Bernard Quintin corruption PJF
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Corruption au sein de la PJF: les données «ni exportables ni exploitables», juge Bernard Quintin

En commission de l’Intérieur, Bernard Quintin n’a pas dissipé le flou entourant l’enquête «Corespo» sur les risques de corruption à la PJF, jugée «incomplète» par la hiérarchie policière. Les députés réclament le rapport après des fuites, tandis qu’un audit et une nouvelle enquête «indépendante» sont annoncés.

Le débat d’actualité avec le ministre de l’Intérieur Bernard Quintin, au sujet de la fameuse enquête «Corespo» (pour Corporate Responsibility of Police) consacrée aux risques de corruption au sein de la police judiciaire fédérale (PJF), n’a pas réellement apporté de clarté sur les raisons pour lesquelles les hauts responsables de la police l’ont cataloguée comme étant incomplète et non valide. Les élus de la commission de l’Intérieur de la Chambre attendent donc des suites, et en premier lieu de recevoir le rapport (ou «projet de rapport») dont les constats, interpellants, avaient fuité la semaine dernière dans la presse.

«Selon la police fédérale, à l’heure actuelle, les conclusions de ce rapport ne sont ni exportables ni exploitables», a répété le ministre libéral. «Exportables» signifierait qu’à partir des données brutes collectées via le questionnaire en ligne, une interprétation est possible «qui permet de dégager des tendances et des résultats concrets». Tandis que par exploitables, «on entend la traduction de ces résultats au travers d’un plan d’action», comme cela a été le cas à la suite d’une autre enquête Corespo, davantage liée à l’ambiance de travail et au respect entre collègues, a-t-il précisé.

«Le mystère demeure. Qu’est-ce qui a manqué, pour que les données ne soient ni exploitables ni exportables?», s’est interrogé François De Smet (DéFI), qui n’aura pas dans l’immédiat de réponse à sa question.

Le ministre Bernard Quintin a toutefois tenu à remettre en contexte certains chiffres. Sur les «4.500 membres environ du personnel de la direction générale judiciaire, 3.670 ont été consultés et un peu plus de 1.200 ont répondu à l’enquête complète, soit un tiers». Dans ce groupe, «environ 30% ont constaté au cours de l’ensemble de sa carrière des comportements à risque en matière de corruption». On parle bien de «toute la carrière», a insisté le ministre, ce qui englobe donc l’éventuelle expérience des agents dans une autre section de la police.

Un audit et une enquête «indépendante»

La police va rapidement lancer un audit sur la méthodologie, qui pose selon elle problème. Les résultats sont attendus début 2026. En parallèle, le ministre a indiqué avoir donné instruction au commissaire général, Eric Snoeck, de lancer également une enquête «indépendante, exhaustive et scientifique pour déceler les risques systémiques liés à la corruption» au sein de la police judiciaire fédérale. L’objectif est bien d’identifier des problèmes systémiques, «pas de mener une enquête sur des cas spécifiques de corruption. Cela appartient aux structures disciplinaires et judiciaires», insiste le ministre

Plusieurs élus de l’opposition se sont particulièrement inquiétés d’un élément qui ressort des conclusions fuitées dans la presse: le fait qu’un grand nombre de policiers estiment qu’il n’y a pas de suivi adéquat des signalements de comportements problématiques de collègues.

Faiblesses de méthodologie

L’enquête interne Corespo fait suite au démantèlement du réseau crypté Sky ECC en 2021, qui avait mis en lumière des tentatives d’influence criminelle jusque dans les services publics, explique la police fédérale. Elle a alors intensifié ses efforts pour identifier et neutraliser « toute forme de corruption, de toute nature et à tous les niveaux ». Dans ce cadre, une enquête sous forme de sondage a donc été lancée en 2023 au sein de la PJF pour analyser les risques organisationnels auxquels peuvent être confrontés les membres du personnel.

Le rapport qui en a découlé est toutefois provisoire et ne peut être utilisé en l’état, car la méthodologie utilisée présente des faiblesses majeures, pointe la police fédérale, attachée à la préservation de l’intégrité de ses services. A ses yeux, il «manque de représentativité, de rigueur scientifique et statistique». Lorsqu’on parle d’un agent sur trois (33%), il s’agit d’un tiers des répondants, donc moins de 10% de la PJF, illustre-t-elle. S’ajoutent des questions basées sur des perceptions et non sur des faits et le document mélange des thèmes hors sujet et des cas individuels conduisant à des généralisations, énumère la police.

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