En Wallonie comme en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), MR et Engagés s’attachent à couper dans les subsides dits «facultatifs». Au grand dam d’associations qui pourraient devoir licencier, voire fermer.
Les «jambes coupées». C’est la sensation ressentie par les responsables de l’asbl Tous à pied, connue depuis plus de 20 ans pour défendre la voix des piétons en Wallonie, lorsque, mi-juin, ils ont appris au détour d’une question parlementaire que le gouvernement wallon entendait «couper dans les subsides dédiés à la préservation de chemins et sentiers et aux animations scolaires sur le thème de la biodiversité». «Le montant de 124.674 euros est revu à 55.000 euros pour cette année –même pas de quoi payer les préavis des travailleurs concernés», s’inquiétait l’asbl sur sa page Facebook… avant d’obtenir un financement supplémentaire, pour payer les préavis. Reste que, pour 2026, l’avenir s’annonce plus qu’incertain, suscitant une inquiétude généralisée dans le secteur.
«Si on revient un an en arrière, à la même période, on bénéficiait depuis trois ans d’un subside wallon dans le domaine de l’énergie; subside reconduit d’année en année, facultatif. On nous a annoncé qu’on ne l’obtiendrait plus en 2025», témoigne Stéphane (1), actif dans une asbl en lien avec l’éducation permanente et l’environnement, qui pointe lui aussi le flou dans lequel sa structure se retrouve sur le plan financier. «On avait déposé un autre dossier dans le cadre du plan de relance il y a un an, il a été mis en suspens, et on a passé l’année dans l’incertitude. On l’a eu, du fait sans doute que le précédent gouvernement s’était déjà engagé. De même, à l’automne 2024, on a connu une grosse incertitude pour un autre subside; un flou qui a perduré jusqu’à il y a un mois. Là aussi, on l’a eu. On a évité le pire, mais de peu. Maintenant, on appréhende la suite.»
«On est dans une phase où l’on survit grâce à des actions menées les années précédentes.»
Un discours rassurant…
Concrètement, le plan d’économies présenté pour la Wallonie en octobre 2024 se veut transparent: il s’agit de toucher aux «subsides facultatifs», pour un effort à concurrence de 60 millions d’euros pour l’année 2025 (sur un total de 268 millions d’économies). Dans la Déclaration de politique régionale (DPR), qui concerne également la FWB, l’attelage MR-Les Engagés s’était toutefois voulu apaisant, promettant une «analyse» censée favoriser «la bascule vers des financements quinquennaux pérennes […], offrant une perspective pluriannuelle claire et rassurante sur les moyens octroyés».
Sur le terrain, on déplore que ces bonnes intentions ne se traduisent pas, pour l’instant, en actes. Au sein de cette asbl wallonne active depuis plus de 20 ans dans le domaine de l’éducation scientifique et technologique et fort dépendante des subsides facultatifs, on explique avoir répondu «à un appel d’offres l’an dernier, cela demande beaucoup d’investissement en temps et nous n’avons reçu la réponse que des mois plus tard, après les élections. Ensuite, le nouveau gouvernement a voulu revoir les décisions pour ce marché, cela a ralenti le processus. Nous avons obtenu une réponse positive pour un des projets mais les montants demandés ont été rabotés. Puis plus rien, pendant des mois. Les premières tranches de certains des projets de cet appel n’ont pas été payées, obligeant les associations à financer sur fond propre le travail entamé depuis janvier, après quoi le hacking de l’administration wallonne (NDLR: en avril dernier) a encore ralenti le processus. Ce qui est difficile, c’est de vivre dans l’incertitude de notre survie tout en continuant à devoir répondre à des appels d’offres qui nous engagent avec obligation pour l’avenir. Comment assurer l’ensemble des formations si l’équipe est réduite de moitié?»
La FWB n’est pas en reste. «Les Engagés n’hésitent pas non plus à couper dans le facultatif sans se concerter avec les autres acteurs», tempête l’un de nos interlocuteurs, reconnaissant toutefois une certaine volonté de négociation de ce côté-là du spectre politique. «Peu après les élections, on avait été invité à discuter avec les sherpas Engagés et MR lors de leurs rencontres avec la société civile. Le MR n’avait pas caché vouloir réduire les moyens de l’associatif. Les Engagés, eux, ont dit soutenir les associations et proposé que les évaluations de différents financements, dont les facultatifs, se fassent en concertation.» Mais, plus généralement, cela semble se faire «loin des réalités de terrain».
En attendant une réforme du cadre de gouvernance des subventions facultatives, «mais aussi pour répondre aux demandes de subventionnement de plus en plus urgentes et pressantes des acteurs de terrain», le gouvernement de la FWB s’est autorisé à renouveler des subventions facultatives jugées récurrentes, moyennant la fixation d’un plafond et la réouverture, entre le 31 mars 2025 et le 27 juin 2025, de la plateforme SUBside.
Côté wallon, une mise à jour du cadastre des subventions facultatives en temps réel est désormais la norme. «L’objectif est d’améliorer la transparence, le suivi et la coordination des subventions facultatives», assure-t-on chez le ministre-président Adrien Dolimont (MR). En attendant la mise en place d’une plateforme commune qui pourrait être utilisée par l’ensemble des administrations wallonnes puisque, «actuellement, chaque administration utilise son propre système, et dans certains cas, la gestion se fait encore sur support papier», ajoute-t-on.
«On paie au lance-pierre au douzième provisoire… Et nous, on doit anticiper pour ne pas être dans la mouise.»»
La peur du lendemain
«Comme toutes les entreprises, nos associations ont besoin de pouvoir se projeter dans le prochain exercice budgétaire. Aujourd’hui, nous savons juste que le gouvernement entend retirer 65 millions (NDLR: 60 en Wallonie, cinq en FWB) de nos financements mais sans rien savoir des modalités», s’émouvait déjà, fin 2024, une série d’acteurs actifs dans l’éducation environnementale et l’économie sociale (Réseau IDée, Codef, Canopea, ConcertES), demandant à ce que «les subventions facultatives que le gouvernement envisage de réduire soient évaluées avec les acteurs, de manière objectivée, avec pour optique d’offrir au plus vite de la prévisibilité aux acteurs associatifs».
Six mois plus tard, on en est loin. En Wallonie, «tout le monde, ou presque, est pris de court», observe ce responsable d’une coupole en relation avec les différents cabinets concernés. «Les décisions traînent partout, chez tout le monde, hormis peut-être chez le ministre de la Santé Yves Coppieters (Les Engagés)», note-t-il, alertant également sur la situation catastrophique à Bruxelles, où l’absence de gouvernement n’aide pas. «A Bruxelles, tout est en stand-by. L’inspection des finances bloque presque tout. On paie au lance-pierre au douzième provisoire… Et nous, on doit anticiper pour ne pas être dans la mouise.»
(1) Prénom d’emprunt.