Débat politique du MR dans une école secondaire publique à Waremme, est-ce bien légal? «Personne n’a donné son accord.» © Getty Images

Conférence du MR dans une école secondaire provinciale, est-ce légal? «Personne n’a donné son accord»

Un débat avec pour seuls intervenants des libéraux dans l’école provinciale liégeoise de Waremme crée l’embarras. La question de la légalité se pose, alors que du côté de la Province, on se demande: «Qui diable a donné son aval?»

La commune liégeoise de Waremme, bastion historique du Parti socialiste qui a basculé du côté des libéraux aux dernières élections, va accueillir ce lundi 29 septembre une conférence du MR présidée par Georges-Louis Bouchez (MR) et Bernard Quintin (MR), ministre fédéral de la Sécurité et de l’Intérieur. A partir de 19 heures, les portes de l’école provinciale IPES Hesbaye s’ouvriront pour laisser place à un débat avec un unique parti sur les enjeux de sécurité. «Un choix loin d’être anodin, qui vise à conforter leur succès électoral inédit à Waremme. Il est trop tard pour l’annuler, mais à mon avis ce n’est pas très légal», estime une source proche du Collège provincial.

Se pose alors cette question: un établissement scolaire peut-il accueillir une conférence politisée d’une seule couleur? Pour Isabelle Blocry, secrétaire générale adjointe du Conseil de l’Enseignement des Communes et des Provinces (CECP), oui et non: «Le code de l’enseignement est clair là-dessus. Toute activité de propagande politique ainsi que toute activité commerciale est interdite. Le cas est particulier ici parce que le débat se tient après 19 heures. L’école n’est plus vraiment considérée comme telle, mais comme un bâtiment provincial que la Province peut utiliser sous certaines conditions. Cet événement politique est donc légal jusqu’à preuve du contraire

Pourtant, juridiquement, il n’existe pas de clause qui «déscolarise» les bâtiments scolaires après une certaine heure ou hors horaires. L’interdiction vise le lieu. Toute activité organisée dans l’enceinte d’un établissement scolaire relève du code, indépendamment de l’heure ou du fait que le propriétaire soit la Province.

Au sein de la Province, certains s’interrogent: «Qui diable a donné son aval? Personne n’a donné son accord! Il n’y a pas eu de décision au Collège. La demande de location d’une école publique doit être introduite au moins un mois à l’avance. Ce n’est pas le cas ici: il y a encore deux jours, l’événement devait se tenir au Collège Saint-Louis.» Le MR a justifié la délocalisation de l’événement par un manque de place en vue du succès des réservations. Selon une source proche du Collège provincial, la direction de Saint-Louis aurait surtout redouté une répétition des récents heurts à l’ULiège qui ont opposé des manifestants demandant l’annulation de la venue de Georges-Louis Bouchez et de la tenue d’un événement du MR au sein de l’université aux forces de l’ordre.

Des règles interprétables

Un événement politique dans un établissement scolaire public devient illégal s’il présente un caractère propagandiste ou publicitaire. Il est interdit de promouvoir l’événement au sein de l’école. C’est là que réside le flou. La propagande doit être démontrée, et n’inclut ni le bouche-à-oreille ni la diffusion sur les réseaux sociaux, qui assurent d’ailleurs le succès d’un tel rendez-vous aux places limitées. «Je ne connais pas la situation à l’Ipes de Waremme. S’il y a eu publicité ou non. Mais même si ce cas de figure était avéré, l’événement ne serait pas annulé. Pour qu’il le soit, il faudrait qu’une commission soit saisie, donne un avis défavorable à la ministre de la Fédération Wallonie-Bruxelles (Valérie Glatigny, MR), puis qu’elle-même avec le soutien du gouvernement décide d’interdire la tenue de l’événement sur ce lieu précis. C’est très rare. Et souvent les commissions se réunissent après les faits», explique Isabelle Blocry.

La pluralité des opinions constitue un autre critère de légalité. Le code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire est clair là-dessus: «Dans le cadre de ses missions d’enseignement, le pouvoir organisateur veille à ne pas manifester de préférence, de quelque manière que ce soit, pour une conviction politique, philosophique, idéologique ou religieuse particulière.» On ne trouve toutefois aucune trace d’un débat politisé organisé auparavant à l’Ipes de Waremme. Si l’événement est toutefois possible, c’est pour une raison bien précise, rappelle Isabelle Blocry: «Le code a pour but de protéger les élèves. Si ces derniers ne sont pas le public visé, alors c’est possible.» Selon la secrétaire générale adjointe du CECP, un parti politique pourrait donc en théorie faire autant de conférences qu’il le souhaite dans les locaux d’une école publique. A condition de bien choisir ses horaires et de respecter les conditions mentionnées plus haut.

La directrice de l’école provinciale de Waremme, Audrey Hofmann, aussi échevine de l’enseignement pour la commune liégeoise de Saint-Nicolas (PS) a les mains liées concernant la tenue de cet événement présidé par les grandes figures libérales: «Je n’ai rien à dire là-dessus. Je dois en référer à ma hiérarchie», dira-t-elle.

Du côté du Collège provincial liégeois et du cabinet de Katty Firquet (MR), la députée présidente en charge de l’enseignement secondaire, même réponse: «Nous ne communiquerons pas là-dessus.»

Le caractère légal, «jusqu’à preuve du contraire», de l’événement ne suffit pas à recueillir l’avis des personnes concernées.

L’invité de marque, le ministre de la Sécurité et de l’Intérieur Bernard Quintin, ne savait quant à lui pas qu’il commencerait sa soirée à Waremme. Encore moins dans une école publique: «Vous me l’apprenez. Je ne m’occupe pas du lieu de l’événement. Voyez avec le parti.»

Ecoles et politiques, une longue histoire?

La location de salles d’écoles publiques par des partis reste marginale. Dans le secondaire, la pratique documentée concerne surtout des débats pédagogiques pluralistes portés par les établissements avant scrutin électoral, avec plusieurs formations en classe et un cadrage par les enseignants. A Anvers, l’école Moretus-Ekeren a organisé un «kopstukkendebat» le 14 mars 2024 avec des représentants de tous les grands partis flamands. L’annonce figure sur le site de l’école et détaille thèmes et invités.

A Gand, le «Groot Debat 2024» a réuni 700 élèves issus de 23 écoles secondaires pour croiser questions d’ados et réponses de responsables politiques, un format co-organisé par la Ville et des partenaires culturels. La Ville en a publié le compte rendu accompagné des chiffres de participation.

En Fédération Wallonie-Bruxelles, des lycées ont aussi monté des rencontres pluralistes dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté. Le lycée Emile-Jacqmain à Bruxelles a accueilli le 24 mai 2024 un débat avec six candidats européens auquel assistaient des terminales, documenté par la presse. L’objectif déclaré était de sensibiliser les primo-votants, sans préférer une couleur politique.

Mais à l’inverse, les événements à parti unique dans l’enceinte d’écoles secondaires publiques laissent peu de traces vérifiables. En FWB, le cadre qui interdit «activité et propagande politiques» dans les écoles a découragé ces locations au profit de salles communales ou provinciales non scolaires, de centres culturels ou d’hôtels. En Flandre, la neutralité impose l’égalité d’accès et pousse les directions vers des tables rondes multi-partis qu’elles pilotent, plutôt qu’une location à un seul parti. Dans les deux communautés, les cas repérables et sourcés concernent donc des formats éducatifs et pluralistes organisés par l’école, et non des conférences partisanes.

Les universités, elles, relèvent d’un autre cadre. Autonomie académique, règlements internes, liberté d’organisation en dehors des cours. Les partis y tiennent des conférences sous conditions fixées par l’université.

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