Les réformes du gouvernement fédéral suscitent l’inquiétude des communes, contraintes d’absorber les effets de la réduction des allocations chômage. Malgré quelques aides promises, l’échelon local redoute une charge accrue pour ses CPAS et, in fine, pour ses propres finances.
Tic tac, tic tac. Cette réforme est une bombe à retardement, qui explosera désormais dans cinq mois. Le 1er janvier prochain entrera en vigueur la limitation dans le temps des allocations de chômage. Qui devrait avoir d’importantes conséquences sur les CPAS et, au bout du compte, sur les communes, qui ont l’obligation légale d’en pallier le déficit budgétaire.
A propos de la réforme à proprement parler, les avis divergent parmi les mandataires, en fonction de leur orientation politique. Mais sur ses conséquences locales, il existe un quasi-consensus pour prédire qu’elles seront assez faramineuses, avec des disparités en fonction des situations socioéconomiques et démographiques particulières. «Le problème est double: budgétaire et opérationnel», résume Julien Flagothier à l’UVCW.
Le volet opérationnel n’est guère difficile à comprendre. Une partie des «exclus» du chômage finiront par s’adresser à leur CPAS, dans des proportions nécessairement inconnues à ce stade. Les discours politiques sur la question reposent sur une répartition en trois tiers: un tiers trouvera de l’emploi, un tiers «disparaîtra des radars» et un tiers atterrira au CPAS. Mais ces projections, à l’analyse, risquent de se révéler assez hasardeuses.
Une tâche colossale
Les CPAS sont donc tenus de se réorganiser en profondeur et, accessoirement, de recruter, sachant que la profession d’assistant social se trouve sur les listes des métiers en pénurie des trois services régionaux de l’emploi.
«Les CPAS se voient confier la mission de travailler beaucoup plus à la réinsertion professionnelle, alors que leur premier job, c’est la réinsertion sociale.»
Sur le plan organisationnel, la tâche s’annonce plutôt colossale. «La réforme du chômage, la Fédération des CPAS de Wallonie l’a acceptée. Elle est conçue comme un incitant à mettre les gens au travail, ce à quoi je souscris. Mais les CPAS se voient confier la mission de travailler beaucoup plus à la réinsertion professionnelle, alors que leur premier job, c’est la réinsertion sociale», résume Dorothée Klein (Les Engagés), présidente de la fédération.
Quant aux communes bruxelloises, «la proportion des plus de 50 ans et de personnes au chômage depuis plus de deux ans y est plus élevée qu’ailleurs, ce qui complique encore la tâche, note William Verstappen, conseiller en finances locales chez Brulocalis. On oublie souvent les droits connexes, qui dépassent le seul revenu d’intégration sociale, par ailleurs: réductions pour l’électricité, l’eau, chèques culture, etc. Ce sont des montants de l’ordre de 800 euros par an, qui finiront aussi par retomber sur les CPAS.»
Le problème est donc budgétaire également. Le gouvernement fédéral, au terme des discussions de juillet, a revu à la hausse les compensations octroyées aux CPAS. Initialement fixées à 234 millions d’euros en 2026, elles se chiffreront finalement à 300 millions l’année prochaine et la suivante, puis 302 millions en 2028 et 342 millions en 2029.
Dans les CPAS, on redoute déjà que les montants soient insuffisants, malgré l’effort consenti par l’Arizona. «Ce à quoi on se raccroche, c’est qu’un monitoring est prévu. Il y a une possibilité de réajuster le tir», rassure Dorothée Klein.
A Bruxelles et en Wallonie
Chaque ville ou commune sera confrontée à sa réalité propre. En juin, la FGTB fournissait son analyse: les 100 communes les plus touchées seront toutes soit bruxelloises, soit wallonnes, selon le syndicat socialiste. En pourcentage de la population exclue du chômage, Saint-Josse, Molenbeek, Saint-Gilles, Liège et Bruxelles forment le quinté de tête. Par ailleurs, parmi les 250 communes les plus touchées figurent les 19 communes bruxelloises, 225 communes wallonnes et… six communes flamandes.
Différents calculs des coûts à charge des CPAS circulent. En juin, Belfius estimait à 190 millions d’euros annuels l’effet pour les pouvoirs locaux wallons, cette évaluation oscillant entre 135 et 203 millions en Flandre. Les données n’ont pas encore été publiées pour les communes bruxelloises.
Dans la foulée du 21 Juillet, la Fédération des CPAS de Wallonie a elle aussi livré ses projections. Sans trop entrer dans les détails sur la répartition des compensations du fédéral, on retiendra qu’elles seront attribuées un peu différemment selon trois grandes catégories de bénéficiaires: ceux qui seront exclus durant le premier semestre 2026, ceux qui entreront dans le système à partir de juillet 2026 et ceux qui s’y trouvent actuellement. A cela s’ajoutera un mécanisme de majoration pour chaque personne remise durablement à l’emploi.
Après compensations, la fédération estime que le seul paiement des revenus d’intégration représentera une charge supplémentaire de 438 millions d’euros sur la législature, pour l’ensemble des CPAS belges (selon un scénario optimiste). La compensation fédérale comblera les coûts en 2026, mais s’avérera de moins en moins suffisante au fil des années.