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Nos services d’urgences sont-ils efficaces ?

Depuis plusieurs années, les hôpitaux sont confrontés à de nombreux scandales qui touchent le secteur : erreurs médicales, manque de transparence des médecins, trop longues attentes… Mais contrairement aux idées reçues, la Belgique possède un service de qualité et continue à se perfectionner. Focus.

Le service des urgences est un endroit difficile, tant pour les patients que pour le personnel. Face aux plaintes déposées ces dernières années contre certains services, les hôpitaux se défendent : « nos services sont devenus des supermarchés !« , constate le Dr Philippe El Haddad, directeur Général Médical du CHIREC et spécialiste de la médecine d’urgence.

Le manque de reconnaissance de certains médecins pointé du doigt

« 45 dossiers chez nous concernent un problème relatif à une non-prise en charge du patient aux urgences, et près de la moitié des problématiques se sont déroulées le week-end ou durant un jour férié « , confie Rachida Essannarhi, directrice de l’ASBL Erreurs Médicales. Les incidents sont fréquents. Pour 2017, l’association en compte déjà 9.

La première revendication des patients est une prise de conscience et une reconnaissance du problème par le personnel. Leur souhait est avant tout d’avoir des éclaircissements sur les raisons d’un incident, « chose qu’ils n’ont pas toujours », regrette la directrice. Si le problème d’effectif est bien présent, les urgences sont aussi un lieu où le personnel vit dans le stress et l’angoisse : « Ils doivent recevoir des personnes qui sont souvent dans des états traumatiques, plus ou moins graves. Face à cette urgence permanente et à la fatigue qui s’accumule, on peut aussi être plus amène de commettre des erreurs ou des fautes médicales « , admet-elle. Les diagnostics peuvent aussi être incomplets.

Selon le Dr El Haddad, l’erreur médicale est une chose qui peut arriver. Mais dans la majorité des cas, «  les médecins sont consciencieux et font leur boulot correctement. Le problème, c’est que dans tout métier, il peut y avoir des choses qui ont failli, un tas de choses peut arriver. » Le plus important pour lui est de ne pas fuir, « c’est même indispensable ! » Plutôt que de ne pas reconnaitre une faute ou la minimiser, il est important que l’équipe se réunisse, pour toujours se remettre en question.

Les urgences sont débordées

Les urgentistes sont des super-généralistes qui doivent savoir tout faire, mais qui ne peuvent pas aller trop loin dans le diagnostic. « On ne peut pas leur demander d’être hyper spécialisé comme d’autres médecins, c’est impossible « , rappelle le spécialiste. Le flux de patients présent dans les salles d’attente joue également un rôle dans la prise en charge. « On est inondé de gens qui n’ont rien à faire là ». La demande n’est pas toujours justifiée, les patients viennent pour une entorse, un mal de dos… Certains ne consultent pas leur médecin traitant avant de se rendre aux urgences, ou n’en ont tout simplement pas.

Philippe El Haddad assure de l'efficacité du fonctionnement de nos services d'urgences
Philippe El Haddad assure de l’efficacité du fonctionnement de nos services d’urgences© Noémie Joly

La demande est grande et beaucoup de personnes considèrent le service comme un self-service : « les gens, quand ils viennent, ils veulent tout. Maintenant, avec l’accès à l’internet, ils pensent avoir un anévrisme suite à un mal de tête, donc il leur faut un scanner. Ils arrivent en disant : « je veux un scanner », même avant qu’on examine « , témoigne le Dr El Haddad.

Les services d’urgences sont remplis de gens qui n’ont rien à faire là !

« Certains n’acceptent rien. Si le diagnostic ne leur plait pas, ils vont aller faire du shopping médical dans un autre hôpital. Parfois, ils font trois ou quatre services d’urgences, car le diagnostic ne plait pas, ou parce qu’ils ont encore mal. » Pendant ce temps, ceux qui ont un problème sérieux ne sont pas correctement pris en charge.

Des solutions ?

Pour fluidifier les lieux, les hôpitaux misent sur le tri à l’entrée, selon le degré d’urgence des malades. Les plus malades sont donc pris en charge plus rapidement, suivant des checklists très précises (NDLR : La liste se base sur des paramètres, des critères précis et les symptômes des patients).

Certains hôpitaux n’hésitent pas non plus à se remettre en question en proposant plusieurs pistes d’amélioration afin de s’adapter à la demande des patients et des collaborateurs. L’équipe des urgences sur le site UNION à Tournai, en a tiré un grand avantage : « nous avons réduit de 30 minutes la durée moyenne de la prise en charge, pour tous les types de circuits confondus, tout en sachant que le nombre moyen de patients est, quant à lui, en nette augmentation « , a témoigné le Dr Van Trimpont. Parmi les mesures prises par l’établissement, une augmentation du nombre de médecins de jour et de nuit, la reconnaissance du site CHwapi comme lieu de stage depuis le 1er octobre ou encore la collaboration avec d’autres services de l’hôpital afin de permettre à quelques assistants de se détacher de leur service pour prêter main-forte aux Urgences.

Des projets pilotes sont notamment mis en place, comme le triage téléphonique via la ligne 1733. Le numéro permet de joindre un médecin généraliste de garde, en cas d’aide médicale non urgente. Au cours des prochaines années, chacun pourra prendre en compte cette possibilité dans toute la Belgique.

Les urgences : la deuxième étape

Une solution ultime pour le Dr El Haddad est de changer les comportements : « Je crois qu’il faut une discipline des gens. On doit d’abord passer par des étapes « . La première est de contacter son médecin généraliste, dont le rôle de « chef d’orchestre » est primordial. C’est lui qui jugera de la situation. Les urgences ne constituent qu’une deuxième étape.

Si des améliorations sont possibles, nos services restent néanmoins de qualité. La Belgique a su tirer son épingle du jeu en proposant une grande accessibilité aux soins, la possibilité d’utiliser des scanners et des radios facilement ou d’avoir accès à un service SMUR performant. Pour ce qui est de l’attente, l’herbe n’est pas plus verte ailleurs, rappelle le docteur : « les gens n’attendent pas beaucoup chez nous, contrairement à dans d’autres pays. En France, vous pouvez passer douze heures dans un service d’urgence. Au Canada, il en est parfois de trois jours ! » Selon lui, l’organisation des services est correcte et performante, mais des problèmes, « il y en aura toujours « .

Noémie Joly

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