La majorité fédérale a présenté une réforme d’ampleur du statut des députés. Moins de pension, moins d’indemnités, plus de contrôle. Les cinq partis de la coalition Arizona entendent aligner les règles des élus sur celles des citoyens. Une décision politique forte, alors que les appels à la fin des privilèges n’ont jamais été aussi insistants.
La réforme se préparait depuis plusieurs semaines. Sous l’impulsion de la coalition Arizona, composée de la N-VA, du MR, des Engagés, de Vooruit et du CD&V, un texte sera présenté ce mercredi au Bureau de la Chambre. Il vise à redéfinir les conditions socio-économiques des députés fédéraux.
La majorité souhaite modifier en profondeur trois piliers du statut parlementaire. Sont ciblés le système de pension, l’indemnité de sortie et les rémunérations supplémentaires pour fonctions spéciales.
«Il existe un large consensus au sein de notre majorité Arizona. Ce que nous demandons à la population, nous devons l’appliquer à nous-mêmes. Aucun privilège pour les députés, affirme le chef de groupe N-VA Axel Ronse. J’espère que notre proposition pourra être approuvée à l’unanimité demain.»
Dans les autres groupes de la majorité, le discours est similaire. «Nous avons toujours prôné une uniformisation. Aligner le statut des parlementaires sur celui des fonctionnaires. L’accord d’aujourd’hui est important, car il confirme notre volonté de plafonner l’indexation des pensions tout en revoyant leur calcul, puisqu’il sera désormais basé sur les dix dernières années. Nous avions annoncé pendant la campagne que les dépenses publiques devaient être sous contrôle, c’est chose faite en ce qui concerne le Parlement», estime Benoît Piedboeuf, chef de groupe MR.
Pour plusieurs élus, il est devenu nécessaire de mettre un terme aux régimes spéciaux et de restaurer une forme de justice symbolique. «Nous voulons tourner la page des privilèges d’un autre temps. Les élus doivent être au service du bien commun, pas d’un système de privilèges. En réformant notre propre statut, nous envoyons un signal fort», insiste Aurore Tourneur, cheffe de groupe Les Engagés.
Des coupes franches dans les pensions et les indemnités
Le changement le plus structurant concerne le système de pension. Les députés fédéraux ne bénéficieront plus d’un régime distinct. A l’avenir, leurs droits seront calculés selon les règles applicables à la fonction publique. Le montant ne sera plus basé sur la dernière indemnité perçue, mais sur la moyenne des dix dernières années de carrière.
Dès 2027, une année de carrière supplémentaire devra être validée chaque année pour ouvrir le droit à la pension, à l’instar de ce qui s’applique au reste de la population. Le pécule de vacances sera drastiquement réduit, passant de 92% à 10% du salaire de référence.
L’indexation des pensions sera également revue. Pendant cinq ans, elle ne sera activée que trois mois après le franchissement de l’indice pivot, contre deux mois actuellement. Le plafond Wijninckx, qui fixe le montant maximal de pension dans la fonction publique, ne sera plus indexé. Il fera en outre l’objet de contrôles renforcés, les pensions perçues dans d’autres fonctions étant désormais incluses dans le calcul.
Deuxième pilier de la réforme, l’indemnité de départ versée aux députés non réélus. Aujourd’hui plafonnée à deux ans de traitement, elle sera désormais limitée à douze mois. Cette indemnité ne pourra plus être prise en compte dans le calcul des droits à la pension.
Enfin, les rémunérations spécifiques liées aux fonctions parlementaires spéciales seront soumises à la présence effective du député. Il ne s’agira plus de montants forfaitaires automatiques, mais de primes conditionnées à l’assiduité.
«Si nous demandons des efforts aux travailleurs, les responsables politiques doivent aussi se remettre en question. La politique fera sa part, sous la pression de Vooruit. C’est tout à fait juste. Chacun doit faire un effort, y compris le monde politique. C’est la seule façon de préserver notre pouvoir d’achat et de maintenir des soins de santé abordables pour tous », affirme Anja Vanrobaeys, députée Vooruit.
Un signal fort, mais encore partiel
A ces réformes s’ajoute une mesure plus symbolique. Dès jeudi, l’alcool sera interdit dans la cafétéria de la Chambre.
Mais la réforme n’efface pas l’ensemble des privilèges. L’indemnité forfaitaire de 2.500 euros nets par mois versée à chaque député pour ses frais de mandat reste inchangée. Elle n’est pas imposable et ne nécessite aucune justification.
Les cinq partis de la coalition souhaitent étendre l’effort aux autres assemblées du pays. Des consultations seront lancées dans les parlements régionaux et communautaires pour y adapter les règles. A Bruxelles, des propositions similaires circulent pour aligner les salaires des députés régionaux sur ceux de leurs homologues fédéraux. Le traitement des députés bruxellois est supérieur de 5%.
D’autres discussions portent sur les statuts avantageux du personnel parlementaire. Certaines pistes évoquent une réduction des écarts avec les traitements en vigueur dans le service public régional. Les libéraux et les socialistes, longtemps prudents, se disent désormais ouverts à ces débats. Ecolo plaide pour une comparaison détaillée entre les assemblées avant toute décision.
Le dossier reste sensible. Plusieurs groupes rappellent la nécessité de respecter les droits acquis et de procéder à une concertation approfondie. En attendant, la réforme Arizona marque une étape.