Le débat sur le budget devait s’ouvrir à la Chambre, ce mercredi, en séance plénière. Seulement, avec des députés à l’étranger, le quorum n’était pas atteint au Parlement. Un acte «d’amateurs» qui rompt des petits arrangements majorité – opposition.
Le débat autour du budget en séance plénière est l’un des plus importants de l’année politique. Mais aussi… l’un des plus barbants, de par sa technicité et son ampleur. Quelques députés l’ont peut-être perçu, dans les rangs des partis de l’Arizona, et ont déserté l’hémicycle pour se rendre aux Etats-Unis, au Maroc, en RDC ou à Paris, paraît-il. Conséquence: le quorum (la moitié des parlementaires devant être présents pour assurer la validité du vote) n’a pas pu être assuré par la majorité. Jusque-là, c’est gênant, mais pas rédhibitoire pour tenir les échanges: le quorum étant assuré par la somme des députés de la majorité et de l’opposition, ces derniers demeurant moins nombreux que ceux des bancs de la majorité.
Mardi soir, à la veille de la plénière, la conférence des présidents de la Chambre, un amendement du ministre de l’Energie Mathieu Bihet (MR), sur la prolongation du nucléaire avec Engie incluant 380 millions d’euros de factures «oubliées» (depuis février) dans l’écriture du budget, est arrivé sur la table. Il avait dès lors été convenu que le débat général en plénière serait reporté le temps de revoir un tel amendement en commission. Ce mercredi, en ouverture de la séance plénière, «la majorité nous a pris en traître», fulmine la députée de l’opposition, Alexia Bertrand (Open VLD), et a voté pour intégrer directement cet amendement au débat général sur le budget 2025.
C’est ce qu’on appelle tendre le bâton pour se faire battre. Ni une, ni deux, les députés de l’opposition ont souligné l’absence de quorum des élus de la majorité et ainsi reporté l’ouverture du débat à la séance de 14 heures, le temps que la députée N-VA, Darya Safai, revienne du salon du Bourget à Paris. «C’est de l’amateurisme complet, fulmine la députée de l’opposition Alexia Bertrand (Open VLD), ils ne se sont même pas comptés.»
Benoît Piedboeuf, chef de groupe MR à la Chambre, estime pour sa part que le quorum étant assuré par l’opposition, «on aurait pu bosser». La preuve, de nombreux députés présents à 14 heures sont juste là pour faire acte de présence et quittent l’assemblée tant qu’ils ne sont pas appelés au vote.
Des députés contraints de faire leur boulot?
Voilà pour la petite histoire. La grande histoire en filigrane, elle, pourrait devenir une épine dans le pied de l’Arizona pour les années à venir. Initialement, les problèmes de quorum sont rarement décelés au Parlement, grâce à une règle non écrite de la politique belge: le pairage. Le principe est simple: si un député de la majorité ne sait pas se rendre en commission ou en plénière, il contacte un député de l’opposition au préalable pour «neutraliser» le vote. Par exemple, si un député de la majorité veut voter pour une mesure, mais ne peut être présent au vote, il demande à un député de l’opposition de s’abstenir. «Nous avons toujours accepté de faire du pairage, mais désormais, c’est fini. Aujourd’hui, pour le budget, on avait quatre ou cinq demandes», dénonce Alexia Bertrand.
«Au vu de leur comportement, et de leur manque de considération pour le Parlement et de respect envers l’opposition, et particulièrement le groupe socialiste qui a été qualifié de mafia en commission la semaine dernière, nous avons annoncé que le pairage ne serait plus d’actualité pour nous non plus», tonne pour sa part le député PS, Ridouane Chahid. Le PTB, qui avait accepté de pairer par moment avec la Vivaldi, a dit «niet» pour cette législature également. Voilà donc les députés de l’Arizona contraints de négocier des actions de pairage avec le Belang (ce serait inédit) ou les écologistes. L’Arizona paie là le prix de son manque de cordialité, et d’une certaine gouvernance rigide, parfois perçue comme brutale. «S’ils avaient pris en compte nos amendements en commission, on n’en serait peut-être pas là», résume Ridouane Chahid.
Fin des sanctions pour les députés absentéistes
«Cette absence de quorum prend en effet des proportions inédites», commente François De Smet (DéFI) qui s’est félicité de la présence de l’entièreté de son groupe… composé de lui seul. «La cause majeure (NDLR: de l’absence de quorum) réside dans le profil des députés, et dans le maintien du cumul, Bruxellois exceptés.» Le député amarante a proposé une loi l’interdisant, mais se fait peu d’espoir. «Bizarrement, il est admis par la plupart des partis, Engagés compris (et c’est un volte-face au regard de leurs engagements), que parlementaire ne doit pas être un métier à temps plein.»
Et de qualifier la situation en plénière, bien qu’inédite depuis l’avènement de l’Arizona, de sommet de l’iceberg au regard de ce qu’il se fait en commission. «Evaluer l’activité des parlementaires est une chose délicate tant nos parlements manquent de transparence», pointe par ailleurs un rapport sur la densité politique publié par Jean Hindriks et Alexandre Lamfalussy (UCLouvain) en juin 2024. Celui-ci évalue le taux de présence (entre avril 2022 et avril 2024) aux environs des 70%. En février dernier, la Chambre votait justement, à l’initiative de son président Peter De Roover (N-VA), l’abrogation d’une retenue de 30% de l’indemnité parlementaire si le taux de présence d’un député est inférieur aux 70% en commission. En plénière, les sanctions restent de mise.