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Politique : en 2019, tout le monde est parti

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

En une année, marquée par des élections générales, toutes les présidences des partis francophones, PTB excepté, ont changé. Charles Michel, Didier Reynders, Elio Di Rupo, Laurette Onkelinx, Benoît Lutgen, Joëlle Milquet et Zakia Khattabi, notamment, ont quitté l’avant-scène politique nationale.

C’était il y a un an, à la fin de 2018, et on se serait cru au moment d’écrire une rétrospective de l’année 2017, ou 2016, ou 2015, ou 2014, ou même des années avant, depuis toujours et pour toujours. A la fin de 2018, en effet, une digue d’éternité semblait continuer d’enserrer la politique francophone : Elio Di Rupo disait qu’il en avait encore pour dix ans, Charles Michel était là pour toujours, d’ailleurs Olivier Maingain avait bien connu son père, comme celui de Benoît Lutgen qui se réjouissait du retour de Joëlle Milquet, et Didier Reynders aussi, qui n’était toujours pas parvenu à partir mais qui le voulait, comme Laurette Onkelinx semblait-il, et tous se de- mandaient ce que Zakia Khattabi allait faire d’Ecolo, dont elle avait l’air d’avoir pris les commandes pour longtemps.

Douze mois plus tard, la mer s’est retirée et a emporté avec elle ces puissants cétacés. Elio Di Rupo a quitté, après vingt ans, ses bureaux du boulevard de l’Empereur, à Bruxelles, pour s’installer paisiblement à l’Elysette, à Namur. Charles Michel préside le Conseil européen. Olivier Maingain s’est replié sur sa commune de Woluwe-Saint-Lambert, Benoît Lutgen se distrait au Parlement européen, Joëlle Milquet n’est plus là du tout, Didier Reynders est à la Commission européenne, et Laurette Onkelinx sur une chaîne d’information en continu le vendredi soir. Quant à Zakia Khattabi, elle s’est fait désigner juge à la Cour constitutionnelle. Jamais en temps de paix la politique francophone n’avait connu de tels bouleversements. Des bouleversements qui ne doivent que peu de choses aux résultats électoraux d’un énorme scrutin : même Charles Michel et Elio Di Rupo, dont les partis sont les grands perdants du 26 mai, se seraient de toute façon éloignés. Le premier parce qu’après avoir été Premier presque cinq ans, ça s’était mal passé et il ne pouvait pas rester, le second parce qu’après avoir été Premier, il était resté président cinq ans, ça s’était mal passé et il ne pouvait plus rester. Miné par le Kazakhgate, Armand De Decker, ancien ministre et président du Sénat, est décédé quant à lui le 12 juin. Laurette Onkelinx, qui avait annoncé un départ non suivi d’effets dès 2017, et Joëlle Milquet, qui n’était plus ministre mais était encore députée bruxelloise et toujours inculpée et qui avait voulu se présenter aux législatives mais qui y avait vite renoncé, avaient éludé la question électorale pour la première fois depuis des décennies. C’était dit, donc. En 2019, la politique francophone aurait changé de visage.

Le pouvoir a-t-il changé de mains ?

Sont arrivés ou enfin parvenus à la présidence de leur parti Georges-Louis Bouchez au MR, Rajae Maouane chez Ecolo, Paul Magnette au PS, Maxime Prévot au CDH, et François De Smet chez DéFI. Mais si le pouvoir a changé de visage, a-t-il pour autant changé de genre ? Des lionceaux ont succédé aux vieux rois de la jungle, mais peu de lionnes sont en position de contester leur autorité naissante. Et ce pouvoir a-t-il, au fond, pour autant changé de mains ? L’époque, en Europe, est au dégagisme. Mais la Belgique francophone a surtout ici eu à encaisser une manière de transition démographique animée : c’est une autre adaptation du Roi Lion en 2019, l’histoire de la vie politique, le cycle éternel. Pas de meurtre shakespearien ni de dauphin laissé à lui-même.Les transitions présidentielles se sont gérées avec l’accord toujours, et avec l’appui souvent, des sortants même si, au Parti socialiste, les relations entre Elio Di Rupo et Paul Magnette s’étaient singulièrement tendues. Les anciens qui le veulent, et on pense là surtout à Charles Michel, dont le départ a été précédé de méticuleux arbitrages internes, pèseront donc encore toujours au moins un peu, et personne dans les héritiers n’a encore, en cette année 2019 d’une émergence encore un peu trop fraîche, osé refuser ou contester l’héritage de son testateur.

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