Le PS est déchaîné contre le budget de l’Arizona. Un document secret, présenté au bureau et révélé par Le Vif, montre comment les socialistes veulent profiter de l’austérité à la sauce De Wever
Ce lundi 1er décembre, le bureau du Parti socialiste était évidemment consacré en grande partie à la trajectoire budgétaire pluriannuelle de l’Arizona. Depuis l’accord noué par le gouvernement fédéral, les socialistes se déchaînent. La présentation du chef de groupe PS à la Chambre, Pierre-Yves Dermagne avait vocation à canaliser ce déchaînement. Les éléments de langage que devront assimiler et propager tous les socialistes lorsqu’il sera question du fédéral contiennent à la fois des slogans, une critique, et des propositions, parce que rien n’énerve plus les camarades de Paul Magnette que l’accusation de ne pas être constructifs.
Grand classique de l’opposition, pourtant, l’accusation de budget «bidouillé» figure en tête de la première page de la présentation secrète de Pierre-Yves Dermagne, que Le Vif s’est procurée. «Ils ont promis l’assainissement, on assiste à un dérapage total!», y est–il écrit. Et, a dit Pierre-Yves Dermagne, si ce «budget est bidouillé», c’est en raison des huit milliards d’effets retours, «farfelus», des économies annoncées d’1,9 milliard sur les malades de longue durée, «totalement irréaliste», de la même somme reportée sur les régions, les communautés et les communes, ainsi que de l’absence de prise en compte de l’impact de la réforme des pensions sur les autres branches de la Sécurité sociale, et des conséquences de la baisse de pouvoir d’achat sur les recettes sociales et fiscales. L’effet de ces mauvais calculs, selon le PS, est de «dix milliards d’euros de recettes en moins». Et « En attendant, les travailleurs subiront une pluie de nouvelles taxes, le blocage de leur salaire, deux sauts d’index…», a philosophé le Rochefortois.
Le chef de groupe PS dénonce également «la pluie de nouvelles taxes» issues de l’accord budgétaire. « Avec l’Arizona, on paie une nouvelle taxe toutes les deux heures», devront dire les socialistes, alors que ces hausses de TVA et d’accises s’ajoutent aux hausses de frais et de taxes décidées par la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région wallonne.
La dénonciation des deux sauts d’index partiels feront dire aux socialistes, désormais, que «quand le PS n’est pas au gouvernement, l’indexation est attaquée». Et quatre exemples chiffrés sont mis, par Pierre-Yves Dermagne, à disposition des propagandistes du boulevard de l’Empereur. Dont cet «ingénieur de 45 ans avec un salaire de 6.000 euros brut / 3.440 euros net perdra 22.977 euros bruts/ 12.500 euros net sur le reste de sa carrière» et ce «pompier jeune pensionné avec 3.500 euros brut / 2.460 euros net perdra 17.000 euros brut/ 11.500 euros net durant sa pension».
Autre slogan fort apprécié de Pierre-Yves Dermagne, l’Arizona serait «forts avec les faibles, faibles avec les forts», puisqu’un travailleur qui « gagne 4.000 euros par mois est riche et ne doit plus être indexé … Par contre, quelqu’un qui gagne plus de 25.000 euros par mois doit être aidé en diminuant les cotisations sociales», et que «les multinationales doivent payer 800 millions d’euros en moins tandis que les PME et les travailleurs indépendants doivent subir l’augmentation des taxes».
Estimant que «l’économie tourne au ralenti, l’ancien ministre du Travail signale, en passant, que «l’objectif du taux d’emploi à 80% est abandonné».
Le «Terug naar werk» de Frank Vandenbroucke devra être présenté comme suit par ses camarades francophones: «Ils disent vouloir remettre 100.000 malades de longue durée au travail. En réalité, ils veulent exclure ces 100.000 personnes de l’assurance-maladie». En outre, poursuit la présentation faite aux cadres socialistes, «aucune étude sérieuse ne montre qu’il y aurait 100.000 ‘faux malades’. Nous sommes contre la fraude sociale aux indemnités et POUR le retour au travail mais la vision du gouvernement est purement comptable. Il faut économiser deux milliards d’euros dans le budget INAMI sans un euro supplémentaire pour la prévention et la réinsertion. Une immense majorité des personnes qui seront exclues seront renvoyées par le chômage et le RIS».
Et sur la sécurité, une autre thématique dont les élus PS, ce vieux parti de municipalistes, «aucune amélioration» n’est relevée par Pierre-Yves Dermagne. Le budget ne prévoit rien pour lutter contre les fusillades et le narcotrafic, aucun renforcement des effectifs policiers, aucune stratégie pour mieux contrôler le port d’Anvers, et aucune stratégie contre les survols de drones».

Voila, donc, pour le long chapitre des critiques que devront adresser les socialistes à l’Arizona, dont les politiques, répèteront-ils encore et encore, sont à la fois «injustes» et «inefficaces».
Le caractère constructif de l’opposition du PS au gouvernement de Bart De Wever est censé ressortir de ce que la formation de Paul Magnette propose, à savoir, une augmentation des salaires de 1% par an, en plus de l’inflation. C’est «bon pour l’économie», l’exemple espagnol est mis là en avant, et également pour les comptes de l’Etat, puisqu’«augmenter les salaires de 1% par an permet de générer des recettes sociales et fiscales d’un milliard d’euros en 2026, deux milliards en 2027, trois milliards en 2028 et quatre milliards en 2029».
Ce «cercle vertueux», qui alimente la consommation des ménages, donc la croissance, donc l’emploi, donc les finances publiques, sera renforcé par la réforme fiscale que promeut le PS. «En parallèle, nous souhaitons introduire un crédit d’impôt qui augmente les bas et moyens salaires. Ca permettra d’augmenter les revenus de 70% des travailleurs et soutenir la croissance. En faisant contribuer les grandes fortunes.»
C’est ainsi, sur un très beau dessin de ce cercle vertueux, que s’est terminée la présentation de Pierre-Yves Dermagne vouée à faire profiter le Parti socialiste des politiques économiques décidées pour la Belgique par le gouvernement auquel il s’oppose dans tous les sens, mais surtout dans celui édicté ce lundi 1er décembre par un chef de groupe en colère.
