Finances communales
Les finances communales des villes, dont Liège, sont à l’équilibre grâce au fameux plan Oxygène de la Région wallonne. © BELGA/BELPRESS

Finances communales: les grandes villes wallonnes se serrent la ceinture, ça se voit dans les chiffres

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Belfius a publié les résultats de son étude annuelle sur l’état des finances communales. Il apparaît assez nettement que les grandes villes comme Liège ou Charleroi, en difficulté financière, se serrent la ceinture. Cette réalité se traduit dans les données récoltées par la banque.

Des «budgets de transition», voilà une manière politiquement correcte de qualifier les budgets des communes wallonnes pour l’année 2025. Comme elle le fait chaque année, Belfius a compilé les données reprises dans les budgets de l’ensemble des entités wallonnes pour son étude sur l’état et les grands enjeux des finances locales.

Nouvelle mandature oblige, la plupart des budgets communaux, confectionnés en 2024 dans la foulée de l’installation des nouvelles équipes, ne laissent pas encore transparaître les impulsions politiques que les majorités mettront en œuvre durant la mandature, ni les conséquences des réformes menées à d’autres niveaux de pouvoir. Les communes connaissant des difficultés financières et placées sous plan Oxygène, elles, ont bouclé leurs budgets plus tardivement. Ce programme leur permet de contracter des emprunts pour atteindre l’équilibre, moyennant un plan de gestion ou un plan d’accompagnement visant à assainir leur situation. C’est en particulier le cas des grandes villes qui, pour le coup, fournissent des budgets qu’on qualifiera de «serrage de ceinture» plutôt que «de transition».

Pour le formuler autrement, les efforts conséquents demandés aux grandes villes wallonnes se répercutent quasi mécaniquement dans les données collectées par Belfius. On ne peut pas affirmer que ces grosses entités n’ont rien mis en place, du moins dans leurs budgets, qui constituent des prévisions nécessairement estimatives. Il est ici question des budgets ordinaires, qui portent sur les dépenses et les recettes récurrentes réalisées par les communes dans le cadre de leur fonctionnement (à l’exclusion des investissements, qui sont ponctuels).

Finances communales: le gros effort

«On observe un net ralentissement de la progression des dépenses ordinaires et cela contraste avec ce qui s’est passé durant la mandature précédente», relève Arnaud Dessoy, responsable des études sur les finances locales chez Belfius. Pour la totalité des communes wallonnes, les dépenses ne progressent que de 1% dans les budgets de 2025 par rapport à ceux de 2024 (1,8% si l’on soustrait les prélèvements réalisés pour certaines provisions réalisées dans le cadre du plan Oxygène principalement).

Cela contraste avec la tendance observée au cours de la mandature 2019-2024, le taux de croissance annuel des dépenses ordinaires ayant en moyenne été de 7,1%. Cela s’explique notamment par l’explosion des coûts de fonctionnement, ces dernières années, due à la poussée inflationniste et l’augmentation sensible du coût de l’énergie.

Les indexations successives avaient aussi fait grimper les dépenses de personnel (+12,6% en 2023), qui sont ramenées à 2% de progression entre l’année dernière et celle-ci. Les dépenses de transfert, c’est-à-dire celles consacrées à d’autres entités locales, évoluent également moins que durant les années précédentes. Pour information, selon les données de Belfius sur ces dépenses de transfert, chaque habitant wallon dépense en moyenne 212 euros par an pour son CPAS, 118 euros pour sa zone de police et 42 euros pour sa zone de secours.

Arnaud Dessoy a par ailleurs isolé, dans le calcul des dépenses ordinaires, les données relatives aux grandes villes. Ce «cluster» comprend les villes de plus de 50.000 habitants (Charleroi, Liège, Namur, Mons, La Louvière, Tournai, Seraing, Mouscron et Verviers) et Herstal.

Rappelons que les grandes villes font en général partie des entités connaissant les plus grandes difficultés financières, notamment parce qu’elles cumulent les contraintes liées à leur effet de centralité: base fiscale plus faible, dépenses de sécurité, dépenses de pensions, aide sociale, etc.

Fin 2024, de surcroît, les banques (dont Belfius) ne se disaient plus en mesure de financer les prêts à destination de trois grandes villes wallonnes, dans le cadre du plan Oxygène: Charleroi, Liège et Mons. En décembre, le gouvernement régional annonçait avoir trouvé une solution pour les trois entités urbaines exclues du système bancaire, à savoir un prêt de 235 millions d’euros à travers le Crac (le Centre d’aide aux communes). Le tout moyennant un plan d’économies assez drastique.

C’est ainsi que les budgets de ces trois villes ont tour à tour été confectionnés, occasionnant au passage quelques crispations face à la diète imposée. Liège, par exemple, a réduit ses subsides et resserré les boulons un peu partout, de manière à dénicher les 74 millions indispensables à l’équilibre budgétaire. Quelques augmentations ou indexations de taxes ont également été décidées à Charleroi, l’autre métropole wallonne en grande difficulté financière.

Dans les données de l’étude sur les finances communales, les chiffres «isolés» des grandes villes wallonnes, comparés à la moyenne générale, laissent indiscutablement apparaître cette cure d’amaigrissement. C’est, l’air de rien, un renversement de vapeur assez spectaculaire, au regard de l’historique des finances communales.

© Belfius

Leurs dépenses ordinaires cumulées ne s’inscrivent même pas dans le mouvement de ralentissement de la progression observé sur l’ensemble de la Wallonie: elles diminuent de 2,2% (de 0,9% si on fait abstraction des provisions pour risques et charges). A titre d’exemple, si les dépenses de personnel augmentent de 2% sur la totalité des communes wallonnes, elles diminuent de 2,1% si on ne tient compte que de cette dizaine de plus grandes villes.

L’étude de Belfius indique par ailleurs que les recettes prévues aux budgets 2025 connaissent elles aussi un ralentissement par rapport à la réalité de la mandature précédente, mais le phénomène est moins marqué que pour les dépenses. Elles progressent de 2,8% dans l’ensemble des communes, mais de 2,5% dans le cluster des villes. En faisant abstraction des aides apportées par le plan Oxygène, par contre, les recettes des villes sont en diminution de 2,5%.

© Belfius

Cela contribue à démontrer que les aides apportées dans le cadre du plan Oxygène de la Région demeurent une bouffée indispensable à l’équilibre budgétaire. Sans ces aides, le solde de l’ensemble des communes sur l’année 2025 présenterait un déficit de 397 millions d’euros (cela correspond à 5,5% des recettes ordinaires). C’est beaucoup, mais c’est 70 millions de moins que dans les budgets de 2024.

Sans surprise, les moyennes et grandes villes de Wallonie sont les plus concernées. Leur solde pour l’exercice 2025 est nettement plus en déficit que dans d’autres catégories de communes (la moyenne wallonne est de 107,8 euros par habitant). Ce qu’on appelle les prélèvement fonctionnels (dont les aides du plan Oxygène) permettent d’atteindre un équilibre, en apparence du moins.

© Belfius

Il est important de rappeler qu’il s’agit bien de budgets, donc de prévisions, qui sont à l’accoutumée confectionnés de manière prudente par les communes, c’est-à-dire selon un scénario qui n’est pas catastrophiste, mais plutôt pessimiste. En bout de course, les comptes annuels (les dépenses et recettes effectivement réalisées) dépeignent souvent une situation moins problématique que ce que laissent entrevoir les budgets.

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