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Christie Morreale, cheffe de groupe PS au parlement de Wallonie, dénonce un grand flou budgétaire. © BELGA

Un trou de 15 milliards? Entre le PS et «les gouvernements des droites», la bataille des chiffres commence

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Les ingénieurs du PS se sont penchés sur les chiffres des ingénieurs des gouvernements fédéral, wallon et communautaire. Selon les socialistes, il faut s’attendre au pire, à savoir un trou de 15 milliards à la fin de la législature, pour les trois niveaux de pouvoir cumulés. Soit un déficit global de 43 milliards. Et encore, le PS a été sympa dans ses calculs, assure-t-il.

Le PS, depuis qu’il a été éjecté dans l’opposition –par son propre choix, par les autres partis mais aussi par les électeurs–, a souvent été désigné comme ce parti qui, longtemps aux affaires, a laissé la situation budgétaire se dégrader. Au fédéral comme en Région wallonne et en Communauté française. En Région bruxelloise aussi, bien sûr, mais il n’est pas certain du tout qu’il s’y retrouve dans l’opposition.

Il n’est donc pas étonnant que désormais, le budget de l’Arizona étant connu et les entités fédérées s’affairant à des ajustements budgétaires, le PS attaque les majorités en place sur le terrain des chiffres, précisément.

«On entend tous les jours le même récit, commente le président du PS Paul Magnette. La situation budgétaire est catastrophique est c’est de la faute des autres, donc de nous. Or, Les Engagés, ex-CDH, ex-PSC, est le parti qui a le plus gouverné et presque tous les ministres du Budget ont été des libéraux.»

Ils avaient promis d’assainir

Qu’il s’agisse de la majorité azur (MR-Les Engagés), en Wallonie, ou de l’Arizona (MR, Les Engagés, N-VA, Vooruit et CD&V) au fédéral,  une bonne part du message politique transmis ces derniers moins repose sur deux grands piliers interdépendants: l’accroissement du taux d’emploi et l’assainissement budgétaire à tous les étages.

C’est bien sur ce second pilier que le PS a décidé d’attaquer «les gouvernements des droites». Il n’aura échappé à personne que le parti frère néerlandophone, Vooruit, a intégré un des exécutifs et fait de facto partie de la cible. Comment les relations se passent-elles, au boulevard de l’Empereur? « Bon, je pense qu’ils n’ont pas vécu un 1er Mai facile», lâchait Paul Magnette en ce 2 mai, lors d’une conférence de presse organisée avec le chef de groupe au fédéral, Pierre-Yves Dermagne, et son homologue à la Région wallonne, Christie Morreale. Et puis les socialistes flamands peuvent toujours miser sur ce vieil argumentaire que le PS a lui-même éprouvé: zonder ons erger was geweest. Sans eux, cela aurait été pire.

En possession désormais des documents budgétaires des trois gouvernements (fédéral, wallon et communautaire), le PS a donc décidé de sortir sa calculette pour livrer ses propres projections. «Les vrais budgets des gouvernements des droites», affirment Magnette, Dermagne et Morreale, qui seraient profondément «injustes et irréalistes». Et encore, insistent les socialistes, ils se sont montrés magnanimes en présentant leurs hypothèses budgétaires dans leur fourchette la plus basse. Et en ne comptant pas les impacts supposément négatifs de certaines mesures politiques, qui ne sont pas encore quantifiables.

A quoi ressemble le tableau brossé par le PS? Commençons par le fédéral.

Là, explique le député Pierre-Yves Dermagne, la trajectoire budgétaire se dégrade. Evalué à une vingtaine de milliards d’euros par le comité de monitoring, le déficit de 2025 est réévalué à 25,5 milliards, soit 4% du PIB. A l’horizon 2029, «ils ne parlent plus d’un déficit de 3% mais de 3,7% du PIB. Eux-mêmes n’y croient plus.»

«Artifices budgétaires», selon le PS

A côté de cela, le Rochefortois dénonce ce qu’il appelle «des artifices budgétaires» qui rendraient les chiffres de l’Arizona «complètement irréalistes». Les fameux effets retour des politiques de mise à l’emploi, tout d’abord, qui sont doublés entre 2028 et 2029 sans explication. En comptant large, le PS estime que seule la moitié de ces effets rentrera dans les caisses, ce qui représente un trou de 4 milliards par rapport aux 8 milliards attendus.

Parmi d’autres exemples cités, ceux des nouvelles dépenses de l’Arizona (l’engagement de magistrats par exemple) qui ne sont pas indexées dans les tableaux budgétaires. Ou encore des économies sur les charges d’intérêts qui n’ont pas bougé, alors que le déficit se creuse plus que prévu.

Les socialistes pensent aussi que les différentes mesures socio-économiques (flexibilité, pensions, chômage, etc.) conduiront «au moins 100.000 personnes à devenir des malades de longue durée», ce qui coûtera un milliard à l’horizon 2029. Comment parvenir à ce chiffre? «Mécaniquement, en constatant les effets de mesures similaires par le passé», explique-t-on.

Surtout, certaines dépenses de défense ne sont pas financées, dénoncent les socialistes. En 2029, cela représente plus de 5 milliards d’euros. Ce montant, cumulé à la perte d’effets retour et à l’augmentation du nombre de malades de longue durée annoncée, représente un trou total de 8 milliards en fin de législature. Le déficit global sera alors, selon le PS, de l’ordre de 36 milliards d’euros, soit 5,2% du PIB. On serait loin des 3% promis.

Les critiques, formulées par la députée Christie Morreale, sont du même acabit concernant les prévisions budgétaires en Wallonie.

«Il n’y a aucune feuille de route, malgré nos demandes répétées. La trajectoire est intenable et irréaliste», martèle-t-elle. Ses remontrances porte notamment sur la triple réforme fiscale du gouvernement azur (droits de succession, droits d’enregistrement et taxe de mise en circulation) qui, en plus d’être injuste à ses yeux, grève le budget. Contrairement aux promesses d’assainissement budgétaire, le déficit s’aggrave de 77 millions d’euros dès 2025, pointe encore la socialiste.

Même rengaine à la Fédération Wallonie-Bruxelles: une aggravation du déficit de 110 millions, des politiques nouvelles coûteuses, une fin des nomination des enseignants qui coûterait un demi-milliard en rythme de croisière.

A cela s’ajouteraient de lourds reports de charges, à savoir les conséquences budgétaires de mesures prises au niveau fédéral sur les entités fédérées et les pouvoirs locaux. Ils sont de l’ordre de 1,4 milliard au total, selon les socialistes, dont 600 millions pour les entités francophones.

Un trou de 15 milliards, un déficit de 43 milliards

En bout de course, les ingénieurs socialistes, qui entendent donner une leçon de calcul aux ingénieurs libéraux et centristes, prévoient un trou budgétaire total de 15 milliards qui serait occasionné par «les gouvernements de droite». Ce chiffre s’obtient en additionnant les dépenses et réformes non financées (les dépenses de défense, par exemple), les effets retour surestimés, l’augmentation des malades de longue durée et les reports de charge.

Si les projections «pourtant sympas» du PS sont justes, les gouvernements Arizona et azur légueront un déficit global de l’ordre de 43 milliards en 2029, à savoir un solde de presque 28 milliards auquel s’ajouterait le fameux «trou budgétaire» de 15 milliards. Seul l’avenir dira qui du PS ou des gouvernements se rapproche le plus de la vérité, dans cette bataille des chiffres qui ne fait que commencer.

 

 

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