Plaidoyer pour un confédéralisme belge à quatre (analyse)

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Dans un livre qui vient de paraître, Philippe Destatte, directeur général de l’Institut Destrée, souligne que le confédéralisme à quatre pourrait être le point d’équilibre tant recherché pour notre Etat.

Très bientôt, on reparlera d’une réforme de l’Etat en Belgique: c’est écrit, car la Vivaldi va lancer le débat pour veiller à rendre la Belgique « plus efficace ». Une grande consultation est annoncée avant l’été, avec la participation des citoyens, et la volonté de planifier la réflexion en vue du grand rendez-vous électoral de 2024. D’ores et déjà les partis politiques fourbissent leurs armes et les penseurs resortent leurs théories.

Ce lundi encore, dans Le Soir, le vice-Premier PS au fédéral, Pierre-Yves Dermagne (PS), soutient l’idée d’une « grande réforme institutionnelle » et d’une « Belgique à quatre Régions »: Flandre, Wallonie, Bruxelles et Belgique germanophone. C’est la tonalité dominante du côté francophone où le fait régional et l’émergence d’une Bruxelles très autonome se sont imposées. En Flandre, par contre, l’idée d’une Belgique composée de deux grandes Communautés, avec deux « sous-entités », tient toujours la corde, singulièrement dans le chef de la N-VA.

« Je suis un régionaliste convaincu, pas romantique, plutôt pragmatique et concret, ajoute Pierre-Yves Dermagne. Je ne suis pas opposant à la solidarité Wallonie-Bruxelles, mais je ne crois pas qu’elle ait besoin d’une institution pour se concrétiser. On peut fédérer nos forces et nos atouts sans un Parlement et un gouvernement permanents. » Supprimer la Fédération wallonie-Bruxelles, autrement dit la Communauté française: voilà de quoi prouver que le débat risque d’être animé du côté francophone également.

« Le confédéralisme, spectre institutionnel »

Dans un livre qui vient de paraître (1), Philippe Destatte, directeur général de l’Institut Destrée, intervient lui aussi dans ce débat concernant « l’adaptation des institutions belges à l’évolution de la société ». Il inscrit sa prospective dans le long processus évolutif de notre pays jusqu’aux élections de mai 2019 qui ont laissé la Belgique fédérale « sur un champ de ruines » (selon les termes d’un éditorialiste), en raison du maintien de la N-VA à un haut niveau et de la forte progression du Vlaams Belang. Sa conclusion? Le confédéralisme « vient », mais il devrait effectivement reposer sur les quatre Régions.

« Au moment du Pacte d’Egmont, en 1978, le député CVP Jan Verroken (1917-2020) évoquait les mécanismes de développement institutionnel inscrits dans l’accord, refusant de s’engager dans les étiquettes pour dire si l’évolution portait la Belgique vers le fédéralisme ou le confédéralisme, écrit Philippe Destatte. Ainsi, faut-il aujourd’hui cesser cette forme de postulat aussi futile qu’inutile chez certains francophones selon lesquels le confédéralisme ne serait qu’une dérive inéluctable vers la séparation. En effet, nous pourrions avantageusement considérer que le confédéralisme constitue le fameux point d’équilibre recherché dans les sept vagues précédentes de réformes de l’Etat. »

Il vaut mieux, plaide-t-il, se mettre autour de la table pour l’élaborer ensemble, plutôt que le laisser s’installer de fait. « Ce choix du confédéralisme ne sera évidemment pas simple, ajoute-t-il. Il impliquera des mécanismes de cohésion et de responsabilisation. Qui en douterait? Et, si nous avons pu observer qu’au fil du temps, tous les grands partis démocratiques flamands se ralliaient à l’idée de confédéralisme (l’Open VLD a fait marche arrière et le CD&V reste mesuré – Ndlr), nous avons vu également que tous, y compris la N-VA, souhaitaient que ces mécanismes persistent. »

Plus tôt dans son livre, l’historien et prospectiviste, régionaliste devant l’éternel, prévient: « J’ai dit ne pas avoir d’affection particulière pour la Belgique. Je n’en ai pas davantage pour le confédéralisme. Néanmoins, après avoir décrypté le programme de la N-VA et ses propositions en la matière, j’ai observé, comme d’autres d’ailleurs – juristes, politologues ou journalistes – que le confédéralisme du parti présidé par Bart De Wever n’est pas la caricature que beaucoup ont voulu en faire. » Ou encore: « Sachons-le: ce qui tuera la Belgique, c’est moins le confédéralisme que l’absence de dialogue entre mes responsables de ces quatre régions. » Un petit pavé dans la mare.

(1) « Le confédéralisme, spectre intitutionnel », éditions Institut Destrée, 118p., 2021.

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