En un an, les gouvernements wallon et de la fédération Wallonie-Bruxelles ont beaucoup travaillé. Voici leur bilan «caché». © BELGA

Un an de coalition MR-Engagés: ces 10 mesures passées sous le radar qui touchent au portefeuille

Sylvain Anciaux

L’axe MR-Engagés a lancé plusieurs chantiers en Belgique francophone. Parmi eux, les réformes des droits d’enregistrement, de l’enseignement qualifiant, des aides à la rénovation ont fait couler pas mal d’encre dans les sillons de la nouvelle terre bleue. En sous-marin, d’autres mesures ont occupé les gouvernements Dolimont et Degryse, un peu moins l’opinion publique. En voici quelques-unes.

Adrien Dolimont adore les citations. Dans son discours sur l’état de la Wallonie prononcé en avril, le Ministre-Président wallon en a usé à tour de bras. Quant à l’introduction de la déclaration de politique régionale du gouvernement MR-Engagés, elle paraphrasait Michel Rocard, ancien Premier ministre socialiste français: «Penser loin, parler vrai et agir juste».

Pour penser loin, parler vrai et agir juste, le gouvernement Azur a notamment réformé la fiscalité immobilière et automobile, suspendu les primes «énergie» pour les particuliers qui rénovent leur maison, transformé les demandeurs d’emploi en chercheurs d’emploi en contraignant ces derniers à accepter des boulots ou se former pour des secteurs en pénurie. Voilà pour les grands chantiers, mais qu’en est-il des petits?

Le gouvernement Dolimont contre les communes

La coalition MR-Engagés, en place depuis un an, a toujours été claire concernant son ambition de rapprocher la Wallonie de la Flandre, de Bruxelles, et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Sous le capot, cela a un coût qui se communique moins. Alors que les grandes communes s’inquiètent du financement de leur CPAS suite à la réforme du chômage voulue par le fédéral, celles-ci ne sont pas vraiment aidées par le gouvernement régional. Ainsi, dans son décret-programme et dans le budget 2025, le nouvel exécutif a mis fin à l’augmentation annuelle d’un pour cent du fonds des communes (à différencier de l’indexation), qui couvre initialement 23% des recettes communales. Sur la législature en cours, les localités y perdent 251 millions d’euros. Pour compenser, les communes devront augmenter leurs recettes en relevant les impôts, taxes et redevance ou comme elles y ont déjà été contraintes en signant des contrats de prêts avec la Région ou les grandes banques. Résultat: à Liège, refaire sa carte d’identité coûte désormais 40 euros. A Seraing et à Charleroi, les garderies deviennent payantes. «Au final, ce sont les communes qui augmentent les impôts. La région leur dit qu’elles ont le choix, mais en leur braquant un flingue sur la tempe», résume le député PTB, Germain Mugemangango. Le communiste pointe également le moratoire sur les subsides aux intercommunales de déchets qui prive ces dernières de huit millions d’euros. «Conclusion, à La Louvière, la taxe poubelle augmente de 42%.»

Cependant, quand elles palpent le blé régional, les communes ne sont pas encore libres d’en faire ce qu’elles veulent, pointe le chef de groupe Ecolo, Stéphane Hazée. «A Trooz, par exemple, la société de logements sociaux est contrainte de construire sur un site où l’eau de la Vesdre avait tout ravagé sur 2,6 mètres de haut en 2021. Le gouvernement dit que les subsides sont prévus pour un projet qui doit s’implanter là et nulle part ailleurs. C’est irresponsable.» Il attribue notamment cette irresponsabilité à la lenteur du dossier du laboratoire de la Vesdre et ce malgré une étude du soubassement de la zone «qui prend la poussière».

Un an de coalition MR-Engagés: du neuf pour les forains et les patrons

Soyons de bon compte, la Région ne s’est pas non plus complètement désintéressée de ses communes. Depuis ce 1er juillet, les décisions du conseil communal devront être publiées sur le site internet communal ou via des plateformes extérieures agréées. «Cela remplace l’ancien registre papier et garantit un horodatage électronique officiel, qui fixe la date d’entrée en vigueur des textes, développe le banc du MR au parlement de Wallonie. L’objectif est de simplifier, sécuriser et rendre l’information plus accessible aux citoyens.»

La simplification, c’est un mantra pour l’axe MR-Engagés qui s’est installé aux commandes du sud du pays. Le terme se retrouve d’ailleurs 45 fois dans la déclaration de politique régionale, et 34 fois dans la version communautaire. Le gouvernement wallon a donc simplifié la vie des forains en réformant leur statut. Désormais, ils n’ont plus besoin de la carte «ambulant» pour exercer leurs activités. Auparavant, les animateurs des foires si prisées dans le pays devaient s’acquitter de 150 euros (pour les autorisations patronales) ou de 100 euros (pour les préposés) afin d’obtenir les autorisations. Seule l’inscription à la Banque-Carrefour des Entreprises reste nécessaire à présent, à l’instar des régimes flamand et bruxellois.

Une autre simplification portée conjointement par les gouvernements Degryse et Dolimont concerne les «Top Managers». Sous la précédente législature, il fallait se doter d’un certificat de management public (CMP) pour endosser un poste à responsabilités au sein d’une administration ou d’un organisme parastatal. Afin d’assurer la pluralité des profils et d’attirer à la tête de prestigieuses entreprises publiques des «Top Managers» venus d’entreprises privées, MR et Engagés ont donc fait sauter le CMP. «Cela implique que le gouvernement pourra choisir librement et sans contrainte les prochains administrateurs publics, enrage, sceptique, Christie Morreale (PS). C’est ça, la dépolitisation de l’administration?!»

Elisabeth Degryse et Adrien Dolimont, les deux figures de proue de la coalition MR-Engagés installée depuis un an, ont simplifié bien des choses au cours de ce début de législature. © BELGA

Récemment, le dossier de la taxation automobile a attiré l’attention des médias à propos du régime fiscal des électriques et des SUV, la question des ancêtres –reconnaissables à leur plaque commençant par O– est passée entre les mailles du filet. Désormais, la vieille 2CV comme l’Aston Martin de James Bond entrent dans une taxe forfaitaire de 61,5 euros, alors que la législature précédente se calquait sur leur puissance et leur pollution. «Cela pouvait vite monter à des milliers d’euros car elles boxaient toutes les autres voitures dans ces catégories alors qu’elles roulent peu et sont anecdotiques au regard de la pollution automobile globale», justifie Jean-Paul Bastin, leader du groupe Engagés au Parlement de Wallonie.

Voici donc sept mesures qui ont permis au gouvernement Dolimont de «penser loin, parler vrai, et agir juste».

Un an de coalition MR-Engagés: le parlement communautaire à fond sur l’enseignement

C’est souvent dans la transition entre les mesures adoptées lors de la législature passée et les politiques menées dans l’actuelle que tout déraille. Au sein du gouvernement Degryse, la réforme des CPMS (les centres Psycho-Médico-Sociaux qui veillent à l’épanouissement des élèves) entamée par l’ex-ministre Caroline Désir (PS) aujourd’hui dans l’escarcelle de Valérie Glatigny (MR) en est la preuve. Récemment, la libérale s’est vantée de conserver l’emploi, voire même de le booster, dans certains PMS de l’enseignement ordinaire. «Ce que la ministre ne dit pas dans sa communication, c’est qu’elle les retire des CPMS de l’enseignement spécialisé pour les mettre à disposition des autres», dénonce le socialiste Martin Casier (PS). Sa prédécesseuse Caroline Désir avait, dans sa réforme de l’intégration des élèves à besoins spécifiques, fait glisser 50 équivalents temps plein des CPMS du spécialisé vers l’ordinaire. Afin d’éviter des pertes de personnel dans le spécialisé, la socialiste avait gelé les 50 EQTP dans le spécialisé pour deux ans, mais n’avait jamais terminé sa réforme. Or les deux ans sont écoulés, et Valérie Glatigny a repoussé le travail entamé par Caroline Désir d’un an. Récemment à Auvelais, la libérale venait réconforter un centre PMS de l’ordinaire en les renforçant d’un équivalent temps plein… puisé dans le spécialisé. Ces mécanismes de rééquilibrage de la libérale amènent, par exemple, le CPMS spécialisé d’Ath à perdre 40% de ses EQTP. «Les PMS sont souvent les premiers à déceler un problème chez un élève, ils font un travail primordial dans le spécialisé parfois jusqu’au sein des foyers» note l’élue d’opposition, Bénédicte Linard (Ecolo), inquiète.

L’école, et l’accompagnement des jeunes, figure d’ailleurs sans trop de surprise comme la préoccupation principale des parlementaires communautaires. Du côté de la majorité, Diana Nikolic (MR) s’est félicitée du financement de 200.000 euros pour le logiciel privé «class contact». L’objectif est de permettre aux élèves touchés par des maladies graves de suivre l’enseignement à distance. «L’idée, c’est d’institutionnaliser ce programme et d’en faire un accord-cadre, des crédits ont d’ailleurs été ajoutés en ce sens à l’ajustement du budget 2025.»

Toujours concernant l’enseignement, supérieur cette fois, le PTB alerte quant aux intentions du gouvernement Degryse. «Lors de la confection du budget initial 2025, ils ont voté pour l’augmentation du prix du minerval pour les étudiants non-européens. Et puis, lors de l’ajustement budgétaire, l’augmentation concernait également les étudiants étrangers européens, constate Amandine Pavet (PTB). Aujourd’hui, dans les débats parlementaires, on nous parle d’une augmentation pour tout le monde puisqu’on ne peut discriminer, avec un système de remboursement pour les Belges.»

Dans sa déclaration de politique communautaire, aussi, le gouvernement Degryse citait Michel Rocard. Et voici donc trois mesures qui lui permettent de «penser loin, parler vrai, et agir juste».

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