même si la N-VA se pose également beaucoup de questions et n’est guère enthousiaste à l’idée de cette taxe.

Pour le CD&V, il y a beaucoup en jeu. Le parti a fait un fer de lance de la fiscalité juste, et à cet égard, il n’a pas été très bien servi lors de l’accord sur le tax shift. Aussi est-il frappant qu’il fasse un forcing pour le même thème – en risquant de ne rien obtenir.

L’attitude des chrétiens-démocrates découle de l’écart difficile en tant que visage social d’un gouvernement de centre droit plus rapide à proposer un saut d’index qu’une taxe sur les plus-values. En 2014, le parti savait déjà que le flanc gauche serait le plus gros souci, mais à mi-chemin du mandat, la tâche semble plus ardue que prévu.

Le report de la déclaration de politique et les frustrations exprimées cette nuit par Alexander De Croo (Open Vld) et Jan Jambon (N-VA) témoignent d’une méfiance mutuelle. L’idée que la droite du centre devait devenir un gouvernement de l’efficacité et des compromis forts se fissure. Le mois dernier, nous avons eu un bel avant-goût de la discorde qui se manifeste de plus en plus : le CD&V et la N-VA qui présentent chacun leur plan pour la sécurité.

La façon dont tous les principaux ministres se dépêchent de dire que la crise n’est pas si grave n’est pas très agréable non plus pour la majorité. « Di Rupo aussi a dû reporter la déclaration de politique », entend-on. C’est ennuyeux pour les partis qui prétendaient au début que tout serait différent du gouvernement Di Rupo. En 2013, la N-VA était la première à voir dans le report du discours de rentrée la preuve d’un manque de cohésion au sein du gouvernement.

Cette nuit, c’est surtout Kris Peeters qui a été pointé du doigt, mais pour la première fois on critique la méthode de négociation de Charles Michel (MR). Ce dernier louvoie entre le plein et petit comité, jusqu’à ce qu’il ait une idée des contours de l’accord. Les autres partis ne feraient que reporter les exigences de Kris Peeters qui seraient étudiées, et pas nécessairement exécutées. En outre, le premier ministre aurait pu prévoir la situation dès cet été.

Le fait que le premier ministre soit obligé de se réunir au Lambermont sans pouvoir se retirer à Val Duchesse n’a pas aidé non plus. Chaque fois qu’un ministre partait ou arrivait, il levait un coin de voile sur les négociations de sorte que les discussions avaient pratiquement lieu devant les caméras, ce qui n’a fait qu’augmenter la portée dramatique du conclave budgétaire.

Le problème est-il plus grand que ce gouvernement, comme l’a déclaré Peeters? Peut-être bien, mais il n’y a là rien de nouveau. Une fiscalité honnête pour les grandes fortunes et les spéculateurs de bourse est un projet ambitieux qui allait poser problème à ce gouvernement, mais il va de soi que le timing pouvait être meilleur. À présent, on dirait que la crisette est complète. Il ne reste plus qu’à voir ce que donnera la date limite du 15 octobre, date où la Belgique doit soumettre son budget à l’Europe.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire