Le projet de loi de l’Arizona vise les employeurs qui ne s’acquittent pas d’obligations sociales, mais il s’appliquera finalement à n’importe quelle condamnation pénale. © Nicolas Messyasz

Infractions routières, fraude sociale… L’Arizona va (fortement) augmenter les amendes pénales

Sylvain Anciaux

L’Arizona augmentera les amendes pour les employeurs qui ne respectent pas certaines obligations sociales. Finalement, le texte s’appliquera à tous les volets d’infractions pénales. Un moyen de renflouer les caisses de l’Etat en misant sur les infractions pénales des citoyens ?

L’Arizona compte renflouer ses caisses sur le dos des fraudeurs. Cet été, le Service d’Information et de Recherche Sociale (Sirs) révélait que 35% des contrôles réalisés auprès des entreprises révélaient une fraude. Le ministre de la Lutte contre la fraude sociale, Rob Beenders (Vooruit), présentait ce mercredi matin un projet de loi visant à relever les amendes relatives à des infractions au Code pénal social. Sauf que le texte, tel que rédigé, ne vise pas seulement les fraudeurs sociaux, mais le Code pénal dans son entièreté… Et donc toutes les amendes prononcées par des cours et tribunaux. On parle donc d’infraction routières (graves), de violences envers les personnes ou encore d’escroqueries, par exemple.

Le mécanisme est un peu technique. Il s’agit ici de relever les décimes additionnels: un coefficient qui multiplie l’amende infligée par le juge. Le texte gonfle en réalité ces décimes de 70 à 90. En résumé, à 1.000% de l’amende infligée. S’ajoute à cela la notion du facteur aggravant (en cas de travail au noir ou d’emploi illégal) stipulant qu’une amende ne peut pas être inférieure à 50 du montant maximal légalement prescrit. En complément, le ministre Rob Beenders travaille sur un texte de loi qui fera perdre aux fraudeurs sociaux leurs avantages auprès de l’ONSS pour plusieurs mois.

Au départ, même l’opposition était d’accord

Au départ, il y avait un large consensus des partis de l’Arizona comme ceux de l’opposition puisque le texte est une résultante de mesures issues du gouvernement Vivaldi. Tout le monde, au sein de la commission des Affaires sociales, semblait se féliciter de la mesure jusqu’à ce que le député PTB Robin Tonniau soulève l’article 2 du texte, actant une modification s’étalant à l’ensemble du Code pénal. Selon le député marxiste, le texte devrait au minimum avoir l’aval de la commission Justice. Et le doute de gagner la commission, dont les rangs PS et Ecolo, avant de se donner rendez-vous la semaine prochaine pour une deuxième lecture demandée par le PTB.

Peu importe, puisque l’Arizona, elle, reste bien campée sur sa position. Wouter Raskin (N-VA) compare la fraude sociale à «un vol à l’Etat et ses citoyens […] dont ceux qui le commettent doivent en sentir les conséquences». David Clarinval (MR) appelle à «sanctionner davantage les abus de solidarité». Isabelle Hansez (Les Engagés) estime que «la fraude sociale mine la confiance des citoyens envers les institutions et pénalise ceux qui doivent vraiment bénéficier d’aides». Et, surtout, le ministre Beenders rappelle que la mesure est prévue dans l’accord de gouvernement de l’Arizona, tout en rappelant que les plus gros fraudeurs seront davantage sanctionnés que les autres grâce à la précision sur le facteur aggravant. Le socialiste flamand critique également le report en deuxième lecture mené par ses camarades du PS, du PTB et d’Ecolo. «Ils retardent délibérément la lutte contre la fraude sociale. C’est inacceptable.»

Les amendes pénales, l’enveloppe surprise pour le gouvernement

Damien Vandermeersch, professeur de droit pénal à l’UCLouvain, fut un temps à la tête de la commission chargée de réformer le nouveau Code pénal qui arrivera en avril 2026. L’expert voit dans cette augmentation une stratégie cachée de l’Arizona afin de faciliter la pénible mise en place d’un budget. «Initialement, les décimes additionnels sont une sorte d’indexation des amendes. Mais c’est devenu un outil pour faire rentrer plus d’argent dans les caisses de l’Etat.» De fait, les décimes additionnels n’avaient plus été augmentés depuis 2016.

Les infractions routières (pas toutes pénales, cependant, mais c’est le secteur qui «rapporte le plus» selon Damien Vandermeersch) ont rapporté 500 millions d’euros à l’Etat en 2024, une augmentation de 7% par rapport à 2023. Aujourd’hui, l’automobiliste qui est condamné à une amende de 100 euros par un juge devra en réalité payer 800 euros en raison des décimes additionnels. Une fois le texte en vigueur, le contrevenant devrait s’acquitter d’environ 1.000 euros.

«C’est une décision purement politique que l’on prend souvent lors de conclaves budgétaires compliqués, sourit Damien Vermeersch. C’est vrai qu’il n’y a pas eu d’augmentation des décimes depuis neuf ans, mais deux décimes, cela représente probablement plus que l’inflation depuis 2016.» Par ailleurs, afin de multiplier les inspections du travail, l’Arizona prévoit également le recrutement de 300 agents. Mais ça aussi, c’est suspendu à l’issue du conclave budgétaire. Réponse à Noël.

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