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Myhrra : Le « couteau suisse » du nucléaire belge

La saga du « train nucléaire » La Hague-Gorleben a ravivé le débat sur les déchets nucléaires. Dans le secret des laboratoires du centre nucléaire de Mol, on travaille à la création d’un nouveau réacteur qui pourrait changer la donne. Nom de code: MYHRRA.

On sait que les réacteurs nucléaires classiques comme ceux de Doel et de Tihange fonctionnent avec de l’uranium comme combustible. Après 4,5 ans de fonctionnement, pour une tonne de combustible utilisé, le réacteur « restitue » 935 kilos d’uranium, 50,2 kg de produits de fission, 12 kg de plutonium, 1 kg de neptunium, 800 gr d’américium et 600 gr de curium. Et les 400 gr manquants, demanderez-vous ? Ils ont été transformés en énergie par la fameuse formule d’Einstein E=mc².

Parmi ces différents ingrédients, le neptunium, l’américium et le curium – s’ils ne représentent en définitive que 2,6 kilos – constituent la fraction la plus dérangeante du combustible usé qui confère à l’ensemble des déchets une redoutable toxicité et une durée de vie estimée à plus d’un million d’années. Par contre, si on les isole et si on les transmute, on réduit considérablement la radio-toxicité et on ramène le temps d’activité à 300 ou 400 ans environ.

Le « couteau suisse » du nucléaire Pour réaliser cette transmutation, il fallait concevoir un réacteur à qui on a donné le joli nom de MYRRHA pour « Multi-purpose hYbrid Research Reactor for High-tech Applications ». « Le réacteur MYRRHA ouvre des perspectives considérables dans plusieurs domaines, explique le professeur et père du projet Hamid Aït Abderrahim. En effet, grâce à la réduction importante de la radio-toxicité et de la température des déchets, on pourra stocker ceux-ci dans un volume divisé par 100, avec les conséquences financières que l’on imagine. Les avantages environnementaux sont donc évidents, mais ils s’accompagnent d’applications très intéressantes. D’abord parce que ce type de réacteur fournira évidemment de l’énergie; mais ensuite parce qu’il nous permettra de produire les radio-isotopes médicaux particulièrement recherchés au niveau international et dont notre « vieux » réacteur BR2, ici à Mol, assure à lui seul près de 30 % de la production mondiale ! Le BR2 est une belle machine qui a été modernisée, mais elle accuse quand même un demi-siècle d’existence. MYRRHA sera, en outre, un outil exceptionnel pour tester les matériaux d’avenir qui seront notamment utilisés dans les centrales nucléaires de quatrième génération. Enfin, MYRRHA participera même au développement des énergies renouvelables en fournissant du silicium dopé par irradiation. Il faut savoir, en effet, que celui-ci représente un composant essentiel des circuits électroniques de puissance dont les systèmes d’énergie hybride, le solaire ou l’éolien sont friands. »

Près d’un milliard d’euros

Pour mener à bien le projet, 960 millions d’euros seront nécessaires. Le gouvernement fédéral s’est engagé en mars à couvrir 40 % de cette somme et 60 millions ont déjà été dégagés pour couvrir le programme des cinq années à venir. « Le solde sera apporté par un consortium international dont les membres seront exclusivement des Etats comme la Corée du Sud, la Chine et plusieurs pays européens qui ont déjà manifesté leur intérêt, voire même ont signé un préaccord de coopération. A charge pour ces Etats de fédérer en leur sein des intérêts privés, des centres de recherche, des universités, des fabricants et autres producteurs d’électricité. Chacun apportera sa contribution, soit en cash, soit en nature, en fournissant des éléments du réacteur, par exemple. Notre but est de travailler avec un nombre restreint de partenaires principaux de façon à éviter la dilution des responsabilités. »

Concrètement, le réacteur expérimental devrait être opérationnel en 2023. D’ici là, le travail ne manquera pas. « Jusqu’en 2014, notre priorité est de terminer le design de MYRRHA, mais aussi de constituer le dossier relatif au permis de bâtir, conclut Hamid Aït Abderrahim. Si celui-ci est accordé en 2014, les appels d’offre sortiront l’année suivante et la construction des installations commencera en 2016. Ce qui nous conduira jusqu’en 2019, date à laquelle on commencera l’assemblage du réacteur et de son accélérateur de neutrons. Trois années seront encore nécessaires pour terminer les tests de mise en service progressive, avant le démarrage à pleine puissance prévu en 2023. »

FRANCIS GROFF

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