Bart Maddens

Pourquoi la N-VA reste au gouvernement flamand

Bart Maddens Politologue à la KULeuven et proche du mouvement flamand

LA BELGIQUE EST PASSÉE, LE 13 JUIN 2010, à travers le chas d’une aiguille. Si la N-VA avait obtenu 2 à 3 % de voix de plus, il aurait été impossible de réformer l’Etat sans elle.

Ce sera sans aucun doute la one million dollars question des trois prochaines années : les partis V (N-VA, Vlaams Belang et LDD) réussiront-ils, en 2014, à obtenir une majorité en Flandre ? Le tout est de savoir si la N-VA pourra pêcher davantage dans l’étang des électeurs Open VLD et CD&V. Ce sera sans doute son objectif n° 1, comme cela c’est déjà vérifié la semaine dernière au parlement flamand.

Beaucoup d’observateurs s’étaient attendus à ce que le parti de Bart De Wever démissionne du gouvernement régional. Après tout, le récent accord institutionnel se situe loin en dessous des attentes flamandes, telles qu’elles figurent dans la note Octopus. Qui plus est, l’accord est en contradiction flagrante avec ladite note. Le gouvernement flamand voulait renforcer la dualité de la structure de l’Etat. Mais ce qui a été décidé est carrément à l’opposé de cette exigence. La Région bruxelloise en sort grand vainqueur. Les précédentes réformes de l’Etat ont toujours été un exercice d’équilibre difficile entre le modèle flamand (deux grandes Communautés) et le modèle francophone (trois Régions). Aujourd’hui, la balance penche définitivement en faveur de ce dernier modèle. C’est une victoire historique pour les francophones : une révolution copernicienne, certes, mais à l’envers, contraire à celle que voulait le gouvernement flamand.
Pourtant, la N-VA reste au gouvernement flamand. La raison en est que la N-VA d’aujourd’hui n’est plus celle de 2009, quand l’exécutif flamand a été formé. A l’époque, la N-VA était encore un parti national- flamand relativement petit (13 % des voix). Aujourd’hui, son ambition porte beaucoup plus loin. Elle veut devenir un parti dominant de centre-droit. Pour atteindre ce but, elle doit administrer la preuve qu’elle veut et peut assumer de hautes responsabilités de gestion. En juillet, la perception existait qu’elle fuyait ses responsabilités. Si elle avait claqué la porte du gouvernement flamand, elle aurait encore renforcé cette perception. C’est pourquoi Bart De Wever a transformé son c£ur en pierre et continue, malgré tout, à gouverner avec le CD&V et le SP.A. Il ne sait que trop bien que les thèmes socio-économiques seront décisifs en 2014. Les voix nationalistes flamandes, il les a déjà conquises, en gros. Or la N-VA espère séduire les électeurs de centre-droit en 2014 avec un discours socio-économique : en 2010, les Flamands ont plébiscité les partis de droite, mais ils reçoivent en retour une gestion politique de gauche, imposée par une minorité wallonne, dira De Wever. Les Flamands exigent des économies, mais voient augmenter leurs impôts. Et ceux-ci sont imposés par un gouvernement qui n’a même pas la majorité en Flandre. Un gouvernement présidé par un Premier ministre socialiste parlant très mal le néerlandais et nimbé d’une épaisse fumée de scandales, au moins aux yeux de beaucoup de Flamands.

Dans ces circonstances, la N-VA, euphorique, se prépare à une victoire sans pareille. Le nouveau gouvernement pourra seulement mettre des bâtons dans les roues de cette perspective enchanteresse en accordant aux Flamands la politique de droite qu’ils ont réclamée le 13 juin de l’année dernière. Autrement dit, il faudra que Di Rupo coupe dans le vif du programme socialiste. Tel est le prix qu’il devra payer pour le sauvetage de la Belgique.

Bart Maddens, politologue à la KU Leuven

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