
«Plutôt que de subir, osons»: Dolimont dresse le portrait d’une Wallonie au pied du mur

Le Ministre-Président wallon a adressé son premier discours sur l’état de la Wallonie au parlement régional, ce mercredi. Il dévoile les faiblesses de sa région, et les méthodes de son gouvernement pour y remédier.
Neuf mois ont passé depuis que la Wallonie a basculé dans un régime sans le Parti socialiste, et que le MR et Les Engagés tiennent la barre. Le moment choisi par le Ministre-Président Adrien Dolimont (MR), dont la famille s’est justement agrandie il y a quelques jours, pour énoncer l’état de la Wallonie au parlement. Et le constat n’est pas joyeux. Crises internationales, inflation, fermetures d’enseignes telles que Cora, «nous sommes dans un moment charnière», annonce gravement Adrien Dolimont. «Plutôt que de subir, osons», lance-t-il, convoquant pléthore de citations (Winston Churchill, Albert Einstein, Oprah Winfrey, Paul Morand…)
Un moment charnière, car la Wallonie est face à des défis «nombreux et compliqués». Dans l’ordre, pour le Ministre-Président, ils sont économiques, environnementaux, technologiques, industriels et sociaux. Il en veut pour preuve une population dont seuls 35% ont confiance envers le gouvernement régional, «une chute vertigineuse de trente points en cinq ans». Et parce que «piloter une région, c’est comme prendre la mer, il faut connaître son cap, mais surtout savoir s’adapter aux vents et marées». Adrien Dolimont a présenté aux députés wallons les trois axes sur lesquels se basera son équipe pour leur «projet de transformation» qui a évolué depuis juillet et la prestation de serment. Tous doivent être initiés, voire finalisés, en 2025, a annoncé le chef du gouvernement régional.
Primo, soutenir les PME et l’entreprenariat
Adrien Dolimont, citant Churchill, a repris l’analogie faite par l’ancien Premier ministre britannique entre le chef d’entreprise et un cheval qui tire un char. «En 2022, le taux net de création d’entreprises en Wallonie était de 3,8%. Osons faire mieux. Osons aller plus loin», dit l’Hennuyer. Pour ce faire, le «MP» sollicitera son ministre de l’Economie et de l’Emploi pour qu’il réforme le système de primes à l’investissement ainsi que celui des APE (Aide à la Promotion de l’Emploi), plus attendu. Parmi les annonces plus concrètes, on entend le développement de parcs d’activités économiques, le renforcement du numérique et de l’IA, et celui du commerce extérieur wallon dont le gouvernement Azur attend une augmentation de 2% en 2025. «Il faut surtout changer certaines mentalités».
Secundo, renforcer la cohésion sociale
Adrien Dolimont le sait, son gouvernement le sait, l’opposition le sait, la limitation dans le temps des allocations de chômage dans les cartons du gouvernement fédéral va faire mal, et particulièrement en Wallonie. Parce que «100.000 personnes seront exclues du chômage», comme l’annonçait le ministre fédéral de l’Emploi David Clarinval (MR), et que ce sont les localités (via les CPAS) qui auront la charge de ces exclus. Face à ce défi, le gouvernement wallon veut améliorer l’accès aux logements salubres, aux services publics et aux ressources essentielles. Entre autres: adopter une approche préventive de la santé, développer le sport pour tous, sécuriser les routes.
Cela passera par la révision de la fiscalité pour les ASBL et une simplification administrative pour l’associatif. L’implémentation de nouvelles règles locales pour la fonction publique et l’intégration CPAS/Communes sera à la charge de François Desquesnes (Les Engagés), ministre des Pouvoirs Locaux. Et «le doublement des moyens en prévention et la promotion de la santé pour un véritable changement de paradigme, en investissant en amont pour préserver l’équilibre physique et mental des citoyens» sera assuré par Yves Coppieters (Les Engagés), qui devra garantir un meilleur accompagnement des jeunes en matière de bien-être (mental notamment) et de lutte contre les addictions.
Tertio, améliorer la gestion publique
Plus petit des trois axes, l’amélioration de la fonction publique semble pourtant être celui où Adrien Dolimont n’annonce plus des projets, mais des coupes. Le Ministre-Président a rappelé l’importance de maîtriser les finances publiques, simplifier les procédures administratives, optimiser l’efficacité des services publics. C’est aussi sur cet axe que les objectifs annoncés sont les plus clairs, et que les moyens employés sont intelligemment énoncés. «Un contrat de confiance et de performance, qui remplace les anciens contrats d’administration, seront établis d’ici fin juillet 2025 avec l’ensemble de l’administration, pour formaliser les engagements de chaque ministre sur certaines priorités mesurables».
C’est une autre Hennuyère, la ministre wallonne de la Fonction publique Jacqueline Galant (MR), qui aura donc la lourde charge de réformer «en profondeur le code de la fonction publique». Comme on le sait, la fin des recrutements statutaires est confirmée, et la définition «d’un nouveau modèle de management public basé notamment sur un changement de désignation et d’évaluation des mandataires» est en route.
«Comme si rien n’avait été fait en neuf mois»
Naturellement, du côté de l’opposition, on ne goûte que très peu à cette oraison matinale. «Cela ne donne pas l’impression qu’ils sont en place depuis neuf mois, ricane Christie Morreale (PS), qui souligne le manque de données chiffrées dans les projets du gouvernement. Ils avaient donné trois objectifs: l’amélioration du taux d’emploi, l’assainissement des finances publiques et la réduction des émissions de CO2. Pour l’emploi, le taux a baissé de 1,8% depuis leur arrivée. Le déficit public s’est aggravé de 77 millions d’euros et en ce qui concerne les émissions de CO2, l’extension du tram à Liège a été supprimée, comme d’autres lignes de bus alors que les aides à la voiture augmentent. J’espérais des infos sur l’emploi et la politique industrielle, mais pas un seul chiffre n’a été donné et on ne sait toujours pas dans quel secteur la Wallonie peut aider pour la relance économique.»
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Stéphane Hazée, chef de groupe Ecolo, dénonce quant à lui une «supercherie» envers les électeurs qui n’ont pas octroyé un mandat au MR et aux Engagés pour ces projets. «Il y a un virage à 180 degrés face aux défis (NDLR: énoncés plus haut par le Ministre-Président), c’est même une grande régression. Contrairement à ce qu’ils disent, il n’y avait pas de majorité dans les programmes en juin 2024 pour la baisse des primes à l’isolation ou pour le définancement du secteur associatif.»
Enfin, côté PTB, Germain Mugemangango accuse «un gouvernement qui n’aime pas les travailleurs» en lui reprochant de laisser les secteurs économiques s’effondrer sans agir au préalable. «Ce gouvernement est également une tromperie, il annonçait zéro nouvelle taxe, mais c’est au niveau local qu’il les impose (NDLR: suite au plan Oxygène, comme l’a révélé Le Vif). A Charleroi, les garderies, les crèches ou le ramassage des poubelles ne sont plus des services publics gratuits, par exemple.»
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