Plan Vélo : « Il était temps que le fédéral mette de l’ordre dans la politique vélo » (entretien)

Charly Pohu Journaliste

Le gouvernement fédéral a annoncé vendredi le lancement d’un plan pour la promotion du vélo, Be Cyclist. Le plan est axé autour de 52 points, répartis sur les axes de la facilité, la sécurité, et autres incitants. Pour le GRACQ, association de cyclistes, le plan répond à d’importantes questions de coordination entre les autorités, où jusque-là les initiatives étaient bloquées. L’utilisation du vélo est en plein essor, mais pour le GRACQ de nombreuses choses restent à faire. Eléments de réponse avec son porte parole Luc Goffinet.

La généralisation des indemnités pour les employés qui se rendent au travail en vélo, un registre central pour les vols de vélos, des cycloroutes le long du rail et une meilleure multi-modalité avec le train : le gouvernement promet beaucoup pour pousser les citoyens à davantage monter sur leur bicyclette. Avec pour argument de réduire les bouchons (qui coûtent 2,3 milliards d’euros par an, selon le Bureau du Plan), réduire les gaz à effet de serre et pousser les Belges à faire de l’exercice en même temps.

Le Groupe de recherche et d’action des cyclistes quotidiens (GRACQ) « représente les usagers cyclistes en Belgique francophone et défend leurs intérêts. Association sans appartenance politique et sans but lucratif, le GRACQ est aussi et surtout une association citoyenne, composée à 99% de bénévoles. » Le porte-parole et responsable pour les questions relatives à la Wallonie et le fédéral répond à nos questions

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Comment le GRACQ accueille-t-il le plan annoncé par le gouvernement?

Luc Goffinet : Nous sommes contents, il est temps que le gouvernement mette enfin de l’ordre dans sa politique vélo. Les initiatives isolées sont très fréquentes, par exemple la modification d’un article du Code de la route, ou la création d’une indemnité qui n’est pas générale mais laissée à la libre appréciation des entreprises. Il existe de nombreuses petites initiatives qui ne sont pas très efficaces. Il était temps de mettre de l’ordre et d’avoir une vision d’ensemble. Le fédéral a un rôle àjouer en matière de mobilité en Belgique. Cette faculté est souvent laissée aux communes et aux régions, qui ont les leviers de l’infrastructure. On leur laisse le soin de faire des plans vélo. C’est clair que cela a des limites: s’il faut de l’intermodalité train-vélo, la commune ou la région ne sait pas faire grand chose. Pour les vols de vélo c’est la même chose: si on vole un vélo à Bruxelles, il est très vite dans une autre région du pays, donc même si Bruxelles met en place des actions pour enregistrer les vélos ce n’est pas efficace.

Un aspect qui est souvent pointé du doigt est la sécurité routière. Pensez-vous que le plan est assez ambitieux à ce niveau-là?

Il n’y a pas d’objectif chiffré dans le plan. C’est une volonté de faire mieux. Pour la sécurité routière, ce sont les régions et les communes qui ont les leviers principaux, qui ont leur propres politiques de sécurité routière et limitations de vitesse, de poursuite ou non des infractions. Le fédéral a des compétences comme le Code de la route. Il peut faire des campagnes nationales mais il y en a de moins en moins, maintenant ce sont plus les communautés et les régions qui s’en occupent.

Les meilleures possibilites de pistes cyclables sont le long des rails : c’est le plus direct et le moins pentu.

Le plan annonce des cycloroutes le long des rails. Ce n’est pas la SNCB qui va les construire, mais elle doit mettre à disposition ses terrains, pour qu’on puisse faire des aménagements. Et ce n’est pas facile d’obtenir des terrains. On s’est battu pour avoir de la place sur le RER entre Ottignies et Bruxelles, mais il n’y en a plus. Tout ce qui a été décidé était uniquement pour les rails du train. Infrabel et la SNCB doivent alors vraiment collaborer activement à la création des pistes, avec les régions qui ont envie de faire quelque chose. Elles ne peuvent rien faire sur les terrains de la SNCB qui appartient uniquement au rail, qui est fédéral. Donc le fédéral, dans ses compétences, peut débloquer des situations, où les régions et communes peuvent être paralysées, par ce qu’il y a souvent un blocage de principe de la part d’Infrabel de laisser de l’espace pour une piste le long des rails. Or c’est souvent le meilleur chemin, le plus direct, le moins pentu.

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En général, est-ce que vous constatez une augmentation de l’utilisation du vélo? Notamment via des chiffres comme ceux des bornes?

Oui, on le constate là où il y a des comptages. A Bruxelles c’est clair, mais il y a une politique avec des compteurs automatiques. En Wallonie on n’est pas capable de quantifier cela, il n’y a pas beaucoup de mesures. En Flandre par contre il y a plus de mesure et on constate que l’usage du vélo continue effectivement à se développer. Mais c’est difficile à quantifier. Pendant le confinement certaines personnes se sont mises au vélo, mais plutôt pour des loisirs. Il faudrait isoler la part « déplacements », mais on n’a pas d’observatoire national pour cela. Et justement un des objectifs du plan est d’avoir des statistiques un peu plus fiables. On est fort dans le brouillard au niveau des parts en Wallonie. A Bruxelles a son observatoire du vélo, et la région flamande dispose de plusieurs outils, comme des compteurs automatiques, ou des boîtiers qui comptent les vélos au niveau des fenêtres des particuliers. Ces outils n’existent pas du côté wallon.

Au niveau des infrastructures routières, comme les pistes cyclables, constatez-vous aussi ces différences d’une région à l’autre?

En Wallonie, on commence à s’intéresser aux autoroutes cyclables, c’est bon signe. L’idée de faire des longues distances à vélo, par exemple pour aller travailler,fait son chemin, mais on est encore au stade des études. Il y a encore énormément de retard. Le génie civil ne se fait pas comme ça en six mois. Le gouvernement wallon a prévu des moyens, les chantiers se multiplient, mais ils ne peuvent pas sortir de terre en quelques mois.

Plan Vélo :
© BELGAIMAGE

Constatez-vous parallèlement à l’augmentation des déplacements à vélo, une augmentation des confrontations entre les différents usagers de la route, entre automobilistes et cyclistes, ou entre cyclistes et piétons?

Dans les deux cas cela peut avoir un impact. En Wallonie on fait beaucoup d’infrastructure cyclo-piétonne, on mélange les piétons et les vélos pour des raisons d’économie, de facilité et de paresse intellectuelle. On considère que les deux sont des modes actifs et on fait une seule infrastructure. Cela crée des conflits, car les vélos vont trois fois plus vite qu’un piéton. C’est gênant pour les piétons de ne pas voir les vélos arriver, de ne pas les entendre, notamment pour les personnes âgées. Et de l’autre côté, c’est gênant pour les vélos de devoir mettre pied à terre tout le temps. Au niveau des automobilistes, il y a des endroits où il faut cohabiter, et ce n’est pas simple non plus. Le vélo est un mode de transport distinct, et se retrouve en mixité, malheureusment. Ce n’est pas le choix qui est fait au Danemark et aux Pays-Bas, où les infrastructures sont séparées. On demande donc des aménagements à part, là où il y a de la densité, comme dans les villes. En pleine campagne bien sûr, où il n’y a pas grand monde, c’est plus simple d’avoir un chemin mixte. Mais ça ce n’est pas le plan du fédéral qui s’occupe de cela.

Pensez-vous que des événements sportifs ou culturels, comme les mondiaux du vélo sur route qui se déroulent actuellement en Flandre, ou le dimanche sans voiture, peuvent susciter de l’engouement pour l’utilisation du vélo?

Les événements sportifs n’ont quasiment aucun impact sur les déplacements à vélo. Ce sont deux mondes différents. La journée sans voiture, quant à elle, a un impact positif: les gens peuvent tester la ville, dans des conditions de sécurité relatives mais meilleurs qu’au quotidien. Maintenant, on n’a jamais eu d’études précises sur la part des déplacements à vélo. On ne sait pas isoler l’impact de la Journée sans voiture de tous les autres facteurs à Bruxelles, comme les pistes cyclables séparées sur la petite ceinture, ou la réduction de la vitesse à 30 km/h, qui est quand même aussi un bonus pour les déplacements à pied ou à vélo.

Est-ce que vous constatez une augmentation des ventes de vélo, notamment en deuxième main, les vélos neufs étant en rupture de stock?

Oui effectivement, il y a beaucoup de gens qui se rabattent sur les vélos de deuxième main, mais c’est un marché qui n’est pas surveillé, donc on n’a pas de chiffres. Pour les vélos neufs, il y a une augmentation, et la fédération des vendeurs de vélos et de voitures, Traxio, vend plus de vélos dans son réseau. Decathlon ou autres en vendent sans doute plus aussi. Mais avec les ruptures de stock, il faut attendre plusieurs mois pour acquérir un vélo neuf, ce qui a un effet sur le marché de seconde main., et ça devient compliqué de trouver un bon vélo (rires).

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