Nicolas Baygert

Pourquoi la presse ne s’intéresse-t-elle pas aux mouvements citoyens ?

Nicolas Baygert Chargé de cours à l'IHECS et maître de conférences à l'ULB

Selon notre Pythie contemporaine, le « Grand Baromètre » de l’opinion, nous assisterions à une « crise de confiance » vis-à-vis de nos élites. Ainsi, même après la réforme Marcourt, les notes (de confiance) obtenues par le gouvernement fédéral et ceux des entités fédérées demeurent insuffisantes.

De même, les vagues d’actions syndicales ne déclencheraient pas l’enthousiasme (peut-être encore) escompté. Outre les 24 % d’opinions positives sur l’ensemble du pays, la contestation « sociale » s’apparente pour beaucoup à un bruit de fond, voire à une nuisance stérile, plus ou moins irritante selon les répondants.

A l’image de l’entre-soi particratique, aux enjeux souvent éloignés des préoccupations concrètes du « citoyen-consommateur », la galaxie syndicale, son sympathique folklore tricolore, son archéo-activisme (l’agit-prop, le réflexe-à-la-grève), sa vulgate crypto-marxiste, ses pèlerinages à Cuba, en bref : son habitus d’in-group bien intentionné, paraissent de plus en plus déconnectés de leurs cibles réelles : les travailleurs (bien davantage que des enjeux partisans). Outre la pression mise sur le fédéral, l’essentiel du travail de communicant syndical consiste dorénavant à convaincre l’employé bloqué que cette débauche d’énergie se fait bien en son nom.

A l’heure où 31 % des (2 436) sondés répondent par l’affirmative à un fantasme de sondeurs voyant débarquer la tribu Le Pen sous nos cieux, la « crise de la représentation » n’est, elle, aucunement fantasmée. Ce pourcentage correspondrait peu ou prou au réservoir à voix « antisystèmes » : un vote de défiance, le Belge serait d’humeur « dégagiste ».

Des syndicats figés et des partis appelant aux dons – non pas pour remplir les caisses mais pour réinjecter de la matière grise au sein de formations au logiciel idéologique en panne – mais dans ce cas, quid de l’engagement citoyen ?

Les actions citoyennes ne bénéficient pas d’une attention médiatique suffisante pour leur permettre de franchir un palier de notoriété critique

L’émulation citoyenne s’observe en réalité à l’extérieur des carcans partisans. Un activisme thématique et ponctuel ; des consommateurs actifs désirant co-créer une offre politique « sur mesure », là où le système actuel privilégie une logique hiérarchique, vouée à la cuisine interne des partis ou laissée à la discrétion des syndicats.

On citera les formations spontanées apolitiques comme « Tout Autre Chose » (« Hart Boven Hard » en Flandre) ou « Pas Question ! » qui lutte pour le retrait du Plan Wathelet. Son porte-voix, le web-entrepreneur Antoine Wilhelmi, répond d’ailleurs au profil-type du self-made-man pour mouvements do it yourself (DIY). Des mouvements participatifs qui souhaitent « fédérer au-delà des clivages traditionnels et réducteurs » et où seule compte la mise en place d’un projet commun. « Changer la vie », certes, mais loin du cadre contraignant des matrices partisanes ou syndicales.

Pour l’instant, ces initiatives opèrent en dehors de l’arène politique et, à l’instar des « petits partis » (à l’exception du PTB et de son porte-parole Raoul Hedebouw, « bon client » convoité par les journalistes), celles-ci ne bénéficient pas d’une attention médiatique suffisante pour leur permettre de franchir un palier de notoriété critique. Les castings des débats télévisés demeurent par conséquent inchangés. Et là où Podemos, Syriza, le Movimento Cinque Stelle ou l’AFD (Alternative für Deutschland) passionnent les rédactions étrangères, le relatif désintérêt médiatique local face aux nouvelles mobilisations continue ainsi d’étonner. Eteignez vos postes, la mobilisation citoyenne est ailleurs.

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