Gilles Vanden Burre

Oser plaider pour « plus de Belgique » (carte blanche)

Gilles Vanden Burre Chef de groupe Ecolo-Groen à la Chambre

En Belgique, quelle que soit l’actualité politique, les discussions communautaires ne sont jamais très loin au même titre que les débats concernant l’avenir du pays.

Cette rentrée politique n’échappera pas à la règle, d’autant que se lancent les travaux de la commission conjointe Chambre-Sénat sur l’analyse des 6 précédentes réformes de l’État et, dans la foulée, la consultation en ligne des citoyennes et des citoyens sur ces enjeux majeurs, ainsi que la mise sur pied de panels tirés au sort. Il est d’ailleurs à saluer que nos concitoyens soient enfin sondés quant au futur de leur pays et que ce ne soit plus le monopole de responsables politiques enfermés 12 mois dans un château pour en sortir avec des réformes toujours plus complexes et illisibles pour la plupart des 11 millions de Belges.

De même, cela fait plusieurs mois que la fièvre communautaire (re)monte du côté des nationalistes flamands qui n’ont pas hésité à fustiger les Francophones de tous les laxismes en pleine période de COVID ou à réclamer la scission pure et simple des soins de santé (un non sens aux yeux de la plupart des experts). Cerise sur le gâteau, leur président De Wever a réclamé le rattachement de la Flandre aux Pays-Bas en pleine pause estivale…ce qui a surtout provoqué l’hilarité chez nos voisins du Nord.

De manière plus globale, le discours politique réclamant toujours plus de régionalisations est très présent, et depuis longtemps, dans le paysage politique belge, en s’intégrant progressivement dans la plupart des partis, y compris du côté francophone. Il suffit de lire « Les fossoyeurs de la Belgique » de Wouter Verschelden pour s’en convaincre avec la description du deal avorté PS-NVA, de l’été 2020, qui transformait clairement la Belgique en pays confédéral, avec un minimum de matières gérées en commun. Jusqu’il y a peu, oser affirmer une volonté de renforcement du fédéral était en effet perçu comme surréaliste ou, au mieux, complètement déconnecté de la réalité.

Ceci étant dit, une tendance inverse commence doucement à se profiler, depuis peu mais de façon sérieuse et récurrente. Elle ne réclame pas un retour à une Belgique unitaire, qui n’aurait aucun sens, mais souhaite renforcer le niveau fédéral et les mécanismes de coopération entre entités fédérées. Plusieurs partis politiques se sont d’ailleurs exprimés dans ce sens, de manière visible comme le VLD ou les écologistes, et cette vision a clairement des supporters dans tous les partis politiques, en dehors de la NVA et du Vlaams Belang.

L’objet de cet article est de démontrer que ce plaidoyer pour « plus de Belgique » est réaliste, qu’il peut apporter davantage d’efficacité dans la gestion publique et qu’il est de plus en plus partagé au sein de la population.

Tout d’abord, en terme d’adhésion populaire, le mieux est de regarder les derniers sondages parus en la matière et force est de constater qu’ils dénotent avec la musique nationaliste omniprésente qui nous annonce le démantèlement du pays de façon imminente. En mai 2021, un sondage du Standaard et de la VRT (« De Stemming ») montrait que 33 % des Flamands souhaitaient que le niveau belge décide de tout (contre 12 % au niveau flamand) et que ce nombre montait à 63 % pour que le niveau belge décide davantage qu’aujourd’hui. Par la suite, un sondage du Vif de juin 2021 donnait le même type de tendance : 24 % des Flamands s’exprimant en faveur du retour à un Etat unitaire (contre 15 % en faveur du séparatisme) et 44 % souhaitant davantage de compétences pour le fédéral (26 % du total n’ayant pas d’opinion en la matière). Les sondages ne représentent pas une science exacte mais impriment une tendance en vue de comprendre dans quel sens va l’opinion publique. A cet égard, les choses sont claires et il y a donc une réelle base électorale importante qui est prête à soutenir un discours politique réclamant davantage de compétences et de poids pour le niveau fédéral. En fait, il est plutôt étonnant que ce plaidoyer ne soit pas davantage porté au niveau politique, en tout cas avec plus d’énergie et de conviction , en Flandre comme en Belgique francophone. Ce sera un des enjeux des mois et des années à venir.

Deuxièmement, ma conviction est que renforcer le niveau fédéral améliorerait le service offert à l’ensemble de la population. En particulier, je pense aux situations de crise que la Belgique a connues ces dernières années. Que ce soit en matière de terrorisme, de gestion d’épidémie ou de catastrophes naturelles majeures, la coordination globale de l’action publique et l’unité de commando doivent se situer au niveau fédéral. Avec la capacité pour le fédéral, dans ces cas précis, de prendre des décisions concernant d’autres niveaux de pouvoir. Le même type de raisonnement pourrait s’appliquer quand il s’agit d’objectifs internationaux que la Belgique doit atteindre, en matière climatique par exemple, et au sujet desquels le fédéral devrait pouvoir reprendre la main si les Régions ne sont pas en capacité de s’accorder. En parallèle, des mécanismes approfondis de coopération entre entités seront nécessaires afin de répondre aux défis majeurs en terme de mobilité, d’énergie ou d’emploi. Aucune Région ne pourra y répondre en avançant seule ou en s’isolant de ses voisines.

Enfin, si l’on souhaite véritablement donner un avenir durable à ce pays, il est aussi impératif de permettre à nos concitoyens de mieux se comprendre et se connaître. Cela passe par l’apprentissage de la deuxième langue nationale (le néerlandais devant être à nouveau rendu obligatoire en Wallonie), mais également par des programmes culturels et des débats politiques bilingues ou encore par la possibilité de voter pour des personnalités issues de l’autre communauté linguistique.

Le spectre des débats qui s’ouvre au sujet de l’avenir de la Belgique est large et va certainement occuper une large place médiatique d’ici à 2024. Il est important de ne pas laisser le champs des possibles uniquement aux mains des nationalistes et de leur vision étriquée de la société. D’autres options existent, renforçant les liens de solidarité, de collaboration et d’efficacité entre Flamands, Wallons et Bruxellois. A nous de les promouvoir.

Par Gilles Vanden Burre, député fédéral et chef de groupe Ecolo-Groen à la Chambre

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