Bart De Wever va devoir convaincre Georges-Louis Bouchez de céder sur certains points. Et ce dernier devra faire comprendre à son électorat qu’il n’a rien lâché. © BELGA

50 jours pour sauver le gouvernement: voici les priorités de chaque parti dans les négociations

Sylvain Anciaux

L’Arizona a échoué à se mettre d’accord sur le budget pour le 6 novembre. L’exécutif a désormais jusqu’à Noël pour s’entendre. Passage en revue des priorités de chaque parti.

Par Sylvain Anciaux

Ce n’est pas encore la période des examens, pourtant l’Arizona doit déjà se plier à une session de rattrapage budgétaire pour 25 décembre. Au lendemain du deadline non respecté du 6 novembre, le gouvernement n’est pas mort, mais il doit survivre. Le roi, le Premier ministre, l’opposition, la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), tous ont appelé les ministres à dépasser les intérêts partisans et à faire preuve de responsabilité pour boucler ce budget et trouver, d’ici à la fin de la législature, les fameux dix milliards d’euros d’économies.

Sauf que ces intérêts partisans se traduisent souvent par des mesures politiques de premier plan pour les différentes formations. Il s’agit de mesures budgétaires que les partis de l’Arizona veulent «pousser» pour les 48 jours à venir (au moment de rédiger ces lignes), ou les échanger à haut taux. En voici les principales.

Le MR n’a pas peur du valet noir

Le MR, à qui beaucoup reprochent de refuser nombre de mesures et d’hériter ainsi du «valet noir» de cette crise politique, n’a pas donné suite aux sollicitations du Vif. A en croire ses récentes communications, le parti mise sur une réduction drastique des dépenses publiques sans pour autant alourdir la fiscalité.

Cette semaine, le MR a également amené sur la table l’idée de relégaliser les cigarettes à usage unique. L’idée a choqué, principalement dans le chef du vice-premier et ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit), mais c’est une façon pour les libéraux de «générer de nouvelles recettes fiscales via les accises», qui augmenteraient également sur le tabac. Par ailleurs, David Clarinval, ministre de l’Economie, propose de diminuer les accises sur l’alcool afin de redevenir «compétitif» face au voisin luxembourgeois. Le ministre libéral dit avoir une liste longue de 75 propositions budgétaires qui serait une alternative à une augmentation de la TVA.

Les Engagés se réservent le droit de changer d’avis

Chez Les Engagés, on réserve ses idées et revendications au comité ministériel restreint (kern) plutôt qu’à la presse. Le parti centriste avait revendiqué l’instauration de cotisations sur les jobs étudiants afin de réduire la concurrence entre ce régime de travail et le salariat, bien plus imposé. Le but de la manœuvre est également de permettre aux étudiants de travailler plus, mais de participer à la solidarité.

Alors que le président Yvan Verougstraete répète, comme Georges-Louis Bouchez, qu’il n’est pas favorable à de nouvelles taxes, le parti porte tout de même l’instauration d’une taxation de deux euros sur tous les colis de moins de 150 euros achetés en ligne. «Tant que la négociation n’est pas finie, chacun peut faire des propositions», botte encore le parti en touche. Par ailleurs, à l’occasion d’un débat en présence des négociateurs impliqués dans la crise bruxelloise, Yvan Verougstraete réintroduisait la probable nécessité de toucher à l’indexation pour faire face au mur budgétaire.

La N-VA veut augmenter les taxes et sauter un index

C’est un petit peu l’éléphant dans le salon des négociations budgétaires. L’augmentation de la TVA a crispé les discussions et braqué le MR, mais la N-VA retrouve désormais un peu de temps pour reformuler sa proposition et tenter de la faire adopter. Alors que Bart De Wever et son parti suggéraient d’augmenter à 9% la TVA sur des produits où cette taxe s’élève actuellement à 6%, ses partenaires gouvernementaux avaient mis le holà. En revanche, l’augmentation de 1% de TVA là où elle figure à 21% pourrait bien revenir sur la table.

Avec elle, l’adaptation de l’indexation des salaires n’a pas dit son dernier mot pour les nationalistes flamands. Une hausse de la TVA risque d’augmenter l’inflation, et donc l’indexation des salaires, et donc le poids du travail sur les entreprises. Pour éviter cela, le parti de Bart De Wever avait d’abord proposé un saut d’index avant de se faire rabrouer, à nouveau par ses partenaires de gouvernement. Une limite de l’indexation de certaines allocations ou des salaires des fonctionnaires pourrait cependant revenir dans les discussions.

Le CD&V veut fermer les échappatoires fiscaux et geler les subventions aux entreprises

Le CD&V conserve également sa volonté d’établir davantage de justice fiscale. «Il ne faut pas nécessairement inventer de nouveaux impôts, mais avant tout veiller à ce que les impôts existants soient payés de manière équitable», avance le parti. C’est pourquoi il compte toujours s’attaquer aux sociétés de management. Le CD&V veut le faire par deux moyens: d’une part, augmenter les contrôles sur les sociétés de management et les profils qu’elles abritent, et d’autre part, réduire les charges fiscales sur les employés.

Moins entendu dans le débat budgétaire jusqu’ici, le CD&V souhaite aussi instaurer une «norme Moesen» sur les subventions aux entreprises. Cette norme, développée par l’économiste flamand Wim Moesen, consiste à geler les dépenses publiques, en l’occurrence à destination des entreprises (publiques comme privées). Fin octobre, la Banque nationale révélait que 25 milliards d’euros publics nourrissaient chaque année les entreprises belges.

Vooruit veut réactiver les malades longue durée et taxer les millionnaires

C’est l’un des points les plus contestés des discussions par l’opposition et il est porté par le seul parti de gauche au gouvernement. Vooruit, au travers de son ministre Frank Vandenbroucke, entend faire économiser 1,8 milliard d’euros à l’Etat. Et l’un des points clés du plan consiste à faire payer les employeurs pour les six premiers mois d’indisponibilité (contre trois actuellement) des travailleurs malades à travers une contribution pouvant grimper jusqu’à 36% du salaire brut.

Un autre milliard d’euros pourrait être trouvé du côté de l’épargne et des actifs des millionnaires. Le refrain est connu, mais chez les négociateurs, on sait que «quand on pense s’être débarrassé de Vandenbroucke par la porte, il revient par la fenêtre». L’idée serait ici d’appliquer un taux de 0,3% d’impôt sur le patrimoine entre un et deux millions d’euros, et de 0,45% pour le patrimoine entre deux et trois millions. Au-dessus, l’indice culminerait à 0,6%.

Verdict d’ici au 25 décembre.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire