Vincent Van Quickeborne
Vincent Van Quickenborne s’amuse de ses sympathies pour le communisme, à l’adolescence: «Demandez à Hedebouw si il me retrouve dans ses fiches, comme à la Stasi». © Belga/Getty

Série: les traîtres en politique | «Et là, Karel De Gucht me dit “vous êtes un libéral, Vincent”»

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

En son for intérieur, Vincent Van Quickenborne a presque toujours été un libéral. Peut-être même un libertaire. C’est pourtant à la Volksunie, parmi les nationalistes, qu’il a entamé sa carrière politique. Il fait partie de ces gens qui ont changé de parti, l’ont quitté pour un autre. C’est notre série d’été «Partir un jour».

Mille vies. Il a la cinquantaine à peine, mais Vincent Van Quickenborne dispose d’un CV politique long comme le bras. Le Courtraisien fait partie des figures de proue des libéraux flamands depuis deux décennies. Il a un peu cherché sa voie, pourtant.

«Il faut se remettre dans le contexte de 1996, cadre-t-il. A ce moment, je sors de l’université après cinq ans de droit. L’affaire Dutroux éclate, 300.000 personnes descendent dans la rue, dénoncent cette justice qui ne fonctionne pas, etc. Moi, je fais partie de la dynamique, au sein du mouvement TriAngel.» L’heure est au renouveau démocratique, à la transformation du paysage politique.

C’est au cœur de cette effervescence que se dessine progressivement l’engagement politique de Vincent Van Quickenborne. Des mouvements se croisent, des idées s’échangent. Il y a là nombre de jeunes actifs qui, rapidement, suscitent de l’intérêt parmi les formations politiques.

Van Quick s’amuse de ses sympathies pour le communisme, à l’adolescence: «Demandez à Hededouw, s’il me retrouve dans ses fiches comme à la Stasi.» © Photo News

Bert Anciaux, le président de la Volksunie, fonde le mouvement ID21, toujours dans cet esprit de renouveau. «Il considérait, avec d’autres, comme Hugo Schiltz, qu’il fallait octroyer plus de place aux jeunes», se souvient Vincent Van Quickenborne. Il est alors question de fonder un grand parti avec les libéraux du VLD. Le projet échoue, mais à l’approche des élections législatives de 1999, une liste VU-ID se présente aux électeurs flamands. Vincent Van Quickenborne en est, il sera élu au Sénat.

«J’ai fait campagne avec mon sac à dos dans toute la Flandre. Je passais de café en café en distribuant des cartons de bière avec mon programme. J’avais quatre promesses: ouvrir les magasins le dimanche, fumer un joint au Sénat si j’étais élu, la fin de l’obligation de vote et… votez pour moi et j’abolirai le Sénat», se marre-t-il.

Elu, le sénateur fait un peu tache dans la chambre haute. Il rue dans les brancards, s’empare de dossiers retentissants. Avec le libéral Alain Destexhe, il dénonce les dérapages de la rénovation du Berlaymont. AvecJean-Marie Dedecker, ils se rendent à Gaza. En 2002, il dévoilera aussi le nom de l’assassin du député communiste Julien Lahaut, à Seraing en 1950.

Armand De Decker est alors président de l’assemblée. «Van Quick» et lui, c’est l’eau et le feu. «Il se demandait qui était ce révolutionnaire. En revanche, même si je détestais le protocole, il m’appréciait parce que je bossais énormément. Je connaissais mieux le concierge du Parlement que ma famille.»

Agitateur depuis l’opposition, face à la majorité arc-en-ciel de Guy Verhofstadt, Vincent Van Quickenborne sera pourtant appelé à rejoindre le parti du Premier ministre. Et à rentrer dans le rang, autant que faire se peut.

On est en 2002, la Volksunie vient de péricliter, ses membres se carapatent un peu partout. Surtout vers Spirit, formation issue de l’aile gauche, et la N-VA, fondée par la tendance la plus nationaliste. Quelques figures rejoignent aussi le VLD, alors présidé par Karel De Gucht, parfois en passant momentanément par la case Spirit. «Annemie Van De Casteele, Alfons Borginon, Patrik Vankrunkelsven, Sven Gatz en font partie. J’étais loin d’être le seul.»

Vincent Van Quickenborne se souvient précisément de l’appel du pied de Karel De Gucht. «Il me téléphone et me propose d’aller manger ensemble», dans un restaurant italien de la rue Dansaert, à Bruxelles. «Un très, très, très bon resto. Là, il me dit « vous êtes un libéral, Vincent » et me propose de les rejoindre.» Un libéral qui soulève un peu trop de lièvres, comme Guy Verhofstadt le lui fera remarquer, mais un libéral convaincu. «Plutôt libertaire, même.»

Ce tropisme idéologique n’est pas une grande révélation. A la Volksunie déjà, il était désigné comme tel. «Lors des réunions, je me trouvais dans un coin, avec Hugo Schiltz. En face, il y avait des types comme Geert Bourgeois ou Bart De Wever, qui nous considéraient comme des sales libéraux, trop à droite.»

Etudiant, Vincent Van Quickenborne s’intéressait déjà au libéralisme. «Je passais beaucoup de temps dans les cafés, certes, mais aussi à la bibliothèque», à dévorer les ouvrages d’Adam Smith, John Stuart Mill, Friedrich Hayek, Milton Friedman. «J’étais un vrai libéral, quoi.»

En 1992, sur le campus de Courtrai, il a fait partie des fondateurs de l’association des étudiants libéraux. «Dans une université catholique, ça ne plaisait pas à tout le monde.» Il a même poussé le délire jusqu’à inviter Guy Verhofstadt à livrer une conférence dans le plus grand auditoire. Contre toute attente, «Baby Thatcher» est venu, dans une salle archicomble. Une participation aux frais de 50 francs était réclamée. «Au total, on a récolté 15.000 francs, une belle somme.» Le petit pactole fut dilapidé le soir même, à mesure que les plateaux de bières étaient gracieusement distribués. C’est cela aussi, la vie étudiante.

«Je suis chez mes parents, en pyjama. Il me de venir à Bruxelles, de mettre un beau costume, une cravate, et m’annonce que j’entre au gouvernement.»

Plus jeune encore, Vincent Van Quickenborne aurait eu des sympathies communistes, lui rappelle-t-on quelquefois. Il aurait même fait partie d’Amada, l’ancêtre du PVDA (PTB). «J’avais 15 ans et les cheveux longs. Comme tous les jeunes, je cherchais le modèle idéal, celui qui allait tout régler. Oui, je me suis intéressé à tout cela.» Et le Courtraisien de reprendre à son compte une célèbre formule: «Si tu n’es pas socialiste ou communiste à 15 ans, tu n’as pas de cœur. Si tu l’es toujours à 30 ou 40 ans, tu n’as pas de tête.» A-t-il pour autant été membre du parti? «Demandez à Hedebouw s’il me retrouve dans ses fiches, comme à la Stasi. Mais je ne sais pas s’il m’ont suivi.» Et tac.

«Les images de Berlin en 1989 m’ont marqué. Je n’y ai vu que des gens qui passaient de l’est à l’ouest et pas l’inverse. Ils étaient en quête de liberté.»

«Je me souviens encore des conversations avec mon père, un peu avant la chute du mur de Berlin, raconte le libéral. Il me faisait comprendre que tout ça avait l’air bien sympathique, mais m’invitait à voir la réalité en URSS. Les images de Berlin en 1989 m’ont marqué. Je n’y ai vu que des gens qui passaient de l’est à l’ouest et pas l’inverse. Ils étaient en quête de liberté. C’est alors que j’ai vraiment commencé à m’intéresser à la force de cette liberté.»

Une fois entré au VLD, une bonne douzaine d’années plus tard, les choses se sont accélérées. «Le parti m’a vraiment donné ma chance, j’en suis très reconnaissant», assure-t-il.

Aux élections de 2003, il se présente à la Chambre, conformément à ses ambitions. Mais il est le suppléant de Marc Verwilghen, dont l’étoile commence à pâlir, et redoute d’en faire les frais en n’accédant jamais à l’hémicycle. C’était sans compter sur un appel de Karel De Gucht, encore lui, un samedi matin.

«Je suis chez mes parents, en pyjama. Il me demande de venir à Bruxelles, de mettre un beau costume, une cravate, et m’annonce que j’entre au gouvernement. Quoi? Secrétaire d’Etat à la Simplification administrative! Je raccroche, je me tourne vers ma mère. Je n’en reviens pas», s’étonne-t-il encore. Il intègre alors l’exécutif Verhofstadt II. Son parcours gouvernemental commence.

Vincent Van Quickenborne deviendra ultérieurement ministre pour l’Entreprise et la Simplification (2008-2011) dans les gouvernements Leterme et Van Rompuy, vice-Premier et ministre des Pensions (2011-2012) à la suite de la crise des 541 jours, dans le gouvernement Di Rupo. Il quittera  cet exécutif, où Alexander De Croo le remplacera, pour endosser le maïorat de Courtrai.

Il reviendra au gouvernement sous la Vivaldi de De Croo comme ministre de la Justice (2020-2023). La fin de mandat fut agitée, avec le scandale du «pipigate» puis sa démission, dans le contexte de l’attaque terroriste survenue pendant le match de football Belgique-Suède.

Vincent Van Quickenborne siège aujourd’hui sur les bancs de l’opposition, canardant le gouvernement De Wever. «I’m free as a bird. Je suis dans la meilleure période de ma vie, pense-t-il, en ne regrettant pas un instant d’être entré au VLD. J’y ai gagné beaucoup d’amis. Bon, on a perdu beaucoup d’électeurs aussi», mais c’est une autre histoire.

Cinq dates

 1/08/1973

Naissance, à Gand. «Dans les années 1980, mes parents étaient chrétiens-démocrates, comme tout le monde», évoque-t-il. Il obtiendra sa licence en droit la KU Leuven en 1996, après deux ans d’études à Courtrai puis trois à Louvain.

13/06/1999

Aux élections pour le Sénat, il figure en deuxième position sur la liste VU-ID, derrière Patrik Vankrunkelsven, dans la circonscription flamande. Le cartel obtient 8,2% des voix et décroche deux sièges. A 25 ans, il devient le plus jeune sénateur du pays.

11/07/2003

Au VLD depuis 2002, il intègre en 2003 le gouvernement Verhofstadt en devenant secrétaire d’Etat à la Simplification administrative. Au sein des exécutifs fédéraux, il sera ministre sous Leterme, Van Rompuy, Di Rupo et De Croo, mais pas sous Michel.

15/10/2012

Au lendemain du scrutin communal, il annonce qu’il sera bourgmestre de Courtrai, avec la N-VA et le sp.a. Il envoie le CD&V de Stefaan De Clerck dans l’opposition «après une belle campagne. Les chrétiens-démocrates étaient au pouvoir depuis 1864.»

20/10/2023

Il annonce sa démission un vendredi soir, quatre jours après l’attaque terroriste du 16 octobre, qui coûta la vie à deux supporters suédois. Il prend ses responsabilités politiques après l’«erreur monumentale» d’un magistrat dans ce dossier.

L’idée qu’il ne défend plus

«La Belgique est complexe, mais cette idée qu’il faut scinder le pays est folle. J’ai évolué sur le sujet.»

L’idée qu’il conserve

«Je n’ai rien personnellement contre le roi, mais l’institution de la monarchie est une relique du passé.»

La pire vacherie

«Au VLD, tout le monde ne nous a pas accueillis à bras ouverts. Herman De Croo nous appelait les « voyageurs sans bagage ».»

La personne qui l’a fait changer

«Comme beaucoup, j’ai été inspiré par les idées de Guy Verhofstadt, dès les années 1990.»

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