Le gouvernement wallon s’est accordé sur la confection d’un budget pour 2026. Quelque 270 millions d’euros d’économies sont prévues. Parmi les secteurs concernés, l’emploi et la formation, mais aussi la santé. On se serre la ceinture, mais ce n’est qu’un début.
Le refrain entonné par le gouvernement wallon MR-Les Engagés est connu depuis son entrée en fonction l’an dernier. Il va falloir se serrer la ceinture pour réduire le déficit, dans l’espoir d’atteindre l’équilibre en fin de législature, à l’horizon 2029.
On en est encore loin, à vrai dire. Et comme aime à le mentionner le ministre-président régional, Adrien Dolimont (MR), coureur de fond au demeurant, l’effort s’inscrit dans le long terme et ressemble davantage à un marathon qu’à un sprint. Or, le problème du marathon, c’est le mur des 30 kilomètres. On a beau avoir parcouru les dix, les 20 puis les 30 premières bornes, c’est alors qu’il faut affronter le coup de bambou et que le plus dur reste à faire, malgré les efforts déjà consentis. Y parvenir requiert «de la méthode, de la constance et surtout du courage politique», commente d’ailleurs le libéral, en charge du Budget.
Depuis 2022, le gouvernement wallon s’est engagé à réduire annuellement son déficit à hauteur d’au moins 1% des recettes, un seuil d’ailleurs dépassé pour le budget 2026. Et le tout se fait, assure l’exécutif, en «préservant les secteurs essentiels».
Pour se faire une idée de l’effort à fournir, il faut savoir que le déficit prévu pour 2026 s’élève encore à 2,015 milliards d’euros (il se chiffrait à 2,287 milliards pour 2025). Selon les projections, il devra être réduit de façon assez drastique, d’année en année, pour atteindre 1,124 milliard en 2027, puis 600 millions en 2028, pour finalement parvenir à l’équilibre en 2029, ce qui permettra de ne plus creuser la dette wallonne.
Pour y parvenir l’année prochaine, le gouvernement s’est entendu lors du récent conclave budgétaire autour d’un ensemble de mesures d’économie structurelles, auxquelles s’ajoutent les effets de réformes qui entrent progressivement en vigueur.
L’effort à fournir d’ici à la fin de la législature semble colossal. Mais, rassure un peu Adrien Dolimont, l’arrivée à échéance du plan de relance lancé en sortie de crise sanitaire et les effets à long terme des réformes et économies structurelles devraient en atténuer un peu les effets.
Trois questions à Adrien Dolimont: «Oui, ce sera compliqué»
Adrien Dolimont, le déficit budgétaire de la Wallonie, s’il diminue, se chiffrera tout de même à deux milliards l’an prochain. Est-ce possible d’atteindre l’équilibre à l’échéance 2029? La fin progressive du plan de relance aidera, dites-vous.
Pour commencer, à politique constante, il y a une série de diminutions s’expliquant par le fait qu’une série d’investissements arrivent à échéance. Il s’agit notamment du plan de relance, qui comprenait des investissements massifs. On parlait de sept milliards au total, en matière d’inscription budgétaire, mais je rappelle que certaines dépenses étaient couvertes à 100% par le plan de relance européen. Bref, on arrive en fin de plan et toute une série de liquidations vont être terminées, ce qui aidera effectivement à atteindre l’objectif. Après, on doit continuer à effectuer un travail prospectif pour réduire les dépenses structurelles. On essaie aussi d’optimiser les recettes. On n’a pas de tabou, il faut continuer à avancer pour, au final, garder des marges de manœuvre.
Il y a eu 268 millions d’euros d’économies structurelles en 2025. Vous en annoncez 270,4 millions en 2026, un nouveau record. Les marches suivantes semblent encore plus élevées…
Oui, ça sera compliqué et ça va s’accélérer. La marche à franchir l’année prochaine doit nous permettre d’arriver à un peu plus d’un milliard d’euros de déficit, on en est à deux aujourd’hui. Ca va devenir de plus en plus compliqué. Après, toute une série d’éléments portent leurs fruits sur le long terme. Par exemple, on vient de présenter une série d’économies, mais dont la date d’entrée en vigueur fait que leur impact ne portera que sur une demi année en 2026. Structurellement, ces éléments nous aideront doublement l’année suivante. Et quand on arrive avec des politiques nouvelles, il faut que chaque ministre, dans le cadre de ses compétences, challenge ses budgets et puisse réfléchir à comment allouer les moyens dont il dispose à la base, avant même de venir demander des moyens supplémentaires.
C’est donc bien un marathon? Ca va faire mal?
Ce n’est jamais fini, en effet. Nous, on essaie de fixer un cadre, de donner une perspective. On commence à voir la ligne sur laquelle on veut majoritairement faire des économies. Il faut s’y tenir et avancer.
On ne détaillera pas l’ensemble des mesures d’économie décidées par le gouvernement wallon, mais il apparaît que quelques secteurs sont plus concernés que les autres par les mesures d’économie, singulièrement l’emploi et la formation, la santé et les pouvoirs locaux. Il faut toutefois préciser qu’ils charrient en général d’importantes dépenses budgétaires, en conséquence de quoi les économies qui y sont réalisées doivent être analysées de façon relative. «L’Aviq, par exemple, c’est un budget de sept milliards. Il faut avoir cela en tête lorsqu’on évoque les 28,3 millions d’économies qu’elle doit réaliser», illustre le vice-président du gouvernement, François Desquesnes (Les Engagés).
Economies dans l’emploi et la formation
En chiffres absolus, c’est dans l’emploi et la formation que les plus importantes économies sont réalisées, à savoir une centaine de millions d’euros. Les emplois APE (aide à la promotion de l’emploi), comme annoncé, seront fortement concernés. «Aujourd’hui, les APE représentent 1,35 milliard d’euros et un peu plus de 60.000 emplois», précise Pierre-Yves Jeholet (MR), qui n’est pas en mesure de préciser dans quelles proportions les réductions se répercuteront sur l’emploi. «Ce sont toujours des aides à l’emploi, mais pas des emplois 100% subsidiés. Donc, je ne demande pas qu’on supprime les emplois, c’est à l’opérateur qui verra son aide réduite de s’organiser.»
Parmi les subventions APE supprimées, celles des zones de police et de secours, des régies communales autonomes, du secteur non marchand (les opérateurs soumis à l’impôt des sociétés), des villes et communes, des provinces ou encore des intercommunales (sauf celles actives dans certains secteurs comme la santé ou le handicap). Une vingtaine de millions sont aussi supprimés dans le but de mettre fin aux effets d’aubaine et de rationaliser des dispositifs de formation. Le secteur des titres-services voit lui aussi ses aides diminuer, moyennant une lutte contre les cumuls de subventionnements (six millions) et la limitation de la subvention régionale (5,18 millions).
L’AViQ au régime
«Clairement, le gouvernement questionne l’AViQ» par rapport à ses moyens et à son fonctionnement, explique Yves Coppieters (Les Engagés). L’Agence pour une vie de qualité est appelée à se serrer la ceinture, même si les détails de sa réforme ne sont pas encore connus à ce stade.
Sa dotation ne sera pas indexée l’an prochain et, comme pour la fonction publique, elle devra se plier à une norme de remplacement des départs à la retraite (cette norme est de un remplacement pour trois départs), «tout en préservant une certaine flexibilité pour les fonctions critiques».
L’économie se chiffre à 5,6 millions en matière de dotation de gestion (pour les ressources humaines, donc) et à 28,3 millions à réaliser à l’aide d’un «recentrage des missions», qui impliquera une rationalisation de certains dispositifs et une meilleure affectation des budgets.
Plusieurs taxes
En matière de fiscalité, donc de recettes, plusieurs mesures ont été annoncées. Il s’agit notamment d’une réforme du tarif des taxes sur les jeux et paris, avec un taux unique de 15% dès juillet 2026 et une exception pour les appareils automatiques de divertissement –les «machines à sous»– pour lesquels le taux sera fixé à 30%.
Le péage kilométrique des poids lourds fera l’objet d’un alignement sur les taux pratiqués en Flandre. Il passera donc de 0,130 à 0,135 euro/km, ce qui générera plus de 20 millions de rentrées à la Société de financement complémentaire des infrastructures (Sofico), en provenance majoritairement de transporteurs étrangers, précise le gouvernement wallon.
Les allocations familiales plutôt préservées
Les allocations familiales ont fait l’objet de pas mal d’attention et de craintes, en prélude du conclave budgétaire. Il apparaît qu’elles sont plutôt préservées, par rapport à différents scénarios ayant circulé.
La caisse d’allocations familiales Famiwal, tout d’abord, fera des économies de fonctionnement à hauteur de 1,3 million d’euros, ce qui ne concerne pas le mécanisme des allocations à proprement parler.
La véritable nouveauté, c’est que le droit aux allocations familiales des 18-25 ans sera conditionné, à l’avenir, au statut actif des bénéficiaires: ils devront être soit aux études, soit en formation, soit engagés dans un parcours d’insertion, sous peine de perdre le droit aux allocations. Un «pot de douze mois» sera introduit pour les 18-21 ans, sous forme de réserve disponible au terme des études ou de la formation.
Pour les familles monoparentales d’enfants nés à partir de 2020, le plafond pour accéder au supplément majoré sera relevé à 54.867 euros, ce qui représente une bonne nouvelle pour elles. Les suppléments pour les enfants en situation de handicap sont en outre réformés, de manière à éviter les doubles paiements.
L’ensemble des mesures portant sur les allocations familiales demeurent assez marginales, en termes d’impact budgétaire. Les économies se chiffrent à 0,4 million en 2026, pour évoluer progressivement vers 23,7 millions en 2029, précise Adrien Dolimont. Un groupe d’experts est chargé d’évaluer le modèle des allocations familiales et livrera ses recommandations dans un an au plus tard.
Quelques grandes réformes
Le gouvernement wallon, à côté des mesures d’économie, a annoncé ou confirmé le lancement ou la poursuite de certaines grandes réformes structurelles. Il s’agit par exemple de la fusion des quatre ports autonomes fluviaux wallons ou de la simplification de l’octroi de permis, en passant directement par la voie gouvernementale, pour accélérer certains grands projets de transition énergétique ou de redéploiement des territoires.
Une des principales réformes concerne la fonction publique, comme l’a rappelé la ministre compétente, Jacqueline Galant (MR). En particulier, le gouvernement a approuvé une norme de remplacement (un remplacement pour trois départs) qui permettra aux directions des services publics d’adapter leurs politiques de ressources humaines. «Personne ne sera licencié», a bien rappelé la ministre. Cette norme permet de resserrer les moyens alloués à la fonction publique à 736 millions d’euros en 2026, pour atteindre 731 millions en fin de législature.